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L’Egypte, l’Union africaine et le Soudan

Lundi, 06 mai 2019

Depuis que le président soudanais, Omar Al-Béchir, a quitté le pouvoir, la réaction de l’Union Africaine (UA) à la crise soudanaise a été rapide et décisive. Quelques heures après le commu­niqué du général Awad Ibn Auf, qui, le 11 avril, annonçait la desti­tution du président Omar Al-Béchir, le président de la Commission de l’UA, Moussa Fakih Mahamat, a déclaré que la prise du pouvoir par l’armée n’était pas une réponse appropriée aux aspirations des Soudanais et aux défis auxquels fait face le pays. Le 15 avril, le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l’UA a, à son tour, publié une déclaration indiquant que le Soudan pourrait faire l’objet de sanctions si le Conseil militaire ne remettait pas le pouvoir à un gou­vernement civil dans les quinze jours. A la demande du CPS, le président de la Commission de l’UA, Moussa Fakih, s’est rendu à la capitale soudanaise le 20 avril pour annoncer que l’organisation panafricaine était disposée à coo­pérer avec le Soudan afin de parve­nir à un consensus permettant une transition sûre et l’organisation d’élections libres.

Au cours de cette visite, Moussa Fakih s’est entretenu avec le chef du Conseil militaire, le général Abdel-Fattah Al-Burhane, une ren­contre qui lui a permis de constater qu’il existait des divergences entre les parties soudanaises et que des efforts étaient nécessaires pour les surmonter. Pendant deux jours, M. Fakih s’est réuni avec des repré­sentants de partis politiques et d’organisations de la société civile, dont notamment l’Association des Professionnels Soudanais (APS), le Parti démocratique unioniste, la Coalition de la liberté et du chan­gement et le Congrès populaire.

Le 22 avril, M. Fakih a quitté Khartoum pour Le Caire qui s’ap­prêtait déjà à accueillir deux som­mets restreints consacrés à la situa­tion au Soudan et en Libye. Le sommet sur le Soudan s’est tenu le 23 avril avec la participation des présidents du Tchad, de Djibouti, de la République du Congo, du Rwanda, de la Somalie et de l’Afrique du Sud, ainsi que du vice-premier ministre éthiopien, du conseiller du président du Soudan du Sud pour les affaires de sécurité, des ministres des Affaires étrangères de l’Ouganda et du Kenya et du secrétaire permanent du ministère nigérian des Affaires étrangères. Les participants ont reconnu la nécessité de donner plus de temps aux autori­tés et aux parties soudanaises. Le sommet a donc recommandé au Conseil africain de paix et de sécu­rité d’accorder un délai de trois mois aux autorités soudanaises pour assu­rer la transition.

Ce sommet inclusif a rassemblé les pays voisins du Soudan, ainsi que les présidents de la troïka de l’UA: l’Egyptien Abdel-Fattah Al-Sissi en tant que président actuel de l’organisation, le Rwandais Paul Kagamé, président sortant, et le Sud-Africain Cyril Ramavosa, prochain président de l’union. Plusieurs organisa­tions régionales y ont également été repré­sentées, étant donné que le Congo préside la Conférence interna­tionale des Grands Lacs, alors que l’Ethiopie assure la présidence tournante de l’IGAD.

Plutôt que de s’arrêter sur les aspects techniques et procéduraux, le communiqué final du sommet a mis l’accent sur les conséquences de la situation actuelle sur la stabilité de l’Etat soudanais. Le sommet a souligné la solidarité de tous les participants avec le Soudan et les aspirations du peuple soudanais à une transition démocratique paci­fique, tout en affirmant l’attache­ment de l’UA à la paix, la sécurité et la stabilité, ainsi que son engage­ment en faveur de la souveraineté du Soudan et de son intégrité territo­riale. La position initiale du prési­dent de la Commission de l’UA, Moussa Fakih, était très biaisée. Au risque de compliquer davantage la situation au Soudan et de gâcher la médiation de l’UA, M. Fakih a déclaré, quelques heures après la destitution de Omar Al-Béchir, son refus catégorique de la prise du pou­voir par le Conseil militaire.

Or, à la suite de la visite de M. Fakih à Khartoum et de l’échange de vues entre les diri­geants africains au Caire, l’UA a reconnu la nécessité d’un dia­logue intersoudanais pour établir un sys­tème politique démo­cratique. Transférer le pouvoir « immédiate­ment » aux civils n’était pas une injonc­tion réaliste. D’abord, parce que les chances d’organiser des élec­tions libres et équi­tables au Soudan sont difficiles dans la situation actuelle, mais surtout parce que même les partisans du changement disent avoir besoin d’une transition lon­gue de plusieurs années afin de purger les institutions étatiques des éléments du Congrès national et éviter ainsi le retour de l’ancien régime. Ajoutons à cela qu’un retrait prématuré de l’armée serait préjudiciable à la sécurité et à la stabilité du Soudan. Ainsi, en déci­dant un délai de trois mois, le som­met du Caire a pris en compte la situation sur le terrain sans se mettre en porte-à-faux avec le mou­vement de protestation.

Le succès du sommet doit beau­coup à la présidence égyptienne de l’UA, et ses décisions ont été en harmonie avec les prises de posi­tion du Caire. L’Egypte avait affir­mé son soutien total au peuple soudanais et le respect de sa liberté à tracer l’avenir de son pays, tout en valorisant les efforts du Conseil militaire de transition et des forces politiques et civiles soudanaises pour parvenir à un consensus natio­nal. Depuis le début de la crise soudanaise, l’Egypte a évité de prendre partie. Elle a renouvelé son engagement de soutenir le Soudan dans toutes ses démarches, que ce soit pendant la crise actuelle ou à l’avenir, compte tenu des liens étroits entre les deux pays. Le pré­sident égyptien a appelé dans son allocution les pays voisins ainsi que la communauté internationale à fournir toutes formes de soutien et d’assistance afin d’aider les Soudanais à s’assurer un avenir meilleur. L’Egypte, qui assure la présidence tournante de l’UA, a ainsi joué un rôle positif dans la crise soudanaise, d’une part, en évitant au Soudan des sanctions, et d’autre part, en permettant à l’UA de mener à bien sa médiation.

Ce succès tangible de l’initiative égyptienne ouvre la porte à d’autres efforts égyptiens, dans un cadre régional et bilatéral, pour assurer la stabilité politique et sécuritaire du Soudan l

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