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L’Etat, la liberté et la charia

Mercredi, 10 octobre 2012

Certains fervents de l’application de la charia islamique y ont porté préjudice en la limitant à un seul aspect et en ignorant sa globalité. Ils ont ignoré son principal objectif, celui d’inciter les gens à penser, à se renouveler, à être créatifs et à utiliser la raison qui marque la différence entre l’homme et les autres créatures et qui le rend digne de la distinction divine.

La véritable compréhension de la charia islamique préserve de la rigidité et de l’étroitesse d’esprit à l’encontre de ce que montre le discours de ceux qui en parlent, qui s’arrêtent à la surface et qui sont incapables d’aborder la profondeur. Ils ignorent le rôle axial de la raison ainsi que sa capacité à tirer de nouveaux préceptes des fondements de la charia en se basant sur ses constantes.

Il n’y a aucun prétexte pour stipuler les préceptes de la charia islamique dans la nouvelle Constitution. Ces préceptes ne peuvent être la source de la législation, car ils sont eux-mêmes une sorte de législation. Chacun est relié aux conjonctures de son époque à l’encontre des fondements qui sont inchangeables à travers le temps et le lieu. Les fondements de la charia sont donc invariables pour l’éternité, alors que les préceptes sont variables par leur nature.

Il est donc impossible que les préceptes soient la source de la législation, car ils sont différents les uns des autres. Cette différence, voire même cette contradiction, est chose ordinaire pour de nombreuses raisons, comme la diversité des doctrines, des explications, des lieux ainsi que des époques. Par exemple, les préceptes de l’imam Al-Chaféi en Egypte étaient parfois différents de ceux qu’ils adoptaient en Iraq à cause de la différence des situations dans chacun des deux pays.

Etant donné que les conjonctures qui ont entouré chacun des préceptes de la charia n’étaient pas fixes, certains préceptes font désormais partie de l’Histoire, et ce qui sont encore valables pour notre ère méritent d’être révisés dans le cadre d’un système juridique intégral. Nous n’avons pas besoin d’un texte constitutionnel à cet effet. Rien n’empêche un membre du Parlement de proposer un projet de loi basé sur un précepte de la charia islamique tant que la société en a besoin, même s’il n’y a pas de texte sur cette charia dans la Constitution. Partant, tous ceux qui tiennent à la charia islamique doivent réaliser que son application nécessite l’utilisation de la raison plus que du transfert.

C’est là le fondement de l’islam, qui se base sur la raison et qui incite à l’utilisation de la raison. En effet, de nombreux versets du Coran confirment qu’il est important que les gens raisonnent, réfléchissent et contemplent. C’est pourquoi il est important de se fier à la raison en abordant la charia pour en tirer de nouveaux préceptes conformément aux nouvelles conjonctures de la vie.

Si ce raisonnement avait été présent durant la seconde moitié du XIXe siècle lorsque les Egyptiens avaient commencé à légiférer de façon moderne, si nous avions eu des savants capables de tirer des lois de la charia, nous n’aurions pas eu besoin de nous baser sur le système juridique français ou autre.

C’est la raison pour laquelle l’un des plus éminents juristes de l’histoire contemporaine, Abdel-Razeq Al-Sanhouri, a accordé une importance à ce sujet dans les années 1940 et a reformulé une grande partie du code civil selon la charia islamique.

Que la Constitution stipule que la charia islamique est la principale source de la législation n’empêche nullement le Parlement de légiférer conformément à la charia de concert avec les conjonctures de l’époque. Il n’y a donc aucun problème à stipuler que la charia islamique est la principale source de la législation. Le problème est que certains n’arrivent pas à réaliser l’essence de la charia qui est de se fier à la raison pour réaliser les intérêts du pays et des citoyens.

Dans ce contexte, la charia ne peut se contredire avec la liberté, contrairement à ce que peuvent le prétendre certains. Nous n’avons donc nullement besoin de conclure les textes relatifs aux libertés dans la Constitution par l’expression : de manière à ne pas contredire la charia. En effet, la charia est la source du système juridique, et la liberté est le fondement du régime politique. Etant donné que ces deux systèmes sont étroitement liés, la charia et la liberté ne peuvent être que les deux facettes de l’Etat auquel les Egyptiens ont longtemps aspiré. En d’autres termes, ils représentent les deux ailes de l’Etat sans lesquelles il ne pourra voler dans les cieux du nouveau monde. Il s’agit là du moyen de réaliser la réconciliation historique entre ces deux ailes. Et ce, de sorte à ce que le régime politique réalise la liberté du choix et l’expansion de la participation populaire, garantisse le pluralisme politique et partisan, et se base sur un système juridique affranchi de l’arsenal des législations héritées des décennies d’oppression, de corruption, d’humiliation et de dépendance étrangère.

Ceci signifie que notre système juridique nécessite une révision radicale pour le libérer des législations qui ligotent les libertés. C’est ainsi que de nombreuses législations doivent être révisées, afin de réaliser la liberté et de reconstruire un régime politique dans le cadre de l’Etat de droit et des institutions. Cela à travers une participation populaire, afin de réaliser l’intérêt public qui a complètement perdu de sa valeur durant l’ancien régime. Dans ce contexte, il s’avère indispensable de conférer un caractère moral à l’action politique. Ceci ne signifie nullement aspirer à la réalisation de l’utopie ou d’une politique morale dont ont rêvé certains philosophes depuis la nuit des temps. Cela signifie qu’il est indispensable de conférer des mœurs à l’action politique et à la politique avariée jusqu’à la moelle ces dernières décennies.

C’est ce dont nous avons le plus besoin dans une société qui ne manque ni de piété ni de gardiens de la charia, car sa capacité de la protéger s’est clairement révélée. La société a surtout besoin de personnes qui œuvrent à résoudre ses problèmes accumulés et à réaliser la justice et l’égalité qui lui font réellement défauts. C’est ainsi qu’il sera possible de parler de l’Etat de la liberté et de la charia loin de la prétendue contradiction entre les deux notions.

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