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Adhésion méritée : L'Afrique et la route vers le G20

Dimanche, 12 mai 2019

Parmi les nombreux rassemblements et forums économiques et développementaux, le G20 est l’une des plateformes internationales les plus importantes et les plus globales. Elle a été créée en 1999 pour inclure les 19 plus grandes économies du monde en termes de capacité économique, ainsi que l’Union européenne, qui est le vingtième membre du groupe. Outre les réunions ordinaires du Groupe des ministres et des gouverneurs des Banques Centrales, le G20 se réunit au sommet tous les deux ans, le prochain sommet devant se tenir à Osaka, au Japon, en juin prochain.

Depuis près de dix ans, la participation africaine au sommet du G20 est récurrente et périodique. Outre la République africaine du Sud, membre du G20, plusieurs organisations africaines, l’Union africaine en tête, ont été régulièrement invitées à participer au sommet et à contribuer à enrichir des débats importants. Avec la répétition de la participation de l’Union africaine au sommet du G20, de nouvelles perspectives se dessinent pour la promotion du niveau de participation, afin que l’Union africaine devienne un membre à part entière du G20. D’une part, l’adhésion de l’Union européenne au Groupe des 20 (G20), aux côtés de 4 de ses membres— l’Allemagne, la France, l'Angleterre et l’Italie—, crée un précédent. D’autre part, l’Union africaine se classe au 11e rang en termes de Produit Intérieur Brut (PIB) et est éligible au statut de membre à part entière du G20.

Ces considérations plaident pour tirer parti de la présidence égyptienne de l’Union africaine et du poids international du Caire, pour le lancement de la première initiative africaine, demandant officiellement l’admission de l’Union africaine dans le G20 au cours de l’année en cours, avec un retour important et bénéfique pour l’Afrique, d’une part, et les pays du groupe, de l’autre.

Se préparer pour le sommet d’Osaka 2019

Les 28 et 29 juin 2019, Osaka accueillera le sommet du G20. Cette ville, centre commercial à l’esprit d’aventure et d’entreprise, à la volonté de relever de nouveaux défis, doit aussi accueillir l’Expo 2025.

Le sommet du G20 est précédé de plusieurs rencontres préparatoires, dont la première est la réunion des ministres de l’Agriculture du G20, prévue en mai. Elle sera suivie, début juin, d’une réunion des gouverneurs des Banques Centrales, des ministres des Finances, du Commerce, de l’Energie et de l’Economie numérique. Après le sommet, une réunion des ministres du Travail est prévue en septembre prochain et celles des ministres de la Santé et du Tourisme est attendue en octobre. Enfin, une réunion des ministres des Affaires étrangères doit se tenir le 22 novembre 2019.

Bien que l’ordre du jour du sommet du G20 n’ait pas été annoncé, le discours prononcé par le premier ministre japonais, Shinzo Abe, à la fin du précédent sommet du G20 à Buenos Aires en 2018, fournit quelques indications. Ce discours a mis en évidence l’intérêt du Japon pour un certain nombre de questions d’importance.

Le premier ministre japonais a insisté sur le souhait de son pays d’utiliser le sommet d’Osaka de 2019 pour soutenir la croissance économique mondiale en promouvant le libre-échange et l’innovation, la croissance économique et la réduction des disparités et des inégalités, et pour contribuer aux divers efforts déployés pour atteindre les objectifs du développement durable et de l’économie numérique. C’est en mettant l’accent sur ces différentes dimensions que le Japon s’efforcera de promouvoir l’institution d’une société future centrée sur l’être humain. Cette société doit également être libre, ouverte, inclusive et durable. Abe a également souligné l’intérêt du Japon pour les investissements dans les infrastructures, la santé mondiale, les problèmes liés aux changements climatiques et les déchets plastiques dans les océans. Le contenu du discours a révélé une vision intégrée dont le cadre général est de chercher à intégrer tous les membres de la société au processus de développement en partant du principe que l’individu est au centre de ce dernier et sa fin et qu’il faut définir une méthode pour le traiter.

L’évolution de la participation africaine au sommet du G20

Le sommet du G20 à Toronto, Canada, en juin 2010, a vu la première participation de l’Union Africaine (UA). La présence de l’UA a été ensuite régulière, en tant qu’organisation régionale invitée, comme le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD). Son statut est celui d’un observateur, habilité à faire des propositions, mais non d’un participant élaborant des politiques.

Les sommets qui se sont succédé ont toutefois manifesté un intérêt croissant pour le continent africain. Depuis la présidence chinoise du G20 en 2016, la question du soutien à l’industrialisation en Afrique a fait l’objet de beaucoup d’attention. En 2017, l’Allemagne, alors présidente du G20, a présenté l’initiative « Accord avec l’Afrique ». A l’issue du sommet de Hambourg, elle a aussi proposé à la plateforme « G20 Insights » de relier les politiques de l’UA et sa « Vision 2063 » à la Stratégie de développement durable des Nations-Unies pour 2030. Elle a aussi proposé le renforcement et l’élargissement à de nouveaux domaines de la coopération et des partenariats entre les groupes de réflexion du G20 et ceux de l’Union africaine.

Pour sa part, l’Argentine n’a pas lancé sa propre initiative africaine, mais elle a consacré une attention considérable au développement de la coopération avec le continent par la diplomatie populaire.

L’évolution des relations entre l’Afrique et le G20 indique une croissance constante du rôle de l’Union africaine, ce qui ouvre la porte à la promotion de sa position au sein du Groupe des 20, pour passer du statut d’un simple observateur à celui d’un membre à part entière du G20, comme l’est l’Union européenne. Le G20 deviendrait ainsi le G21.

Cette proposition va dans le même sens que celle, informelle, du président rwandais Paul Kagame— qui était président de l’UA en 2018. Ce dernier a, lors d’un dîner au sommet du G20 à Buenos Aires en 2018, proposé d’associer la Commission de l’Union africaine au G20, de promouvoir la coopération et le partenariat entre les deux entités, afin de transformer la relation « de tutelle » entre le G20 et l’Afrique, en une relation de « partenariat », et d’apporter, de manière plus profonde et interactive, la vision et les perspectives de l’Afrique à la table, aux panels de discussion et aux réunions préparatoires.

Il existe une réelle opportunité d’inclure le point de vue de l’Afrique dans les discussions du G20 sur des questions mondiales qui affectent directement les perspectives économiques et de développement du continent africain. Mais présenter les conceptions africaines de manière appropriée ne sera possible que si l’Afrique est traitée comme un partenaire à part entière.

Vers un discours africain renforçant la position du continent vis-à-vis du G20

Si l’évolution du cours des événements durant la dernière décennie laisse entrevoir de réelles opportunités pour une pleine adhésion africaine au G20, le discours africain doit prendre en compte un certain nombre de considérations-clés susceptibles de réduire l’écart entre les deux parties et de rendre son adhésion au groupe plus réalisable et mutuellement bénéfique.

La première chose à faire est d’éviter de se focaliser sur les inégalités entre l’Afrique et le G20. Les pays du continent africain continuent de souffrir du sous-développement, d’un taux de chômage élevé et de la lenteur de l’intégration régionale.

En outre, le groupe de travail sur le développement, qui se concentre sur les éléments constitutifs du développement, tels que l’éradication de la pauvreté, cible principalement l’Afrique. Plus le discours africain est axé sur les subventions et l’assistance qu’il peut obtenir du groupe, moins il a de chances d’être traité comme égal ou comme partenaire potentiel.

La deuxième considération concerne les mécanismes de participation des pays africains et leur participation à l’élaboration des politiques et aux résultats du prochain sommet d’Osaka.

Le discours du premier ministre japonais suggère que l’Union africaine a l’occasion d’adopter et de privilégier un certain nombre d’approches alternatives dans lesquelles elle peut apporter une contribution concrète. Les questions environnementales et énergétiques, ainsi que celle de la société vieillissante, sont au premier plan de la stratégie sociétale japonaise centrée sur l’homme. Outre les vastes ressources naturelles du continent africain, le capital africain réside dans son poids démographique, qui en fait le plus jeune continent. Par ailleurs, la culture africaine permet des concordances, des accords et l’établissement de points communs avec la stratégie sociétale proposée par le premier ministre du Japon. La culture africaine est, en effet, communautaire, holistique et non individualiste, et elle cherche à entériner les choix comptant sur l’homme et non sur la machine.

Le discours africain doit éviter le thème de la dichotomie progrès/sous-développement, et se focaliser sur les questions relatives à l’épanouissement et au développement du potentiel de l’homme. Il sera alors possible au discours africain authentique de multiplier les espaces et les thèmes communs avec les membres du groupe du G20, de participer sur un pied d’égalité à des partenariats pour l’homme .

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