Le Qatar et la Chine ont conclu le 21 novembre le plus long accord d’exportation de gaz naturel de l’histoire. Le contrat, signé par les groupes publics QatarEnergy et Sinopec, prévoit de vendre à la Chine 4 millions de tonnes par an de Gaz Naturel Liquéfié (GNL) qatari sur une durée de 27 ans.
Depuis l’invasion russe de l’Ukraine fin février, la concurrence pour le GNL est devenue intense. L’Europe en particulier est à la recherche d’importants approvisionnements pour remplacer le gaz russe qui représentait près de 40 % des importations du continent. Mais les pays européens hésitent à conclure des accords à long terme car ils projettent de s’éloigner des combustibles fossiles, en vue d’atteindre leur objectif de décarbonisation.
Alors que les Européens sont incertains sur leurs besoins en gaz après 2025 en raison de la transition énergétique, la Chine se montrait plus sûre sur ses besoins à long terme en GNL. Face à la volatilité du marché énergétique, Pékin se montrait impatient d’assurer des approvisionnements à long terme pour subvenir aux besoins de son industrie et de sa croissance. La Chine est le premier importateur de GNL au monde depuis 2021, avec 109,5 milliards de m3, soit 21,3 % de la consommation mondiale. Le gaz est devenu le carburant de transition énergétique de choix de la Chine. Au cours de la dernière décennie, sa consommation de ce carburant a fortement augmenté sous l’impulsion d’une campagne gouvernementale visant à lutter contre la pollution et à encourager le passage du charbon au gaz. Historiquement, le secteur industriel a dominé la demande de gaz en Chine, bien que ces dernières années, les secteurs de la production d’électricité et du logement aient également enregistré une croissance rapide de la consommation. Les besoins à long terme en GNL de la Chine ont parfaitement correspondu à l’objectif stratégique du Qatar de conclure des contrats de vente de longue durée, afin de maintenir et d’accroître sa part de marché. Le Qatar est devenu en avril dernier le premier exportateur mondial de GNL – avec 21 % de part de marché —, devançant ses concurrents, les Etats- Unis et l’Australie, mais aussi les autres producteurs de la région du Golfe disposant des plus grandes réserves, l’Iran, les Emirats arabes unis, l’Arabie saoudite et l’Iraq. Ses exportations vers la Chine proviennent du « champ Nord » qui fait partie du plus grand champ gazier au monde que Doha partage avec l’Iran.
Historiquement, le plus grand marché du GNL qatari a été l’Asie, qui représentait 72 % des importations mondiales en 2021 et 72 % des exportations du Qatar. Au cours de la dernière décennie, la Chine est devenue une destination majeure et de plus en plus importante pour les ventes de Doha. L’année dernière, la Chine représentait 11 % des exportations de GNL qatari, un chiffre qui est appelé à croître. Face à la concurrence de l’Australie et des Etats-Unis, le Qatar a décidé de resserrer son emprise sur le marché asiatique, et en particulier sur celui de la Chine, avec une série d’accords à long terme.
En septembre 2021, Qatar Petroleum a signé un accord de 15 ans avec CNOOC Gas and Power Trading & Marketing, une filiale de China National Offshore Oil Corp. Par la suite, trois autres contrats à long terme ont été conclus entre QatarEnergy et Guangdong Energy (10 ans), Qatargas et S & T International Natural Gas Trading (15 ans), Qatar Liquified Gas et China Suntien Green Energy (15 ans).
Pour concrétiser ses ambitieux plans d’expansion, Doha, via QatarEnergy, a signé au début de cette année cinq accords pour développer le « champ Nord- Est », le premier et le plus important du plan d’expansion en deux phases du « champ Nord », qui portera la capacité de liquéfaction du Qatar de 77 millions à 126 millions de tonnes par an d’ici 2027.
La China National Petroleum Corporation (CNPC), société d’Etat, et Sinopec seraient en discussions avancées pour investir 29 milliards de dollars dans le projet d’expansion du « champ Nord-Est » qui fournira à chacune une participation de 5 % et leur permettra d’acheter le carburant dans le cadre de contrats d’approvisionnement à long terme. La coopération gazière sinoqatarie s’étend à la construction par la société publique chinoise Hudong de quatre méthaniers, à livrer en 2024 et 2025 à Doha, en vue de renforcer et de moderniser sa flotte de GNL.
Ces efforts devraient réconforter la position du Qatar face à ses concurrents, d’autant plus que le pays dispose d’atouts notables, à savoir un emplacement idéal entre les marchés européen et asiatique, des coûts de production exceptionnellement bas, une infrastructure bien établie et une chaîne de production à intensité carbone relativement faible. Dans la bataille pour les parts de marché en Chine, le Qatar dispose d’un levier de poids : l’augmentation de ses ventes répond à la volonté de la Chine de diversifier ses approvisionnements et d’atténuer ainsi les risques géopolitiques associés à une dépendance à l’égard des importations en provenance de l’Australie et des Etats-Unis, ses deux premiers fournisseurs en GNL en 2021, avec qui elle entretient des rapports conflictuels.
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