L’achat par la Turquie du système de défense antimissile russe S-400 a soulevé le courroux des Américains. En réaction, Washington vient de suspendre la participation de la Turquie au programme de développement de l’avion de chasse F-35. « Le F-35 ne peut pas coexister avec une plateforme russe », a déclaré la Maison Blanche dans un communiqué. Cette suspension aura pour conséquence l’expulsion des pilotes turcs qui suivent actuellement un stage aux Etats-Unis pour apprendre à piloter le F-35 et l’annulation de plusieurs appareils commandés par Ankara. Les contrats de sous-traitance accordés à des entreprises turques risquent aussi d’être annulés, ce qui signifie des pertes d’emplois. Un coup dur pour la Turquie, qui a déjà investi plus d’un milliard de dollars dans ce programme.
La Turquie fait office d’un mauvais élève au sein de l’Otan. Le rapprochement entre Ankara et Moscou, ennemi juré de l’Otan, exaspère les dirigeants de l’alliance. Les relations turco-russes étaient tendues jusqu’en 2015 en raison de différends, notamment sur le conflit syrien. Ces tensions ont atteint leur apogée après qu’Ankara eut abattu un avion de combat russe au-dessus de la Syrie en novembre 2015. Mais en 2016, après le coup d’Etat manqué contre son pouvoir, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, boudé par les Occidentaux pour ses dérives autoritaires, et en quête de soutien international, se rapproche peu à peu de Moscou au grand dam des Etats-Unis et de l’alliance atlantique. Les négociations sur l’achat des missiles S-400 ont commencé fin 2016 et ont abouti en 2017 à un accord de 2,5 milliards de dollars. En dépit des pressions américaines visant à stopper l’application de l’accord, la Turquie a envoyé en mai dernier des experts militaires en Russie pour être formés à l’usage des missiles. On sait que la Turquie dépend énergétiquement de la Russie. Près de 50 % des fournitures en gaz naturel de la Turquie viennent de la Russie. Outre l’affaire des missiles, les différends entre Ankara et les pays de l’alliance, notamment les Etats-Unis, ne font rien pour arranger les choses. Ainsi, le régime turc est en collision avec les Américains au sujet du conflit syrien. Ankara a toujours vu d’un mauvais oeil le soutien américain aux Kurdes syriens. La Turquie réclame toujours aux Américains l’extradition du prédicateur turc Fethullah Gülen, accusé par Ankara d’être derrière la tentative de coup d’Etat de juillet 2016. Par ailleurs, les Européens accusent Ankara de se livrer à des activités de forage illégales en mer de Chypre.
Toutes ces considérations posent la question de l’avenir de la Turquie au sein de l’Otan. Il est clair que le régime d’Erdogan joue sur plusieurs cordes en même temps afin de recueillir les avantages de chaque côté. Une politique hautement risquée. L’ombre des sanctions américaines plane désormais sur Ankara. Washington pourrait exclure la Turquie du régime financier américain ou réduire les exportations turques vers les Etats-Unis. Or, la Turquie connaît depuis plus d’un an une grave crise économique avec une inflation galopante et un recul de la valeur de la lire turque. D’éventuelles sanctions rendraient l’économie turque plus vulnérable et moins attrayante aux investissements. La stratégie du bord de l’abîme adoptée par le régime turc risque une fois de plus de précipiter la Turquie vers la faillite.
Lien court: