L’accord politique entre le Conseil militaire de transition et l’Alliance pour la Liberté et le Changement (ALC) signé le 17 juillet n’a pas fait l’objet d’une satisfaction globale. Il est vrai que cet accord a favorisé le calme et l’optimisme dans la rue soudanaise, qui cherche la stabilité, le développement et la clarté de la vision, mais il a semblé relativement éloigné des aspirations des forces politiques ayant joué un rôle important dans les manifestations populaires qui ont entraîné la chute du régime de Omar Al-Béchir.
Curieusement, des parties soudanaises, même au sein de l’ALC, ont émis des réserves sur certaines clauses de l’accord. Pour le Parti communiste soudanais, l’accord serait un recyclage de l’ancien régime et une non-révolution. Le Front révolutionnaire, lequel comprend trois mouvements armés qui ont combattu l’ancien régime de Béchir au Darfour, à l’Etat du Nil Bleu et au Kordofan du sud pendant deux décennies, estime, quant à lui, que l’accord, qui a ignoré leurs demandes, n’est pas concerné par le rétablissement de la paix. Le front a même évoqué la possibilité de négociations séparées avec le Conseil militaire.
D’aucuns ont dénoncé ce qui leur a semblé comme un partage du pouvoir durant les 39 mois de transition entre le Conseil militaire et l’ALC à l’exclusion des autres forces politiques. Ladite exclusion empêcherait le consensus populaire autour des grandes questions controversées comme celle de l’immunité que la déclaration constitutionnelle a accordée aux membres du Conseil de transition.
Il y a aussi la question de la paix au Darfour, dans le Kordofan du sud et dans l’Etat du Nil Bleu, ainsi que la place des mouvements armés dans la structure des pouvoirs exécutif et législatif de transition. D’autres questions concernent la formation et les prérogatives du futur Conseil législatif, ainsi que le processus de législation durant la période qui précède sa création. Sans parler de la crise économique qui frappe le pays, du processus de prise de décision entre le conseil et le gouvernement de transition, et des enquêtes panafricaines sur les crimes contre l’humanité commis sous le régime de Béchir et après sa chute, etc.
Les points de désaccord incluent également la précision— dans une déclaration constitutionnelle— des structures de l’autorité transitoire, de leurs pouvoirs respectifs, de leurs relations entre elles, et des modalités pour résoudre tout problème ou toute divergence pouvant survenir ultérieurement. Ce qui signifie que beaucoup d’efforts restent à faire, et que la médiation africaine, notamment éthiopienne, reste cruciale tout comme le soutien de l’Onu pour faciliter le dialogue et parvenir à une déclaration constitutionnelle qui puisse satisfaire la majorité des forces politiques.
En tout état de cause, la responsabilité première et ultime incombera aux parties soudanaises elles-mêmes qui détiennent le pouvoir et qui, par conséquent, sont responsables vis-à-vis du peuple. C’est à elles que revient la responsabilité de faire passer le Soudan de son incertitude actuelle à un état plus stable.
Sortir de l’impasse actuelle consiste d’abord à en finir avec l’exclusion des mouvements armés. La participation de ces mouvements aux négociations sur l’avenir du Soudan est la meilleure garantie de l’arrêt des conflits armés qui ont épuisé le Soudan sur le plan humain, moral, politique et économique. Il convient également de reconnaître le rôle de chacun des mouvements politiques et sociaux dans la chute de l’ancien régime et la construction du nouveau pays.
Le Soudan devra également cesser de recourir à des pays étrangers pour régler les différends qui émergent entre les forces sociales et le Conseil de transition. Un examen réaliste des problèmes permettra de reconnaître que les questions relatives à la sécurité et à la protection des frontières restent du ressort des militaires et que la composante civile a beaucoup d’expériences à acquérir, parce qu’il s’agit bien plus que de proférer des slogans politiques et d’afficher ses bonnes intentions.
Les parties soudanaises doivent enfin avoir une bonne volonté et être prêtes à faire des concessions mutuelles et équilibrées afin de progresser vers la stabilité désirée. Il est important à ce propos de se débarrasser du pessimisme et des craintes non justifiées et de privilégier l’optimisme pour pouvoir résoudre les problèmes politiques et sécuritaires restants. De nombreux analystes soudanais estiment que l’échec du dialogue politique risque de faire sombrer le pays dans un scénario de guerre civile et de désintégration qui ne manquerait pas d’épuiser les ressources déjà limitées du pays.
Bref, les concessions réciproques et la flexibilité politique feront avancer les choses dans le bon sens, et c’est ce dont le Soudan a besoin dans les circonstances actuelles. Si tout le monde s’en tient à une telle attitude, la recherche de solutions pour parvenir à un Soudan sûr et unifié l’emportera sur les craintes et les suspicions .
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