Depuis que le président soudanais, Omar Al-Béchir, a quitté le pouvoir, la réaction de l’Union Africaine (UA) à la crise soudanaise a été rapide et décisive. Quelques heures après le communiqué du général Awad Ibn Auf, qui, le 11 avril, annonçait la destitution du président Omar Al-Béchir, le président de la Commission de l’UA, Moussa Fakih Mahamat, a déclaré que la prise du pouvoir par l’armée n’était pas une réponse appropriée aux aspirations des Soudanais et aux défis auxquels fait face le pays. Le 15 avril, le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l’UA a, à son tour, publié une déclaration indiquant que le Soudan pourrait faire l’objet de sanctions si le Conseil militaire ne remettait pas le pouvoir à un gouvernement civil dans les quinze jours. A la demande du CPS, le président de la Commission de l’UA, Moussa Fakih, s’est rendu à la capitale soudanaise le 20 avril pour annoncer que l’organisation panafricaine était disposée à coopérer avec le Soudan afin de parvenir à un consensus permettant une transition sûre et l’organisation d’élections libres.
Au cours de cette visite, Moussa Fakih s’est entretenu avec le chef du Conseil militaire, le général Abdel-Fattah Al-Burhane, une rencontre qui lui a permis de constater qu’il existait des divergences entre les parties soudanaises et que des efforts étaient nécessaires pour les surmonter. Pendant deux jours, M. Fakih s’est réuni avec des représentants de partis politiques et d’organisations de la société civile, dont notamment l’Association des Professionnels Soudanais (APS), le Parti démocratique unioniste, la Coalition de la liberté et du changement et le Congrès populaire.
Le 22 avril, M. Fakih a quitté Khartoum pour Le Caire qui s’apprêtait déjà à accueillir deux sommets restreints consacrés à la situation au Soudan et en Libye. Le sommet sur le Soudan s’est tenu le 23 avril avec la participation des présidents du Tchad, de Djibouti, de la République du Congo, du Rwanda, de la Somalie et de l’Afrique du Sud, ainsi que du vice-premier ministre éthiopien, du conseiller du président du Soudan du Sud pour les affaires de sécurité, des ministres des Affaires étrangères de l’Ouganda et du Kenya et du secrétaire permanent du ministère nigérian des Affaires étrangères. Les participants ont reconnu la nécessité de donner plus de temps aux autorités et aux parties soudanaises. Le sommet a donc recommandé au Conseil africain de paix et de sécurité d’accorder un délai de trois mois aux autorités soudanaises pour assurer la transition.
Ce sommet inclusif a rassemblé les pays voisins du Soudan, ainsi que les présidents de la troïka de l’UA: l’Egyptien Abdel-Fattah Al-Sissi en tant que président actuel de l’organisation, le Rwandais Paul Kagamé, président sortant, et le Sud-Africain Cyril Ramavosa, prochain président de l’union. Plusieurs organisations régionales y ont également été représentées, étant donné que le Congo préside la Conférence internationale des Grands Lacs, alors que l’Ethiopie assure la présidence tournante de l’IGAD.
Plutôt que de s’arrêter sur les aspects techniques et procéduraux, le communiqué final du sommet a mis l’accent sur les conséquences de la situation actuelle sur la stabilité de l’Etat soudanais. Le sommet a souligné la solidarité de tous les participants avec le Soudan et les aspirations du peuple soudanais à une transition démocratique pacifique, tout en affirmant l’attachement de l’UA à la paix, la sécurité et la stabilité, ainsi que son engagement en faveur de la souveraineté du Soudan et de son intégrité territoriale. La position initiale du président de la Commission de l’UA, Moussa Fakih, était très biaisée. Au risque de compliquer davantage la situation au Soudan et de gâcher la médiation de l’UA, M. Fakih a déclaré, quelques heures après la destitution de Omar Al-Béchir, son refus catégorique de la prise du pouvoir par le Conseil militaire.
Or, à la suite de la visite de M. Fakih à Khartoum et de l’échange de vues entre les dirigeants africains au Caire, l’UA a reconnu la nécessité d’un dialogue intersoudanais pour établir un système politique démocratique. Transférer le pouvoir « immédiatement » aux civils n’était pas une injonction réaliste. D’abord, parce que les chances d’organiser des élections libres et équitables au Soudan sont difficiles dans la situation actuelle, mais surtout parce que même les partisans du changement disent avoir besoin d’une transition longue de plusieurs années afin de purger les institutions étatiques des éléments du Congrès national et éviter ainsi le retour de l’ancien régime. Ajoutons à cela qu’un retrait prématuré de l’armée serait préjudiciable à la sécurité et à la stabilité du Soudan. Ainsi, en décidant un délai de trois mois, le sommet du Caire a pris en compte la situation sur le terrain sans se mettre en porte-à-faux avec le mouvement de protestation.
Le succès du sommet doit beaucoup à la présidence égyptienne de l’UA, et ses décisions ont été en harmonie avec les prises de position du Caire. L’Egypte avait affirmé son soutien total au peuple soudanais et le respect de sa liberté à tracer l’avenir de son pays, tout en valorisant les efforts du Conseil militaire de transition et des forces politiques et civiles soudanaises pour parvenir à un consensus national. Depuis le début de la crise soudanaise, l’Egypte a évité de prendre partie. Elle a renouvelé son engagement de soutenir le Soudan dans toutes ses démarches, que ce soit pendant la crise actuelle ou à l’avenir, compte tenu des liens étroits entre les deux pays. Le président égyptien a appelé dans son allocution les pays voisins ainsi que la communauté internationale à fournir toutes formes de soutien et d’assistance afin d’aider les Soudanais à s’assurer un avenir meilleur. L’Egypte, qui assure la présidence tournante de l’UA, a ainsi joué un rôle positif dans la crise soudanaise, d’une part, en évitant au Soudan des sanctions, et d’autre part, en permettant à l’UA de mener à bien sa médiation.
Ce succès tangible de l’initiative égyptienne ouvre la porte à d’autres efforts égyptiens, dans un cadre régional et bilatéral, pour assurer la stabilité politique et sécuritaire du Soudan l
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