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Pour une meilleure coopération université-entreprise

Jeudi, 31 mars 2022

A l’invitation de l’Ecole nationale de commerce et de gestion de Tanger, à l’Université d’Abdelmalek Essaadi, au Maroc, j’ai participé les 25 et 26 mars à un colloque international sur la « Coopération entre l’université et l’entreprise », où j’ai fait une intervention sur « les rapports entre l’université et l’entreprise en Egypte ». C’était pour moi l’occasion de prendre connaissance de diverses expériences exposées par des intervenants venus de plusieurs pays et de constater les ressemblances entre le cas de l’Egypte et celui du Maroc.

Il va sans dire que la collaboration entre l’enseignement supérieur et l’entreprise est un important vecteur d’innovation et d’amélioration de la compétitivité et, par là-même, de stimulation de la modernisation et de la croissance économique. L’expérience de l’Egypte en la matière a suscité l’intérêt à bien des égards, notamment concernant les instruments introduits ces dernières années par le gouvernement pour encourager la coopération université-entreprise. Il convient de citer à cet égard le Fonds de développement de la science et de la technologie (STDF) et les Bureaux d’innovation technologique et de commercialisation (TICO), chargés de transfert de la technologie, ouverts dans plusieurs universités publiques et privées, dont celles du Caire, d’Alexandrie, de Hélouan, d’Assiout, ainsi que dans les Universités américaine du Caire, britannique d’Egypte et d’Octobre pour les sciences modernes et les lettres.

D’autres mesures ont été prises par le gouvernement afin de stimuler la coopération université-entreprise. Parmi celles-ci figurent le renforcement de la protection des droits de propriété intellectuelle et la promulgation en 2018 de la loi d’incitation à l’innovation qui permet aux universités et centres de recherche de commercialiser les résultats de leurs recherches scientifiques financées par l’Etat et de créer des entreprises dans leur domaine de recherche.

En outre, les dépenses publiques et privées sur le secteur universitaire ont augmenté ces dernières années pour atteindre 65 milliards de L.E. après que le gouvernement eut annoncé son intention de construire plusieurs universités nationales et internationales dans la Nouvelle Capitale administrative et dans plusieurs gouvernorats. Ces investissements ont produit un accroissement du nombre des universités publiques, qui sont passées de 23 à 27 de 2014 à 2021. Le nombre d’universités et d’écoles techniques privées est également passé de 18 à 35 depuis 2015. De même, le nombre d’articles de recherche publiés par les chercheurs égyptiens dans des revues internationales a sensiblement augmenté pour atteindre plus de 32000 en 2020, l’Egypte se classant au 30e rang mondial sur 234 pays, selon le classement de Scimago Journal (International Science Ranking).

Malgré les efforts déployés par le gouvernement, qui a fait de la coopération université-entreprise une de ses principales priorités, il existe un important potentiel inexploité. En effet, peu d’entreprises coopèrent avec le milieu universitaire. Les Petites et Moyennes Entreprises (PME), en particulier, qui constituent la grande majorité du tissu industriel et des affaires, sont connues pour leur manque de connaissances et d’intérêt pour la recherche universitaire. Ce problème n’est pas propre à l’Egypte, mais il doit être résolu si les PME veulent réaliser leur potentiel et contribuer pleinement au processus d’innovation et de croissance économiques.

Plus généralement, le manque de coopération université-entreprise tient à plusieurs obstacles. Il y a d’abord le peu de connaissance qu’a l’entreprise des services que peuvent offrir les universités. Souvent, les entreprises ont un avis négatif de la recherche universitaire qu’elles considèrent trop théorique et éloignée des préoccupations et des problèmes technologiques pratiques que rencontre le secteur industriel.

Les difficultés tiennent aussi aux objectifs différents des deux secteurs. Alors que le milieu universitaire s’efforce de publier les résultats de ses recherches, l’entreprise souhaite qu’ils soient traités de manière confidentielle. Aussi, tandis que les universités désirent créer des connaissances, l’entreprise cherche à gagner un avantage concurrentiel grâce à l’exploitation de ces connaissances. Il s’ensuit que les systèmes d’évaluation dans les universités valorisent la publication de la recherche plutôt que son application. Les universités pratiquent souvent des méthodes d’enseignement et des programmes d’études qui ne forment pas les étudiants ou les chercheurs aux principes de l’innovation et de l’entrepreneuriat ou sur la manière de développer des compétences pratiques de résolution de problèmes. Par conséquent, la plupart des entreprises ont peu de confiance dans la recherche universitaire et ignorent les réalisations scientifiques de la communauté universitaire et son potentiel. Dans le même esprit, la plupart des chercheurs, en particulier dans les disciplines des sciences appliquées, ne sont pas exposés aux opérations, aux installations ou aux ressources de l’industrie et, par conséquent, leurs recherches ne visent pas à résoudre les problèmes de l’industrie. Les résultats de la recherche ne peuvent pas souvent être mis en oeuvre dans la pratique, car ils ne tiennent pas compte des aspects commerciaux ou pratiques. Par conséquent, les entreprises estiment souvent que la recherche universitaire n’est pas axée sur les besoins de l’industrie.

Plusieurs propositions ont été faites pour remédier à ces difficultés, en tête desquelles la nécessité d’engager un dialogue plus étroit entre les secteurs de l’université et de l’entreprise pour permettre une meilleure compréhension des besoins de l’autre, de la manière de fonctionnement de chaque secteur et des avantages à tirer de la coopération, ainsi que de la manière de gérer cette relation. A cet effet, des groupes de pilotage conjoints, comprenant des universitaires de haut niveau et des dirigeants d’entreprise, peuvent être créés, avec l’encouragement et la participation du gouvernement. En Egypte, la collaboration université-entreprise ne se fait pas naturellement et le gouvernement a un rôle important à jouer. Il devrait notamment favoriser une culture entrepreneuriale dans les universités à travers, entre autres, une modification des critères de récompense et de promotion des enseignants.

Encourager l’entreprise à coopérer avec l’université peut impliquer, de la part du gouvernement, des incitations fiscales ainsi que la création d’un « Forum national permanent » université-industrie-gouvernement dans lequel les membres explorent les domaines d’intérêts et d’avantages mutuels, ainsi que les opportunités de collaboration. Ce forum devrait être répliqué au niveau local, intégrant ainsi les universités dans leurs communautés afin de les inciter à répondre de plus près aux besoins du marché local et aux défis scientifiques et technologiques rencontrés par les entreprises dans leurs régions.

Les grandes entreprises devraient pour leur part envisager d’employer des agents de liaison universitaires qui comprennent le milieu universitaire et peuvent travailler avec des universitaires, établissant ainsi une relation de confiance. Cependant, ce ne sont pas seulement les grandes entreprises qui ont besoin de coopérer avec le monde universitaire. C’est également important pour les PME via des programmes destinés à les relier aux universités.

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