La veille de son investiture à la Knesset le 29 décembre, le gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël a annoncé son programme comprenant des politiques des plus extrêmes à l’égard de la population et de la question palestiniennes. Le premier ministre, Benyamin Netanyahu, a ainsi placé l’expansion des colonies en Cisjordanie en tête de sa liste de priorités, promettant de légaliser des dizaines d’avant-postes construits illégalement et d’annexer le territoire occupé dans le cadre de son accord de coalition avec des alliés ultranationalistes. L’ensemble des mesures projetées constitue un engagement clair à empêcher la création d’un Etat palestinien et jette les bases d’une escalade des tensions avec les Palestiniens. Il aliénerait la communauté internationale et donnerait un nouvel élan aux critiques assimilant les pratiques israéliennes en Cisjordanie à l’apartheid, la politique honnie de ségrégation raciale appliquée en Afrique du Sud jusqu’en 1994.
Selon le texte de l’accord de coalition, les nouvelles directives sont guidées par un engagement à « faire progresser et développer la colonisation dans toutes les parties de la terre d’Israël ». Celui-ci a construit des dizaines de colonies juives abritant environ 500 000 Israéliens qui vivent aux côtés de 2,5 millions de Palestiniens en Cisjordanie. La communauté internationale considère que ces colonies sont illégales et constituent un obstacle à la paix avec les Palestiniens. Les Etats-Unis, l’allié le plus proche d’Israël, ont déjà mis en garde le nouveau gouvernement contre toute mesure susceptible de saper davantage les chances d’établissement d’un Etat palestinien.
Le nouveau gouvernement israélien est composé de partis ultra-orthodoxes et d’une faction religieuse ultranationaliste d’extrême droite affiliée au mouvement des colons de Cisjordanie. Dans l’accord de coalition entre le parti du premier ministre, le Likoud, et son allié, le Parti religieux sioniste, Netanyahu s’est engagé à légaliser les avant-postes de colonies sauvages considérés comme illégaux même par le gouvernement israélien. L’accord comprend également un engagement à étendre et à augmenter considérablement le financement gouvernemental des colonies israéliennes dans la ville divisée d’Hébron en Cisjordanie, où une minuscule communauté juive ultranationaliste d’environ 1 000 personnes vit dans des quartiers fortement fortifiés au milieu de dizaines de milliers de Palestiniens.
Pour mettre en application les nouvelles mesures, l’accord de coalition a créé un nouveau poste ministériel chargé de superviser la politique de colonisation en Cisjordanie. L’occupant de ce poste n’est que le chef du parti sioniste religieux, Bezalel Smotrich, un dirigeant de colons qui est également ministre des Finances. Il a promis de développer la construction et le financement des colonies tout en étouffant le développement palestinien en Cisjordanie et dans la partie arabe de Jérusalem, que les Palestiniens entendent faire la capitale de leur futur Etat.
Ce que n’a pas dit l’accord de coalition gouvernementale est que les politiques affichées d’annexion de la Cisjordanie font partie d’un stratagème conçu par Netanyahu en vue de parvenir à un accord de normalisation avec l’Arabie saoudite, le pays le plus riche du monde arabe. Les médias israéliens ont en effet rapporté que le premier ministre suspendrait les plans d’annexion en échange d’un accord avec Riyad. Cet objectif figure parmi les priorités de la politique étrangère de Netanyahu. « Si nous avons la paix avec l’Arabie saoudite, nous allons effectivement mettre fin au conflit israélo-arabe », a-t-il déclaré à Jewish Insider. C’est pour cette raison que l’accord de coalition a laissé à Netanyahu la latitude de choisir le moment propice d’annexer la Cisjordanie en fonction des « intérêts nationaux et internationaux de l’Etat d’Israël ».
Selon des médias israéliens, les formations d’extrême droite du nouveau gouvernement ont convenu de ne pas entraver les efforts de Netanyahu pour parvenir à un accord de normalisation avec l’Arabie saoudite. Et de citer pour preuve la formulation vague de l’accord de coalition sur l’annexion de la Cisjordanie. L’accord a été rédigé d’une manière qui permettrait à Netanyahu de ne pas bouger sur la question en fonction de la conjoncture régionale et internationale. De son côté, Smotrich a laissé entendre qu’il pourrait rester silencieux sur la question afin de permettre à Netanyahu de faire des ouvertures en direction de Riyad. Un autre exemple donné est la déclaration d’Itamar Ben Gvir, nouveau ministre de la Sécurité nationale, selon laquelle bien qu’il souhaite faire avancer des projets de loi accordant aux forces de sécurité l’immunité contre les poursuites judiciaires et des règles plus souples en matière de tirs à balles réelles contre les Palestiniens, il a accepté de respecter le droit international. Ben Gvir est le chef du parti d’extrême droite Otzma Yehudit connu pour ses positions racistes contre les Palestiniens. Il est le successeur idéologique du parti Kach, une formation suprémaciste juive réclamant l’expulsion des Palestiniens du pays et l’instauration d’une théocratie.
Le stratagème israélien est une répétition de celui déjà utilisé en vue de la conclusion en septembre 2020 des accords d’Abraham de normalisation avec les Emirats arabes unis et Bahreïn, deux riches monarchies du Golfe. Netanyahu, le premier ministre d’alors, s’était engagé à abandonner son projet d’annexion des parties de la Cisjordanie. Aujourd’hui, il récidive avec l’Arabie saoudite en ligne de mire.
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