Débats > Opinion >

Palestine : Peut-on sortir du statu quo ?

Mohamed Ibrahim*, Lundi, 06 janvier 2020

Une compréhension profonde de la situa­tion actuelle de la question palestinienne nécessite d’aborder trois points importants: la réconciliation interpalestinienne, l’accord du siècle et l’accalmie.

Pour ce qui est de la réconciliation interpa­lestinienne, aucun progrès palpable n’a été dernièrement réalisé au niveau, malgré les efforts acharnés déployés depuis de longues années par l’Egypte. Cependant, il existe tou­jours une référence essentielle, à savoir le premier accord de réconciliation signé au Caire en mai 2011, un accord qui avait réglé tous les points de discorde. La deuxième réfé­rence est le second accord du Caire conclu en octobre 2017. Or, il est clair que la mise en application des accords de réconciliation ne dépend plus de la nature des principes autour desquels il y a eu une entente. Mais ceci dépend maintenant d’un seul fac­teur principal: l’existence d’une volonté politique chez les parties concernées de mettre définitive­ment fin à la division qui dure depuis plus de 12 ans et qui peut persister encore pendant des années.

Le deuxième facteur, le fameux « deal du siècle » reste inconnu. D’abord, il faut signaler que l’ac­cord du siècle est un plan de paix américain formulé par l’Admi­nistration du président Donald Trump, afin de trouver une solu­tion définitive à la question palestinienne. Mais ce deal n’a pas été jusqu’à aujourd’hui proposé de façon officielle. C’est uniquement son volet économique qui a été dévoilé à travers la Conférence économique de Manama, tenue à Bahreïn en juin 2019. Sous un parrainage américain, nombreuses délégations d’Etats étrangers, de quelques pays arabes et d’organisations internationales ont participé à cette conférence, qui a exposé un certain nombre de visions concernant le développement de l’infrastructure écono­mique et l’installation de nouveaux projets en Egypte, en Jordanie, au Liban, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Cependant les mon­tants proposés lors de cette conférence pour le financement de tels projets, 50 milliards de dollars, ne suffisent pas pour concrétiser les plans prévus.

Pour ce qui est du volet politique du deal du siècle, soit le plus important, il est théorique­ment censé permettre de parvenir à une solu­tion réelle à la question palestinienne, même si l’on se demande encore comment. Ce qui est certain, c’est que l’Administration améri­caine actuelle tient à conclure cet accord et n’a pas l’intention d’y renoncer tant qu’elle restera au pouvoir. Ce qui est certain également, c’est qu’il y a une entente américano-israélienne autour des lignes principales de l’accord, car il est impossible que Washington propose une vision qui ne concorde pas avec les revendications israéliennes, notamment sur le plan sécuri­taire, l’objectif étant que cet accord intègre Israël dans le système arabe au niveau poli­tique, sécuritaire et économique.

Le troisième axe est la situation sur le ter­rain. L’accalmie est l’une des questions importantes relatives au conflit palestino-israélien. L’Egypte a joué un rôle principal, afin de sauvegarder cette accalmie en interve­nant rapidement en cas de tensions entre les deux parties en conflit. L’objectif de cette intervention est d’épargner aux habitants du secteur de Gaza les horreurs des opérations militaires israéliennes. Ces opérations ont effectivement fait de nombreuses victimes et causé la destruction de milliers de maisons et d’institutions, en plus de la détérioration de la conjoncture économique du secteur.

Il est vrai que certains avantages politiques et juridiques ont été réalisés au profit de l’Au­torité palestinienne au niveau international, mais ceci ne s’est concrétisé par aucun résul­tat palpable et n’a été réalisé à cause des politiques israéliennes rigoristes, notamment la poursuite de la colonisation effectuée à Jérusalem et à Cisjordanie, surtout dans la ville d’Hébron où le processus de judaïsation avance à une vitesse sans précédent. Ceci apparaît clair dans les positions affichées par Benny Gantz, leader de la coalition Bleu et Blanc, soutenant l’annexion de certaines régions occupées, en particulier la région de la Vallée de Jourdain à laquelle la droite palestinienne refuse de renoncer dans n’im­porte règlement prochain.

Quelles actions arabes et palestiniennes ?

Il est clair que de nombreuses difficultés se dressent face à la question palestinienne. Et pour que cette cause ne disparaisse pas, une action sur deux axes principaux, l’un palesti­nien et l’autre arabe, est nécessaire.

Côté palestinien, il est nécessaire d’épauler tous les efforts pour la réussite de la réconci­liation interpalestinienne et pour mettre fin à toute division. Toutes les parties en discorde doivent présenter des concessions, afin de pouvoir mettre en exécution les accords de réconciliation. A cet effet, il est important que toutes les factions palestiniennes coopèrent, afin d’effectuer des élections législatives et présidentielle. En effet, les élections consti­tuent un pas important vers la réalisation d’un changement réel dans la position palesti­nienne interne. Il est aussi nécessaire de pour­suivre la coordination palestino-arabe, afin d’unifier les visions envers les constantes de la cause palestinienne, en tenant à ne pas y renoncer sous n’importe quelle pression étrangère. En outre, il est important de se concentrer sur l’idée de la résistance popu­laire pacifique de façon à attirer une autre fois l’attention du monde entier vers la cause palestinienne loin de la violence et de l’extré­misme.

Pour ce qui est de l’action arabe, tout d’abord, il faut insister sur l’initiative arabe de paix proposée pendant le sommet de Beyrouth en 2002, car elle représente les traits et le cadre de la position du monde arabe envers le règlement de la cause palestinienne. Ensuite, il est important de ne pas adopter de position déterminée envers l’accord du siècle jusqu’à ce qu’il soit officiellement proposé par les Etats-Unis, puis l’étudier de façon objective pour que la réaction arabe soit logique et acceptable au niveau international. Il est tout de même possible d’avoir affaire avec certaines axes de ce plan de manière tactique (à l’exemple de la participation arabe à la conférence économique de Manama en juin 2019) tant qu’il n’est pas question de renoncer aux constantes palestiniennes. Il est évident que les directions arabes tiendront compte de ces constantes en annonçant claire­ment leurs positions nationales à toutes les occasions politiques. Enfin, il faut poursuivre le soutien politique et matériel arabe à l’auto­rité palestinienne aux niveaux intérieur et international, en particulier envers la sauve­garde de l’identité arabe de Jérusalem face aux opérations de judaïsation. En plus du sou­tien matériel accordé à l’Unrwa après la déci­sion américaine de stopper les aides accordées à l’agence. Il faut par ailleurs, coordonner avec l’Administration américaine et le côté européen pour expliquer combien la poursuite de la situation actuelle sans parvenir à un règlement peut avoir des répercussions graves sur la région.

Et le plus important est sans doute la reprise graduelle des négociations palestino-israéliennes suspendues depuis plus de 5 ans et demi. Une reprise basée sur des principes, des références et un parrainage internatio­naux, en prenant en considération que tout plan de paix qui ne répond pas aux aspira­tions arabes et palestiniennes essentielles ne peut être accepté et peut provoquer une explosion.

*Membre du Conseil égyptien des affaires étrangère

Lien court: