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Les élections en Israël et le processus de paix

Lundi, 04 février 2019

Le processus de paix palestino-israélien est presque totalement absent de la campagne pour les élections législatives en Israël, prévues le 9 avril. Les négociations avec les Palestiniens et la paix au Proche-Orient n’ont plus de place ni dans les pro­grammes des partis politiques israéliens, ni dans les débats sur le prochain scrutin. Ce qui en dit long sur les priorités de la classe politique et de l’opinion publique en Israël.

A commencer par le premier ministre et son parti le Likoud (droite), favoris des élections. Benyamin Netanyahu est favo­rable à gérer le conflit avec les Palestiniens plutôt que de le résoudre, au moins à court et moyen termes. Le principal parti d’opposition, Résilience d’Israël (centre), dirigé par l’ancien chef d’état-major de l’armée Benny Gantz a, quant à lui, gardé le silence presque total sur le sujet, alors que le chef du Parti tra­vailliste (centre gauche), Avi Gabbay, est resté vague sur ses intentions. D’autres partis mino­ritaires du centre gauche, comme celui de Hatnua, dirigé par Tzipi Livni, soulignent la nécessité d’engager des négociations avec l’Autorité palestinienne du prési­dent Mahmoud Abbas, dans le but de se séparer des Palestiniens. Cette séparation est présentée comme étant un intérêt majeur pour l’avenir d’Israël, afin de se défaire du danger que pose la croissance démographique des Palestiniens et de préserver le caractère juif de l’Etat. Seule la « liste commune », un parti palestino-israélien dirigé par Ayman Odeh, évoque les droits du peuple palestinien et l’oppres­sion qu’il subit sous le gouverne­ment de Netanyahu.

La tendance à négliger le pro­cessus de paix et à le déclasser dans l’échelle des priorités des politiques israéliennes ne date pas d’aujourd’hui. Elle était observable aux dernières législa­tives de 2015. A cette époque, la recherche de la « paix » entre Palestiniens et Israéliens s’est estompée dans le jargon des par­tis politiques israéliens.

Cette absence d’intérêt et de débat sur le sort du processus de paix avec les Palestiniens, qui traduit une volonté politique israélienne de geler toute recherche de paix, s’est appro­fondie au cours de l’actuelle campagne électorale pour diverses raisons. La première est que, contrairement aux législa­tives précédentes, l’actuel prési­dent américain, Donald Trump, ne fait pas de pression sur Israël pour qu’il relance les négocia­tions sur le statut définitif des Territoires palestiniens.

Trump a inversement mis en suspens son initiative de paix, qu’il avait appelée « marché du siècle », jusqu’au lendemain des élections en Israël, au lieu de presser Netanyahu d’aller de l’avant, à l’instar des anciens présidents Bill Clinton et Barack Obama.

La conjoncture dans le monde arabe depuis 2011 est également en partie responsable de cette situation. La propagation des conflits armés et de l’instabilité politique et sécuritaire dans plu­sieurs pays arabes, dont certains sont centraux pour un règlement de la question palestinienne, a réduit la pression sur Israël et, par conséquent, rendu moins pressant à ses yeux la recherche de la paix avec les Palestiniens. Les gouvernements israéliens sous Netanyahu ont en profité pour imposer leur vision qui est de reporter à l’infini une solu­tion, tout en imposant sur le ter­rain des faits accomplis qu’ils entendaient irréversibles.

Cette situation risque de se poursuivre à en croire les son­dages d’opinion en Israël, don­nant la victoire à Netanyahu au prochain scrutin. Ces sondages montrent que le parti du premier ministre, le Likoud, recueille beaucoup plus de soutien que n’importe quelle autre formation et que les partis politiques qui composent la coalition actuelle gagneront suffisamment de sièges pour former le prochain gouvernement. Dans les son­dages où l’on demande aux Israéliens qui est le mieux quali­fié pour diriger le pays, Netanyahu occupe la première place pour une raison compré­hensible: il se démarque de tous ses rivaux en matière de sécurité.

Un seul challenger est toutefois susceptible de le menacer sur ce terrain: Benny Gantz. Nouveau visage dans la politique israé­lienne, doté d’une excellente car­rière militaire, il est l’antidote idéal contre la fatigue des élec­teurs israéliens de Netanyahu. Même les partisans de ce dernier, qui pensent que les différentes tentatives de le poursuivre pour des accusations de corruption sont motivées par des raisons politiques, s’inquiètent de la pos­sibilité d’un premier ministre avec un éventuel acte d’accusa­tion pesant sur lui. Quant aux électeurs de gauche qui détestent le chef du Likoud et ne suppor­tent plus son maintien au pou­voir, ils pourraient voter « utile », en faveur de Gantz, juste pour se débarrasser de Netanyahu qui, s’il est réélu, battra le record de longévité de David Ben Gourion en tant que premier ministre d’Is­raël.

Gantz se situe plutôt à droite sur ses positions concernant la question palestinienne. Il s’op­pose au démantèlement des colo­nies de peuplement juif et est au contraire partisan du renforce­ment de ses grands blocs en Cisjordanie. Il considère le Jourdain comme la frontière de sécurité d’Israël et refuse donc de s’en retirer. Il promet que Jérusalem unie restera à jamais la capitale d’Israël et assure que l’armée israélienne ne se retirera jamais du plateau du Golan syrien.

Cet ancien militaire s’est mon­tré en faveur d’une alliance avec l’ancien ministre de la Défense, Moshe Ya’alon, et son parti Telem. Ya’alon a été un critique acerbe de Netanyahu depuis qu’il a été contraint de quitter son poste ministériel. Pourtant, ses prises de position sur les ques­tions de sécurité sont aussi belli­cistes que celles du premier ministre. Il a notamment dénoncé l’ancien secrétaire d’Etat améri­cain, John Kerry, en raison de ce qu’il avait appelé son « obses­sion incompréhensible de futiles pourparlers de paix » avec les Palestiniens. Cette conviction est partagée par Gantz.

Les positions de l’ex-chef d’état-major sur le processus de paix sont conçues pour rassurer les électeurs israéliens de droite sur le fait qu’il fait partie du même consensus qui a porté Netanyahu quatre fois au pou­voir. S’il bat le premier ministre le 9 avril, ce ne sera pas parce qu’il propose une politique diffé­rente, mais parce qu’il jouit d’une réputation plus propre et plus intègre, à l’opposé de celui sur lequel pèsent des accusations de corruption. Si le changement se produit en Israël ce printemps, ce sera un changement de per­sonnalité et non d’idéologie .

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