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Pourquoi un Etat-nation du peuple juif ?

Lundi, 27 août 2018

Pure folie. C’est ainsi qu’un écrivain sioniste, partisan de l’engloutissement de tous les Territoires palestiniens, a qualifié la « loi nationale » que l’extrême droite a réussi à faire passer à la Knesset le 19 juillet dernier. Cette loi qui élève Israël au statut d’« Etat-nation du peuple juif », autrement dit un Etat exclusivement pour les juifs.

Ces propos soulignent l’existence d’une polémique autour de cette loi entre ceux qui se considèrent comme les représentants du « sionisme biblique » et qui l’ont défendue à la Knesset et ceux qui se revendiquent du « sionisme libéral » et qui s’y sont opposés. C’est d’ailleurs pourquoi la loi a été votée avec seulement 62 voix de l’ensemble des 120 membres de la Knesset.

En effet, de nombreux Israéliens, parmi ceux qui rejettent la loi en question et qui craignent ses répercussions négatives sur l’avenir d’Israël, se demandent pourquoi tant d’enthousiasme pour une loi discriminatoire alors que la discrimination contre les Palestiniens est pratiquée déjà dans ses formes les plus sévères depuis 70 ans.

Les pères fondateurs, et surtout David Ben Gourion, ont pris soin de faire en sorte que la Déclaration d’indépendance de l’Etat d’Israël comprenne des principes humanistes et respectueux du peuple palestinien, dans une tentative intelligente de la rendre conforme aux valeurs de la Déclaration universelle des droits de l’homme et à la Charte des Nations-Unies, afin qu’Israël puisse obtenir une reconnaissance internationale. Ils y sont parvenus, alors même qu’ils pratiquaient les pires formes de violations des droits humains des Palestiniens.

Pourquoi donc s’obstiner à faire passer une loi raciste qui risque de créer un front d’opposition internationale ? Plusieurs réponses se présentent. Nous aussi nous devons essayer de trouver la réponse parce que celle-ci nous permettra de déterminer la façon dont nous allons réagir.

Nous pouvons considérer deux hypothèses pour élucider les motifs derrière cette loi. La première, simpliste, se limite à la concurrence politique et électorale entre les courants de la droite extrême, qui se disputent les voix des ultra-orthodoxes, notamment le Likoud, dirigé par Benyamin Netanyahu, et le parti nationaliste religieux Foyer juif, dirigé par Naftali Bennett.

L’autre hypothèse, plus réaliste, est que les dirigeants de l’extrême droite, fortement représentés au cabinet israélien restreint, ont réalisé que la conjoncture régionale actuelle offre l’occasion à Israël pour s’imposer comme « Etat juif », parachever la judaïsation de la Cisjordanie et concrétiser le « plan de paix » du président américain, Donald Trump.

Les auteurs soulignent que ce constat a amené ces deux responsables à travailler étroitement avec le nouvel ambassadeur américain en Israël, David Friedman, pour capitaliser sur cette convergence d’intérêts et faire avancer le plan de paix du président Trump, désormais appelé « l’accord du siècle ».

La position du président palestinien, Mahmoud Abbas, qui a rejeté l’accord déclarant qu’il ne terminerait pas sa vie avec une trahison, n’a fait qu’augmenter le zèle des faucons du gouvernement israélien, Netanyahu en tête. D’autant plus que la reconnaissance par Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël et le fait d’y transférer l’ambassade américaine ont pratiquement finalisé la majeure partie du fameux deal. La loi faisant d’Israël un Etat-nation pour les juifs et les efforts israélo-américains pour nier le droit de retour des Palestiniens à leurs terres constituent autant de pas sur le chemin.

Il s’agit donc d’une « opportunité historique » que les Arabes ont créée en s’écartant de leur guerre stratégique contre l’entité sioniste pour se consacrer à d’autres conflits réels ou fictifs. C’est cette dérive qui a encouragé Trump à formuler un projet de règlement réalisant les ambitions d’Israël au détriment des droits arabes en Palestine, et qui a encouragé les extrémistes juifs à proclamer « un Etat juif raciste » au mépris de la légitimité et du droit internationaux.

Prendre conscience de cette situation et oeuvrer pour la redresser seraient un bon début pour faire face à l’effronterie d’Israël et des Etats-Unis et à leur mépris des droits arabes en Palestine.

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