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L’impasse politique palestinienne

Tuesday 12 juin 2018

Personne ne prend au sérieux le discours américain ambigu sur un éventuel projet de paix israélo-palestinien. Les idées américaines là-dessus sont floues, et ce qui en a filtré ne convainc personne. En revanche, les positions américaines se caractérisent, elles, par une clarté totale. Elles se résument ainsi: partialité absolue en faveur d’Israël, mépris des droits arabes et palestiniens à Jérusalem, déni du droit de retour aux réfugiés palestiniens, impassibilité face au blocus imposé aux Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie, soutien total à la colonisation qui prolifère comme un cancer en Cisjordanie au mépris du droit international et de la charte de l’Onu, etc.

En contrepartie, aucune autre puissance internationale n’a ni la volonté, ni le pouvoir de s’impliquer dans la question palestinienne en essayant de convaincre les parties concernées de reprendre les négociations sur la base des accords d’Oslo. Ces accords signés il y a un quart de siècle et qu’Israël a utilisés, non comme feuille de route pour mettre fin au conflit, mais pour imposer davantage de restrictions à l’Autorité palestinienne.

La partialité américaine en faveur d’Israël n’est pas une nouveauté, sauf qu’auparavant, elle était pratiquée avec un semblant d’équilibre et de volonté de poursuivre les négociations avec les Palestiniens. Mais Donald Trump et son Administration ont inauguré l’ère de la partialité flagrante, celle qui nie les droits des Palestiniens et qui met ces derniers, ainsi que tous les Arabes, sous toutes sortes de pressions pour leur faire accepter une vision israélienne déterminée à liquider la cause palestinienne.

Les observateurs de la société israélienne sont unanimes à reconnaître la montée de l’extrême droite sous la houlette du premier ministre Benyamin Netanyahu et de son ministre de la Défense, Avigdor Lieberman. Par ailleurs, la bulle de protection fournie par les Etats-Unis a encouragé cette recrudescence de la violence israélienne contre le peuple palestinien, comme ce fut récemment le cas à Gaza, lorsque Tsahal a tiré à balles réelles sur des manifestants pacifiques qui invoquaient le droit au retour des réfugiés. Au Conseil de sécurité, le veto américain est prêt pour empêcher toute résolution susceptible de rendre justice aux Palestiniens, ne serait-ce que symboliquement. Ainsi, le projet de résolution présenté par le Koweït revendiquant une protection humanitaire du peuple palestinien ainsi qu’une enquête sur le meurtre des manifestants palestiniens sous les balles israéliennes s’est heurté au veto américain. Les Etats-Unis ont choisi non seulement de couvrir les crimes israéliens, mais de condamner les victimes.

Cette transformation de la politique américaine de la partialité implicite en une partialité explicite est accompagnée de plusieurs autres évolutions. D’abord, la division palestinienne entre le Fatah et le Hamas, et donc entre la Cisjordanie et la bande de Gaza. Une situation qui perdure depuis une décennie, alors que toutes les tentatives de médiation ont échoué à y mettre un terme. La question de la succession du président palestinien, Mahmoud Abbas, qui se trouve dans un état de santé précaire, vient compliquer davantage la situation. Ce dernier cumule les présidences de l’Autorité palestinienne, de l’Organisation de Libération Palestinienne (OLP), du Conseil central palestinien et du mouvement Fatah. Sa disparition de la scène est susceptible de perturber toutes ces institutions et de peser sur la situation des Palestiniens en général. De son côté, le Hamas, qui contrôle de facto la bande de Gaza, et malgré les modifications partielles qu’il a introduites dans sa charte il y a plus d’un an, n’a pas changé sa position à l’égard des négociations avec Israël. Ses relations avec l’Autorité palestinienne n’ont pas beaucoup changé non plus. Aujourd’hui, avec la nouvelle position des Etats-Unis et les informations qui circulent à propos d’un prétendu projet de paix américain, le rejet des négociations par le Hamas et les autres factions palestiniennes, à l’exception du Fatah, devient compréhensible.

En attendant, Israël continue à élargir ses colonies en Cisjordanie et à empiéter sur de nouveaux territoires palestiniens pour en construire d’autres. Par ailleurs, le fait que ces colonies soient considérées comme partie intégrante de l’Etat d’Israël et que leurs habitants soient soumis à la loi israélienne plonge l’avenir de la Cisjordanie occupée dans le flou total.

A l’échelle régionale, les évolutions récentes consacrent le dispersement des pays arabes, qui ont relégué la question palestinienne à l’arrière-plan, leur priorité étant désormais de conserver leur stabilité intérieure et de se préserver des retombées des conflits syrien, iraqien et yéménite. Certains pays arabes sont allés jusqu’à faire de l’Iran une priorité absolue, ce qui les a mis au diapason avec Israël sur beaucoup de questions régionales, notamment l’influence iranienne et la question palestinienne. Tout cela a renforcé la solitude des Palestiniens face à des pressions de tous bords.

Mais l’impasse politique et le dispersement des alliés ne signifient en aucun cas que le terrain soit préparé pour le prétendu « accord du siècle » américain. C’est que les Palestiniens sont un peuple qui ne cède jamais ses droits malgré les difficultés et les pressions. Ils ont la créativité qu’il faut pour inventer de nouveaux moyens de lutte pacifique comme en ont témoigné les manifestations du retour organisées le jour même du transfert à Jérusalem de l’ambassade américaine. Ces manifestations ont ôté à cet événement sa signification politique et ont mis à nu les prises de position inhumaines et illégales de Washington.

Au fil de l’Histoire, les peuples opprimés ont montré leur capacité à briser les chaînes et à surmonter les obstacles. On l’a déjà vu en Inde et en Afrique du Sud, comme on le verra un jour en Palestine.

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