Israël vit ses meilleurs jours. Son extrémisme, sa violence, sa cruauté et ses activités coloniales ont atteint des sommets. Mais l’inquiétude n’en marque pas moins ses habitants et ses hommes politiques. Une inquiétude qui porte sur l’existence même d’Israël et sur son incapacité à liquider la question palestinienne malgré le soutien inconditionnel et déshonorable des Etats-Unis.

Cette inquiétude est exacerbée par le sentiment que le peuple palestinien représente un problème difficile à résoudre. Israël a réalisé que l’arrogance, le fanatisme, l’extrémisme, la négation des droits palestiniens, l’empiètement sur leurs territoires et la protection fournie par les Etats-Unis n’ont pas réussi à détruire les aspirations du peuple palestinien.

C’est là le dilemme de toute la société israélienne. Les colons qui occupent les terres palestiniennes en Cisjordanie sont conscients du fait qu’ils sont des usurpateurs, et que leur existence sur ces terres est tributaire de la puissance militaire et des crimes de guerre de l’armée israélienne à l’encontre des Palestiniens.

Israël a fondé sa stratégie de liquidation de la question palestinienne sur l’hypothèse que le mépris des négociations, l’accélération de la colonisation, les restrictions sur la vie quotidienne des Palestiniens et le blocus de la bande de Gaza sont des mesures susceptibles de détruire la volonté des Palestiniens, déjà politiquement et militairement démunis, et de les amener à accepter les miettes qui leur seront proposées.

Cette hypothèse repose à son tour sur plusieurs assomptions :

— Grâce à sa puissance militaire et son influence politique auprès de Washington, de Moscou et des capitales européennes, Israël pourra dominer le Moyen-Orient, directement ou à travers son allié fidèle, à savoir les Etats-Unis.

— Aucune puissance ou organisation internationale n’a le pouvoir d’obliger Israël à répondre de ses crimes contre les Palestiniens, ni de contrarier ses desseins, notamment la liquidation de la question nationale palestinienne.

— L’équilibre des forces entre Israël et les Palestiniens ne risque pas d’être modifié dans l’avenir visible, étant donné les divisions interpalestiniennes et interarabes, et la conjoncture internationale actuelle où personne ne se soucie de défendre les Palestiniens.

— Le blocus imposé aux Palestiniens finira par briser leur volonté collective face à l’arrogance israélienne. Ils ne tarderont pas à se résigner à ce que décidera Tel-Aviv.

Cette vision de courte portée ignore ce que les peuples sont capables de faire pour récupérer leurs droits. Elle ignore le fait que les peuples opprimés sont toujours capables de mettre en place de nouveaux moyens de résistance. Elle ignore enfin le fait que l’occupation et la colonisation sont vouées à disparaître tôt ou tard. L’histoire contemporaine regorge d’exemples de peuples qui ont cru en la justice de leur cause et qui ont pu refaire le monde.

Les Israéliens pourraient être tentés de croire que l’impasse politique à laquelle font face les Palestiniens et le dispersement de leurs alliés signifient que le moment est propice pour faire passer le prétendu « accord du siècle ». Or, l’actualité montre que, malgré les circonstances qui favorisent le déclin, les Palestiniens continuent à prouver qu’ils sont un peuple qui ne cède pas ses droits. Ils ont la créativité qu’il faut pour inventer de nouveaux moyens de lutte pacifique et maintenir Israël sur des charbons ardents.

La lutte pacifique n’a pas de limites. Loin de la violence, des armes, des missiles et de la confrontation directe d’armée à armée, il s’agit là d’idées simples mais aux conséquences importantes. Ainsi, la volonté de résistance pacifique a récemment permis deux importantes évolutions.

Les manifestations du retour, organisées le jour même de l’inauguration du siège de l’ambassade américaine à Jérusalem occupée, ont fait perdre à cet événement toute valeur politique et ont mis à nu les prises de position inhumaines et illégales de Washington. Ces manifestations, devenues hebdomadaires malgré leur lourd prix humain que les habitants de Gaza payent en termes de morts et de blessés, prouvent que les Palestiniens n’abandonneront pas leurs terres occupées et que la politique du blocus et les balles réelles tirées sur les manifestants n’ont pas réussi à briser leur volonté et leur résistance pacifique.

La deuxième évolution, qui est vraiment créative, est l’utilisation de cerfs-volants, conçus à l’origine pour être des jouets innocents, comme une forme unique de résistance. Le message transmis par les cerfs-volants à l’Etat d’occupation est que, quelle que soit la puissance de son armée et sa technologie avancée, il restera impuissant face à un peuple désarmé qui croit en sa cause et en ses droits nationaux qui ne peuvent jamais être abandonnés.

Israël a mis au point son système de défense aérienne avancé (Dôme de fer), qui a coûté plus de deux milliards de dollars pour se défendre des roquettes fabriquées localement et qui sont parfois tirées par les factions de la résistance palestinienne armée contre les colonies proches de Gaza. Mais ledit Dôme de fer s’est avéré complètement impuissant face aux cerfs-volants portant une petite flamme qui atterrissent sur des terres palestiniennes usurpées et enflamment les récoltes et les installations qui s’y trouvent.

Le débat en Israël révèle sa rage, son étonnement et son impuissance, malgré ses capacités immenses, face à cette innovation palestinienne qui coûte si peu, mais qui est pourtant si efficace.

Quelles que soient les restrictions et les limitations, les peuples sont capables de les surmonter et, grâce à leur volonté, ils peuvent renverser la situation avec peu de moyens. C’est un fait qui a été démontré dans l’histoire contemporaine par les Indiens et les Sud-Africains. Dans le premier cas, le colonialisme britannique a disparu, tout comme le régime de ségrégation raciale dans l’autre. Ce que nous voyons dans le cas de la Palestine annonce la naissance d’un modèle unique de résistance pacifique qui portera ses fruits tôt ou tard.