Il semble que dans le monde entier, la nature des institutions qui forment les cadres aux postes de direction a radicalement changé. Il semblerait également que l’éducation politique et la formation partisane ne soient plus la voie incontournable pour arriver au pouvoir. Les preuves sont nombreuses. L’arrivée de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis en est l’une des plus claires. Il y a aussi ce qui est dernièrement arrivé en Tunisie. Aujourd’hui, il y a des personnalités venant de nulle part qui accèdent au pouvoir, ce qui signifie que c’est la rue qui gouverne, non pas à travers les manifestations ou les sit-in, mais en poussant sur le devant de la scène des éléments que la majeure partie de la population ne connaît pas. La technologie moderne a joué un rôle dans ce phénomène et a réussi à rendre célèbres subitement des personnalités totalement méconnues. Quelques remarques importantes doivent être prises en considération dans ce contexte.
Premièrement : la faiblesse des institutions politiques traditionnelles et des partis ainsi que l’évolution des Constitutions modernes ont permis à des personnes d’accéder au pouvoir en se basant sur leur seul potentiel. De plus, la fortune a également commencé à jouer un rôle important en conduisant au pouvoir des symboles venant du monde des finances pour remplacer les hommes politiques. Ce n’est pas tout, aujourd’hui, dans le monde entier les partis politiques n’ont plus la même popularité à cause du recul des idéologies politiques au profit du pragmatisme. Et les partis politiques ne sont plus des écoles qui forment les cadres comme c’était le cas, il y a quelques décennies, ce qui a ouvert la voie à ceux qui ambitionnent d’accéder au pouvoir et qui ne sont pas issus des institutions traditionnelles.
Deuxièmement : la théorie du charisme du pouvoir a connu un recul important. Exercer une certaine fascination ne suffit plus pour éblouir les foules et avoir une personnalité charismatique comme celles de Charles de Gaulle, Nehru, Nasser et autres. Effectivement, le monde a changé et le charisme du dirigeant n’est plus recherché. Bien au contraire, dans de nombreux régimes, on cherche le dirigeant modéré qui représente l’homme de la rue et n’est pas nécessairement l’expression d’une tendance politique particulière. Donc, l’accession au pouvoir de personnalités qui ne sont pas issues des institutions traditionnelles est devenue une chose acceptable, voire requise. Les populations sont aujourd’hui convaincues par des personnalités sans histoire afin de se débarrasser du passé et de ses pressions historiques.
Troisièmement : les récentes protestations populaires avaient plus le caractère de révolutions de « la rue » que de révolutions dirigées par des partis ou des groupes déterminés, surtout que les évolutions technologiques ont permis le rassemblement des foules avec le minimum d’efforts. Ce genre de mobilisation ne crée pas de dirigeant et ne présente pas de leader. C’est pour cela que la scène est désormais prête à accueillir de nouveaux éléments sans prendre en considération leurs rôles passés, surtout que les nouveaux médias sont capables de mobiliser et de faire bouger les foules sans avoir besoin d’une tête qui les dirige. Cela signifie que les protestations populaires constituent aujourd’hui un danger réel pour les régimes au pouvoir. Les révolutions du Printemps arabe, avec leurs avantages et leurs défauts, en sont la preuve. Ce qui est arrivé dernièrement au Liban est le prolongement de ce nouveau phénomène, qui ne se limite pas à une région déterminée du monde. Ce qui s’est passé en France sous la présidence de Macron, venu de l’inconnu politique, prouve que ce phénomène ne se limite pas à une nationalité ou à une région particulière.
Quatrièmement : l’homme de la rue n’est plus intéressé par l’héroïsme politique, et ne voit pas l’intérêt de la présence d’un dirigeant qui a une longue histoire au pouvoir. Il préfère l’expérience de ceux qui ont, dans leur passé, des pages blanches sans les actes héroïques qui créent des stars à une époque où les stars ont disparu.
Cette transformation est le synonyme du concept du « citoyen mondial » qui porte un regard global sur le monde. Et ce, dans le contexte de la mondialisation qui a éliminé les frontières géographiques et les caractéristiques ethniques. Aujourd’hui, une même information peut parvenir à tout le monde en même temps. Le citoyen mondial est devenu une partie inséparable de la philosophie politique contemporaine parce qu’il est influencé par ce qui l’entoure et sympathise avec tous les peuples du monde.
Cinquièmement : la foule ne veut plus voir les visages traditionnels et les personnalités au caractère opportuniste, préférant des visages nouveaux et des personnalités qui n’étaient pas connues auparavant. Aujourd’hui, la foule peut créer ses dirigeants et former ses leaders au lieu des personnalités standard toutes faites. Il est aujourd’hui question d’un monde différent et d’une époque qu’on peut appeler l’époque de l’« homme normal » où la rue est devenue maîtresse de la situation.
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