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La Chine renforce sa présence en Iraq

Thursday 22 juin 2023

L’Iraq et la Chine ont tenu une série de réunions à Bagdad, début juin, en vue d’élargir l’accord-cadre de septembre 2019 « Pétrole contre reconstruction », qui prévoit la construction par Pékin d’infrastructures financées par le paiement différé de vente de pétrole iraqien à la Chine.

Les discussions ont porté notamment sur des projets pétroliers et gaziers, ainsi que des aéroports et ports à double usage civil et militaire. Ces projets s’inscrivent dans le cadre de l’initiative « la Ceinture et la Route » annoncée par Pékin en 2013.

L’intérêt majeur de la Chine porte sur la sécurisation des ressources pétrolières et gazières pour subvenir aux besoins de son économie, en concurrence féroce avec celle des Etats-Unis pour la suprématie mondiale. Assurer ces approvisionnements est d’autant plus important que Pékin prévoit une montée des tensions avec Washington dans les prochaines années. Les trois principaux pays cibles de Pékin au Moyen-Orient en termes de sécurisation de ses approvisionnements énergétiques sont l’Arabie saoudite, l’Iran et l’Iraq, étant donné leurs importantes réserves et le fait qu’ils se distinguent par le coût de levage du pétrole le plus bas au monde.

L’Iraq accorde, pour sa part, une priorité absolue au développement de sa capacité d’exploitation de la richesse pétrolière, l’économie du pays étant largement dominée par ce secteur. Selon la Banque Mondiale (BM), au cours de la dernière décennie, les revenus pétroliers ont représenté plus de 99 % des exportations, 85 % du budget du gouvernement et 42 % du PIB. Depuis la formation en octobre d’un nouveau gouvernement dirigé par le premier ministre, Mohamed Al-Sudani, Bagdad a adopté des plans visant à accroître la capacité de production de pétrole, à développer l’approvisionnement en gaz et à réparer et agrandir les raffineries.

Ces priorités épousent les intérêts de la Chine, dont les entreprises sont bien placées pour contribuer à l’expansion des capacités de l’Iraq, car elles sont activement engagées dans diverses entreprises énergétiques dans tout le pays. Le commerce du pétrole est le pilier de la relation bilatérale, la Chine représentant environ 30 % des exportations du brut iraqien. Les achats par la Chine de pétrole de l’Iraq, son troisième fournisseur, ont augmenté de près de 50 % en 2022 par rapport à l’année précédente, dans le cadre d’une augmentation globale des échanges commerciaux. Les liens énergétiques entre les deux pays s’étendent bien au-delà du commerce de pétrole. Et malgré le récent ralentissement des investissements à l’étranger de l’initiative « la Ceinture et la Route », l’engagement de la Chine dans le cadre de celle-ci en Iraq a continué de croître, principalement dans les infrastructures énergétiques et de transport. En 2021, l’Iraq était de loin le principal bénéficiaire des investissements énergétiques de cette initiative.

Les entreprises énergétiques chinoises ont ainsi intensifié leurs activités en Iraq ces dernières années, en capitalisant sur l’hésitation de leurs homologues occidentales à investir dans un pays en proie à l’instabilité politique et sécuritaire et, dans certains cas, sur leur retrait du marché. En 2017, le géant britannique Shell s’est retiré du super géant gisement pétrolifère Majnoon, à 60 km de Bassorah (sud). Trois ans plus tard, c’est la China Petroleum Engineering & Construction Corp (CPECC) qui le supplante en remportant un contrat pour le traitement du gaz acide sur ce site de Majnoon, l’un des champs pétrolifères les plus riches au monde avec des réserves de 38 milliards de barils.

24 des 41 contrats de construction attribués par l’Iraq à des entreprises chinoises entre 2007 et 2022 concernaient des projets énergétiques, dont 15 menés par le géant énergétique China National Petroleum Corporation (CNPC). Ces entreprises ont remporté l’année dernière 87 % de tous les contrats de projets pétroliers, gaziers et électriques attribués par l’Iraq, d’une valeur de 3,35 milliards de dollars. Plus de la moitié de la production pétrolière iraqienne provient désormais de champs où la CNPC et d’autres sociétés chinoises sont les opérateurs. La présence chinoise dans le secteur énergétique comprend également de nombreuses sociétés de services impliquées dans des activités pétrolières en amont telles que le forage, la fourniture et la construction d’installations de surface, de pipelines et la gestion des champs.

Préoccupée par la possible réaction hostile des Etats-Unis à l’expansion de sa présence dans un pays dans lequel Washington voyait encore des opportunités politiques et économiques, la Chine a adopté une approche discrète. Cela a été réalisé grâce à plusieurs accords liés à divers projets apparemment anodins, mais qui, ensemble, ont établi un contrôle total sur plusieurs secteurs en Iraq. Parmi ces transactions figure l’attribution en 2019 d’un contrat à la CPECC dans le gisement géant de West Qurna 1, à l’ouest de Bassorah. Ce contrat visait initialement à moderniser les installations d’extraction du gaz, mais s’est par la suite élargi et approfondi en termes de portée et d’échelle.

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