Le discours prononcé par le ministre qatari des Affaires étrangères, Khaled bin Mohamed Al-Attéya, à l’Institut des recherches politiques à Paris, dévoile une réalité importante. Il révèle que le fossé s’élargit de plus en plus entre le Qatar et les trois pays du Golfe (l’Arabie saoudite, les Emirats et Bahreïn) qui ont rappelé leurs ambassadeurs de Doha.
Ceci signifie que le Qatar n’a pas revu ses comptes après la décision du retrait des ambassadeurs de sorte à espérer une réconciliation proche, avant la tenue du sommet arabe ordinaire.
Dans ce discours à Paris, le ministre qatari a confirmé que « l’indépendance de la politique étrangère de l’Etat du Qatar était tout simplement inégociable ». Il a poursuivi en confirmant le respect de son pays et de ce qu’il a appelé « le droit des peuples à l’autodétermination et le soutien des ambitions à réaliser la justice et la liberté », indiquant que son pays « a décidé de ne pas rester en marge de l’Histoire ».
Ces déclarations ont été rapportées par l’agence de presse officielle qatari, un fait qui prouve que le ministre n’exprimait pas un avis personnel, mais le point de vue officiel de son pays.
Dans ce contexte, une question se pose : Jusqu’à où veut aller le Qatar dans sa relation conflictuelle avec le Conseil de Coopération du Golfe (CCG) ? Quel sera l’avenir de ce Conseil si on prend en considération que les différends puissent s’étendre à 4 des 6 pays du CCG ? De plus, le Conseil affronte 4 défis auxquels il est incapable de trouver des solutions.
Le premier défi est représenté par les conséquences du retrait des forces militaires américaines d’Iraq. Le pari du Golfe était que cette présence militaire soit un rempart solide qui protège l’est arabe face à l’Iran, après que les Etats-Unis se sont débarrassés du régime qui accomplissait cette mission. Ce pari n’a pas seulement échoué à cause du retrait des Américains d’Iraq, mais à cause de l’entrée des Iraniens en Iraq. Les habitants du Golfe n’ont réalisé ni que les Américains ont envahi l’Iraq pour réaliser leurs intérêts, ni qu’ils s’en sont retirés pour réaliser leurs intérêts. Le choc le plus grand est que non seulement le rempart militaire américain s’est effondré, mais aussi l’influence iranienne en Iraq est devenue plus forte que toute autre influence.
Le deuxième défi est représenté par le rapprochement américano-iranien qui est devenu l’une des plus importantes orientations de l’administration de Barack Obama. Pour imposer ce choix, Obama a eu le courage de défier le premier ministre israélien, le lobby sioniste aux Etats-Unis et même le Congrès américain en annonçant qu’il avait opté pour le dialogue avec l’Iran, et non pour la guerre.
C’est ainsi qu’il a annoncé qu’il était du droit de l’Iran de posséder un programme nucléaire pacifique et d’enrichir l’uranium dans les limites qui assurent le caractère pacifique de son programme nucléaire. Il a également refusé que le Congrès impose de nouvelles sanctions à l’Iran afin de préserver l’accord nucléaire conclu (l’accord de Genève). Les pays du Golfe craignent, et refusent, ce rapprochement ou cette entente américano-iranienne de peur que l’accord nucléaire ne se transforme en une transaction globale qui octroie à l’Iran un pouvoir et un rôle plus grand dans les affaires et les intérêts arabes, notamment ceux de la région du Golfe. Surtout que certains pays du CCG considèrent l’Iran comme un ennemi et une menace évidente.
Le troisième défi est l’échec de développer le CCG et de le faire passer d’un simple cadre de consultation en un cadre d’union. En effet, le souverain saoudien, Abdullah ben Abdel-Aziz, avait invité au cours du sommet du Golfe de Riyad en décembre 2011, à transformer le Conseil en une union dans le cadre des tentatives saoudiennes d’affronter les éventuelles répercussions néfastes des vagues de révolutionnaires arabes.
Cependant, cet appel n’a pas rencontré d’écho enthousiaste de la part des autres membres du Conseil, à l’exception de Bahreïn. Cette proposition a été soumise à tous les sommets ordinaires et consultatifs jusqu’à ce qu’elle soit ajournée à une date indéfinie lors du dernier sommet au Koweït, en décembre 2013, après le refus officiel omanais.
En effet, le ministre omanais des Affaires étrangères a menacé que son pays se retirerait du Conseil s’il y existait une insistance forte à le transformer en union. Il a également exprimé l’opposition de son pays à ce que certains autres pays adoptent des politiques étrangères au nom du Conseil et a indiqué le refus d’Oman de considérer l’Iran comme un ennemi et de transformer le Conseil en un bloc militaire pour lutter contre l’Iran.
Et voilà que le défi qatari survient après le défi omanais. Le Qatar soutient les organisations terroristes qui menacent la sécurité et la stabilité des pays du Conseil, notamment la confrérie « terroriste » des Frères musulmans.
Le communiqué, promulgué par l’Arabie saoudite, les Emirats et Bahreïn pour le rappel des ambassadeurs de Doha, a prouvé que les trois pays ont déployé d’énormes efforts pour s’entendre avec le Qatar à tous les niveaux afin de parvenir à un accord pour avancer dans le cadre d’une politique unifiée et basée sur les fondements cités dans la charte du Conseil et dans les accords signés, y compris l’accord sécuritaire. A savoir : le respect des principes qui garantissent la non-ingérence dans les affaires internes des pays membres du Conseil, le non-soutien des organisations ou des individus qui menacent la sécurité et la stabilité des pays du Conseil par l’intermédiaire des actes sécuritaires directs ou de l’influence politique et le non-soutien des médias hostiles. Cependant, le Qatar n’a pas respecté ces conditions et le discours de son ministre des Affaires étrangères à Paris confirme qu’il est déterminé à poursuivre son propre projet.
Ces quatre défis confirment incontestablement que le Conseil a besoin d’une restructuration et d’une révision de ses politiques et de ses objectifs, surtout que certaines forces régionales et internationales guettent le démantèlement du Conseil pour imposer de nouvelles formules à un système de coopération sécuritaire et politique. L’Iran guette, Israël guette et les Etats-Unis soutiennent et manipulent. La dissolution du CCG est devenue une éventualité plausible sans que personne sache jusqu’à présent quelles seront les alternatives.
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