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L'Egypte et le Qatar

Mardi, 25 novembre 2014

L’egypte et le Qatar s’acheminent-ils vers la normalisation de leurs relations ? Des signes montrent que les deux pays devraient au moins procéder à des mesures d’apaisement de nature à faire baisser la tension qui caractérisait leurs rapports depuis la destitution de l’ancien président, issu des Frères musulmans, Mohamad Morsi, en juillet 2013. Dans la foulée de la réconciliation entre, d’un côté, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et Bahreïn, et le Qatar, de l’autre, les relations entre Le Caire et Doha devraient elles aussi connaître une certaine détente, à défaut d’une normalisation complète.

L’annonce, le 16 novembre, de cette réconciliation a permis le retour des ambassadeurs de Riyad, d’Abu-Dhabi et de Manama à Doha, après leur rappel en mars dernier. A l’époque, les trois pays s’étaient plaints de l’ingérence du Qatar dans leurs affaires internes, en allusion à un soutien présumé à l’insurrection chiite à Bahreïn et à l’appui avéré aux Frères musulmans locaux qui, selon les trois capitales, représentent une menace pour la stabilité de leurs régimes politiques. Les griefs des trois monarchies du Golfe s’appliquaient, au même titre, à l’aide qatari à la confrérie en Egypte. Elles, qui avaient salué la chute des Frères musulmans en Egypte, voyaient d’un mauvais oeil la poursuite de l’appui de Doha à ces derniers.

Depuis, elles n’ont cessé d’exercer des pressions sur le nouvel et jeune émir Tamim, qui a succédé à son père Hamad en juin 2013, pour qu’il change le cours de sa politique étrangère, jugée préjudiciable à leurs intérêts. Le rappel de leurs ambassadeurs à Doha s’inscrivait dans ce cadre. L’un des premiers fruits de ces pressions fut l’expulsion, en septembre, de sept dirigeants des Frères musulmans égyptiens, qui s’étaient réfugiés dans la capitale qatari après le renversement de Morsi. Les clauses de l’accord entre les monarchies du Golfe restent encore secrètes.

Mais l’appel lancé par le roi d’Arabie à l’Egypte pour qu’elle contribue à la réussite de la réconciliation montre que Le Caire est concerné par l’accord. L’annonce, jeudi, par le président Abdel-Fattah Al-Sissi d’une possible extradition des deux journalistes étrangers de la chaîne qatari Al-Jazeera en anglais est un signe en ce sens. Le Caire reste néanmoins prudent et attend avec circonspection la politique à venir de Doha vis-à-vis des intérêts égyptiens. Car si le Qatar a fait un premier geste en direction du Caire en expulsant quelques dirigeants des Frères égyptiens, le soutien multiforme, financier, politique et médiatique qu’apporte Doha à la confrérie et, au-delà, à d’autres groupes islamistes perçus comme une menace à la sécurité de l’Egypte, demeure bien présent.

Le Caire cite à cet égard l’appui qatari aux groupes islamistes en Libye voisine qui, à leur tour, soutiennent les Frères musulmans et d’autres groupes djihadistes en Egypte. Cette dernière croit que ce soutien qatari constitue une menace directe à sa sécurité nationale et vise à déstabiliser son régime politique. En alimentant le conflit armé en Libye, le Qatar, estime Le Caire, cherche à exercer des pressions sur l’Egypte et à accroître les difficultés sécuritaires de son régime politique, en vue de l’affaiblir. En tout état de cause, les deux régimes égyptien et qatari poursuivent des politiques régionales largement éloignées, qui les opposent depuis la chute des Frères musulmans. Alors que Doha soutient les forces islamistes dans le monde arabe, notamment la confrérie, Le Caire les combat vigoureusement.

Une réorientation de la politique du régime qatari en la matière n’est pas à exclure. Mais elle devrait s’inscrire dans la durée pour ne pas lui faire perdre la face. Contrairement à celui de la Turquie, le soutien du Qatar aux Frères musulmans et aux islamistes en général s’explique par des calculs politiques dénués d’idéologie. Doha continue à miser sur les forces islamistes car elle croit qu’elles sont les forces montantes dans le monde arabe et que tôt ou tard, malgré des contretemps, elles parviendront au pouvoir dans les pays ayant vécu des soulèvements populaires. C’est aussi, pour elle, un moyen de projeter son influence régionale face aux poids lourds du monde arabe, telles l’Arabie saoudite et l’Egypte .

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