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Al-Azhar a toujours prôné citoyenneté et intégration

Dimanche, 11 octobre 2020

En janvier 2019, le grand imam d’Al-Azhar, Dr Ahmad Al-Tayeb, a accueilli le président français, Emmanuel Macron, au siège de l’institution d’Al-Azhar au Caire. Une rencontre qui ne reflétait pas uniquement la relation historique entre l’Egypte et la France, mais aussi la relation distinguée entre l’institution d’Al-Azhar et la France ainsi que la relation personnelle entre le grand imam et la société française. Lors de la rencontre, le grand imam a exprimé l’espoir que la France deviendra un centre de diffusion de la pensée islamique modérée en Europe via une coopération étroite avec Al-Azhar. De son côté, le président français a exprimé sa joie de rencontrer « le plus grand symbole de l’islam », faisant l’éloge du rôle axial d’Al-Azhar dans la lutte contre l’extrémisme et la promotion du dialogue interreligieux. Il a demandé à ce que les imams et les prêcheurs français soient formés à Al-Azhar et que les étudiants français étudient à l’Université d’Al-Azhar pour garantir qu’ils soient formés au respect de la citoyenneté.

En 2019, il n’y avait donc aucun problème entre Al-Azhar et le président français. Que s’est-il donc passé en 2020 pour que la presse parle d’une crise entre Al-Azhar et Macron? Il faut revenir au discours du président Macron le 2 octobre, qui portait sur une question interne, à savoir la relation entre l’Etat français et les citoyens musulmans. Macron a dit que « l’islam passe par une crise» et n’a pasdit: « les musulmans de France » ou « certains d’entre eux ». Pourquoi s’étonner donc que « le plus grand symbole de l’islam », comme l’a décrit Macron lui-même, commente ces paroles? L’islam en tant que religion concerne tous les musulmans et toutes les institutions islamiques, que dire donc d’une institution millénaire comme Al-Azhar qui a une influence dans plus de 100 pays ?

Macron entre 2019-2020

La différence entre le discours de Macron à Al-Azhar en 2019 et son discours la semaine dernière s’explique par des calculs électoraux dus à la fluctuation de sa popularité face à sa principale concurrente, Marine Le Pen, leader de la droite extrémiste en France. Selon un récent sondage, Macron pourrait obtenir à la prochaine présidentielle entre 23 et 26 % des voix contre 24 à 27 % pour sa concurrente. Le discours de Macron courtise donc franchement la droite extrémiste. En fait, Macron et ses prédécesseurs ont échoué dans leurs politiques d’intégration. Un échec que Macron tente aujourd’hui d’attribuer à tort à l’islam. Les déclarations de Macron ne peuvent que renforcer l’extrémisme radical et aussi l’extrémisme de la droite qui soutient son discours.

C’est donc la position de Macron qui a changé entre 2019 et 2020 tandis que celle d’Al-Azhar est restée inchangée. En appelant à de nouvelles politiques visant à intégrer les citoyens, Macron n’a rien apporté de nouveau alors que le grand imam, Al-Tayeb, a placé la question de la citoyenneté, de l’intégration et de la coexistence au centre de son agenda à la tête d’Al-Azhar comme au centre de son projet intellectuel innovateur. Et là, il faut rappeler que c’est Al-Azhar qui a émis en mars 2017 la « déclaration pour la citoyenneté et la coexistence » baséesur les principes d’égalité et de souveraineté de la loi.

Et c’est ce qu’a dit le grand imam à la tribune du parlement allemand, le Bundestag, aux musulmans vivant en Europe. « Je demande aux musulmans vivant en Europe de respecter les lois et les hautes valeurs des sociétés où ils vivent et de s’y intégrer positivement », avait-il dit. S’adressant aux gouvernements européens, il avait ajouté: « Près de 20 millions de musulmans vivent en Europe et ont acquis la nationalité européenne. Ils doivent jouir de l’égalité avec les citoyens d’origine européenne. Vous ne devez pas les laisser ressentir qu’ils sont des immigrés vivant en marge de la société ». Des propos que le grand imam ne cesse de répéter partout où il va tout en écartant les religions de la responsabilité du terrorisme, qui selon lui, est le résultat d’une mauvaise interprétation des textes religieux.

Et c’est là que réside la différence entre la position d’Al-Azhar et celle de Macron. La première émane d’un refus catégorique de l’extrémisme et d’une volonté de l’éradiquer, alors que la position du Macron repose sur des calculs électoraux, en prétendant lutter contre des extrémistes en courtisant d’autres extrémistes

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