Depuis la première vague révolutionnaire en janvier 2011, la position des pouvoirs consécutifs est curieuse et suspecte. En effet, ces pouvoirs ont gardé le silence sur la question des avoirs du peuple égyptien qui ont été usurpés et transférés vers l’étranger. Personne n’a pris de mesures sérieuses et efficaces permettant de récupérer ces fonds. En revanche, les responsables couraient derrière les prêts et dons octroyés par les riches Etats arabes du Golfe.
Même les candidats à l’élection présidentielle, malgré l’énormité, voire l’irréalité, des promesses qu’ils avancent, n’ont pas pris l’initiative de récupérer l’argent du peuple. Certains Etats démocratiques occidentaux ont adopté des procédures légales et politiques pour exprimer leur disponibilité à remettre les fonds égyptiens dans leurs banques, à condition que le gouvernement égyptien adopte les procédures judiciaires nécessaires. Chose que les gouvernements qui se sont succédé en Egypte depuis 3 ans, malgré la différence de tendances, n’ont pas faite.
On a dernièrement entendu dire que l’ambassadeur de Suisse au Caire a proposé d’aider l’Egypte dans ce domaine en faisant appel à des experts pour aider les autorités égyptiennes. L’ambassadeur a assuré que son gouvernement visait à ce que les fonds soient remis à leurs vrais propriétaires, et que les autorités suisses avaient décidé de prolonger le gel de ces fonds de 3 ans, afin de revoir les informations disponibles. Selon les rapports des organismes monétaires internationaux, les fonds égyptiens tarnsférés vers l’étranger sont évalués à 225 milliards de dollars. Ces fonds ont été placés à Riyad, Doha, Dubaï, Londres, Madrid, Panama et en Suisse, mais la plus grande part des fonds se trouve en Grande-Bretagne, en Suisse et en Espagne.
Le gouvernement égyptien peut commencer à récupérer ces fonds, surtout que l’Egypte est signataire de l’Accord international de lutte contre la corruption, appliqué depuis 2005. Or, pour réussir, il faut que l’Etat fasse des efforts, surtout ses appareils judiciaires, et plus précisément le procureur général, les appareils responsables des relations internationales, les forces populaires et les organisations civiles. Et ce, pour exercer la pression politique nécessaire, afin d’obliger les Etats dans lesquels les fonds ont été placés à les remettre à leurs propriétaires légitimes. La clause (C) de l’article 57 de l’Accord international de lutte contre la corruption permet aux Etats où sont placés les fonds de les remettre aux Etats où ils ont été usurpés sans décision de justice.
Il est donc possible de commencer par la Suisse, qui a gelé les fonds de Moubarak une demi-heure après sa chute et qui exprime continuellement sa disposition à coopérer avec l’Egypte. La Grande-Bretagne doit, elle, faire plus d’efforts, puisqu’elle a tergiversé pendant des semaines, avant d’accepter de geler les fonds de la famille Moubarak. Faisant également l’aveugle face aux sociétés de Gamal Moubarak enregistrées en Angleterre et utilisées pour cacher la destination de mouvements financiers illicites.
La tergiversation pour des raisons politiques ne se limite pas à la Grande-Bretagne. L’ex-ministre égyptien de la Justice, Ahmad Meqqi, avait déclaré que des pressions étaient exercées de la part de certains Etats du Golfe, afin de promulguer un pardon envers l’ancien président Hosni Moubarak. Et qu’il existe une certaine paresse de la part de ces Etats en ce qui concerne le révélation des sommes placées chez eux. C’est-à-dire qu’ils font pression pour la libération des hommes du régime de Moubarak. On devient donc de plus en plus surpris en apprenant qu’une grande partie des fonds fraudés est présente dans le Golfe arabe, qui a octroyé des aides aux gouvernements égyptiens depuis 2011. La vérité est que ces aides ne représentent qu’une très petite part des fonds égyptiens usurpés et présents dans les Etats du Golfe.
De plus, le dossier de la récupération des fonds fraudés devient de plus en plus confus avec l’instabilité du régime juridique en Egypte représenté dans l’instabilité du poste du procureur général. Ce qui a poussé les Etats concernés à annoncer qu’ils craignaient que le procureur général ne soit indépendant du pouvoir. La conséquence est que la Suisse, malgré sa disponibilité à coopérer avec l’Egypte, a suspendu la coopération avec le côté égyptien au niveau du dossier de la récupération des fonds fraudés en décembre 2012. Et ce, après que l’ex-président Mohamad Morsi eut isolé le procureur général par sa fameuse déclaration constitutionnelle de novembre 2012. Selon les informations disponibles, le secteur bancaire, en particulier la Banque Centrale, a accompli un rôle suspect en facilitant la direction des fonds vers l’étranger. Surtout que les grands responsables et leurs sociétés étaient traités par l’appareil bancaire comme exemptés des procédures officielles et aussi des lois. Au point que le chef de l’Etat retirait d’énormes sommes par une simple signature, et aussi par un ordre oral au président de la Banque Centrale qui, à son tour, remettait des millions de L.E. en espèces.
Il existe donc des doutes que le système bancaire facilitait le processus de fraude des fonds vers l’étranger, alors qu’une corruption organisée sévissait depuis l’amendement de la loi bancaire en 2003. Celle-ci donnait au président de la République le droit absolu de nommer le président de la Banque Centrale ou de le défaire de ses fonctions. La nouvelle loi stipulait aussi de présenter les rapports monétaires directement au président de la République.
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