Il s’agit d’une catastrophe et non d’une Constitution. C’est là l’expression utilisée par trois intellectuels et journalistes éminents pour expliquer ce qui se passe dans l’assemblée constituante chargée de la rédaction de la Constitution. En effet, c’est en ces termes que s’est exprimé le grand écrivain Bahaa Taher, président du Comité national de la défense de la liberté de créativité, considérant que ce qui se passe au sein de l’assemblée constituante n’exprime nullement l’identité du peuple égyptien ni sa diversité. Il a précisé que de nombreux membres désiraient que l’Egypte revienne en arrière en ligotant la liberté de créativité, en revenant sur la libération des médias et en ignorant le document d’Al-Azhar. L’ex-membre du Conseil du syndicat des Journalistes, Yéhia Kallach, a également déclaré que si l’assemblée constituante demeurait telle qu’elle est, l’Egypte allait revenir des dizaines d’années en arrière. La troisième personne qui a tenu ces propos est le porte-parole de l’assemblée constituante, Dr Wahid Abdel-Méguid, qui a fait allusion aux articles qui ont rétabli l’emprisonnement des journalistes et la suspension des journaux dans les causes de publication. Des articles que les journalistes avaient réussi à éliminer après une lutte difficile, mais glorieuse.
Dans le même contexte, l’une des éminentes activistes de la société civile, Manal Al-Tibie, avait démissionné de l’assemblée qualifiant sa participation d’amère et de noire. Elle a déclaré qu’il était devenu évident que la Constitution était élaborée au niveau d’une certaine tranche de la société qui ancre la notion de l’Etat religieux pour s’emparer du pouvoir. Elle a déclaré : « Nous sommes sur le point d’élaborer une Constitution plus mauvaise que toutes les Constitutions précédentes par l’intermédiaire d’une assemblée dominée par les Frères musulmans, les salafistes et les wahhabistes ».Le jeune fondateur du mouvement du 6 Avril, Ahmad Maher, qui est également membre de l’assemblée, a soutenu ces mêmes propos en ajoutant que chaque commission du comité de rédaction de la Constitution n’a pas connaissance de ce que font les autres commissions, et que le courant religieux s’en est accaparé. Des propos similaires se sont répétés au cours de la conférence organisée par le Comité national de défense de la liberté de créativité et d’expression la semaine dernière au syndicat des Journalistes. Il s’agit d’une sonnette d’alarme qui prédit un grand affrontement non seulement autour de la nouvelle Constitution à laquelle aspire l’Egypte après sa glorieuse révolution, mais aussi pour défendre une partie des gains acquis par l’Egypte tout au long des 200 dernières années.
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