Les slogans brandis par les jeunes pendant les premiers jours de la révolution du 25 janvier ont donné une énorme impulsion à cette révolution et ont encouragé des millions d’Egyptiens à y participer. Ainsi, un simple mouvement de grogne s’est transformé en véritable révolution populaire. Ces slogans n’étaient pas le fruit du hasard. D’un côté, ils incarnent la souffrance du peuple égyptien sous le régime de Moubarak, de l’autre, ils symbolisent la poursuite d’une lutte contre le régime lancée il y a de longues années par l’opposition égyptienne. Les slogans : pain, liberté, justice sociale et dignité humaine ont donné lieu à une confusion. Est-ce la liberté et la dignité de l’homme ou bien celle de la patrie ? Ces slogans résument, en fait, l’expérience du mouvement nationaliste égyptien dans sa lutte contre le despotisme des régimes successifs.
Les Egyptiens ont l’intime conviction que la liberté et la dignité du citoyen ne peuvent pas être séparées de la liberté et la dignité de la patrie. C’est avec cette conviction que des millions d’Egyptiens sont descendus dans les rues au Caire et dans toutes les villes d’Egypte, après avoir compris que les quelque milliers de jeunes qui se sont regroupés sur la place Tahrir le 25 janvier, défiant l’Etat policier, la corruption et le despotisme, défendaient tout autant la liberté et la dignité du citoyen que celles de la patrie.
Mohamad Morsi est arrivé à la présidence de la République grâce à un engagement et une promesse claire, à savoir réaliser les objectifs de la révolution et préserver ses acquis. Et pour marquer son engagement, il a prêté serment sur la place Tahrir devant des milliers de révolutionnaires, promettant de réaliser les objectifs de la révolution et de ne pas oublier le sang des martyrs.
La scène du serment présidentiel est devenue l’un des fondements de la légitimité du nouveau pouvoir. C’est-à-dire que la légitimité de Morsi et ceux qui viendront après lui sera basée sur leur respect de cet engagement et la réalisation des objectifs de la révolution, c’est-à-dire la liberté et la dignité de la patrie et du citoyen. Dans quelle mesure le président Morsi et son gouvernement ont respecté ces engagements durant les 100 premiers jours du mandat présidentiel ?
Malheureusement, la réponse à cette question semble affirmer que cette légitimité est en danger. Tout porte à croire que le projet politique et économique du président ne répond pas aux exigences de la révolution.
Dans le document signé le 22 juin dernier entre Morsi et le Front national pour la protection de la révolution, dont il est l’un des fondateurs, le chef de l’Etat avait promis de gérer les affaires du pays conformément à un projet de « partenariat national ». C’est-à-dire que tous les autres courants politiques, qu’il s’agisse des libéraux, des nassériens ou de la gauche, deviennent partenaires au pouvoir du courant islamiste. Il a en même temps promis que le nouvel Etat serait civil et démocratique, mais ni religieux, ni militaire, et que la loi régissant la formation de l’assemblée constituante chargée de rédiger la Constitution serait amendée. Et ce, afin de réaliser un équilibre au sein de cette assemblée entre toutes les factions et aboutir à une Constitution qui serait l’expression réelle de l’Egypte. Or, aucune promesse n’a été tenue, en particulier celle concernant l’engagement de gérer le pays à partir d’un partenariat national.
Les choses sont claires. Pendant les 100 premiers jours du mandat présidentiel, il n’y avait que le pouvoir des Frères musulmans et le projet des Frères musulmans. On a assisté à un éloignement intentionnel des autres forces nationales et à l’imposition d’un projet de Constitution sans aucune légitimité. Ce désengagement a coïncidé avec une performance médiocre du gouvernement du Dr Hicham Qandil, ce qui a porté atteinte à la liberté et à la dignité des citoyens ainsi qu’à leur droit à une vie décente.
En ce qui concerne la liberté et la dignité de la patrie, c’est une vraie catastrophe. L’économie nationale dépend des aides étrangères et nous assistons à une reproduction de l’ancien régime. Un régime qui avait adopté la pire forme de capitalisme et qui a lié le développement du pays aux Etats-Unis. Le résultat a été une soumission humiliante à l’entité sioniste et au projet politique de la paix avec l’Etat sioniste. Nous remarquons cependant que le respect des accords de paix et la poursuite de la coordination sécuritaire avec l’Etat sioniste figurent parmi les engagements du président Morsi. Et ce, sans prendre en considération le danger représenté par le manque de souveraineté sur le Sinaï à cause des accords de paix.
Maintenant, il y a une insistance de la part de la présidence pour ne pas toucher de près ou de loin aux accords de paix, à tel point de refuser un simple amendement qui permettrait à l’Egypte de retrouver sa souveraineté sur l’ensemble de ses territoires. De plus, la présidence n’a jamais répondu à l’arrogance et à l’entêtement d’Israël qui ne veut pas modifier les accords. Tout cela ne constituait que de simples indices jusqu’au jour où le président Mohamad Morsi a adressé un message à son homologue israélien.
Ce message adressé à Shimon Pérès par l’intermédiaire d’une lettre de nomination d’un nouvel ambassadeur auprès de l’Etat sioniste a été choquant. Ce message comprenait des éloges pour l’entité criminelle et ses dirigeants terroristes, ce qui nous donne des indices clairs et nets sur la régression de la liberté et la dignité de la patrie. Et cela s’étendra certainement à la liberté et la dignité du citoyen, ce qui signifie inéluctablement une menace pour la légitimité du pouvoir du président de la République.
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