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Amr Moussa et Gamal Abdel-Nasser

Lundi, 02 octobre 2017

L’ancien ministre égyptien des Affaires étrangères et ex-secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, a eu l’amabilité de m’inviter à la cérémonie de dédicace de ses mémoires intitulées Kétabeya. Il m’a demandé de devenir l'un de ses interlocu­teurs, mais ma présence à l’étranger ne m’a pas permis de répondre à son invitation.

J’ai été l’une des innombrables personnes qui ont appelé Moussa à de maintes occasions à rédiger ses mémoires étant donné qu’il a été l’un des plus importants témoins de l’histoire moderne de l’Egypte, pendant une période-clé s’étendant sur dix ans, au cours de laquelle il était sans aucun doute l’architecte de la politique étrangère égyptienne. Et, après dix ans à la tête des Affaires étrangères, il a été à la tête de l’or­ganisation panarabe avant de rentrer de plain-pied dans le monde de la politique à travers la porte de la révolution glorieuse du 25 janvier 2011 en tant que président du Front du salut, ensuite en tant que fondateur et président du parti du Congrès, et enfin, lorsqu’il a décidé de se lancer sur la piste de la présidentielle au cours des premières élections post-révolution. Ses efforts déployés pour mettre les fondements d’une Egypte libre ont été couronnés par sa pré­sidence au comité des 50 personnalités qui étaient chargées de la rédaction de la Constitution.

Amr Moussa m’avait parlé à plusieurs reprises de ses mémoires au moment même où il les rédigeait. Pendant l’une de nos rencontres dans sa villa à la Côte-Nord, l’été dernier, il m’a inter­rogé sur certaines dates et circonstances histo­riques. Tels certains détails concernant l’an­nonce du président Sadate de sa visite en Israël et la démission qui l’a suivie plus tard du ministre des Affaires étrangères de l’époque, Ismaïl Fahmi. A ce moment, je lui ai parlé de mes propres mémoires que j’entends publier le mois prochain également. Témoin et chroni­queur, tous les deux à la même période, mais chacun à partir d’une position différente. Amr Moussa en tant que diplomate et moi comme journaliste. Un peu plus tard, on l’avait encou­ragé avec l’ami Ibrahim Al-Moallem à hâter la sortie du livre pour qu’il puisse s’attirer un lec­torat convenable. D’autant que l’avènement du prochain Salon international du livre du Caire aura pour focus l'élection présidentielle de mai 2018.

Ainsi, ma joie a été à son comble lorsque Amr Moussa m’a informé que son livre a enfin vu le jour et qu’il m’a invité à la séance de dédicace qui a attiré une large audience et a eu d’importants échos. J’ai d’ailleurs été surpris, en suivant les nouvelles de l’étranger, de ce qui a été dit sur l’attaque qu’il aurait adressée à Gamal Abdel-Nasser. D’autant que les posi­tions de Moussa qui lui ont valu sa popularité ont fait de lui l’un des plus célèbres ministres des Affaires étrangères depuis l’époque de Mohamad Ali lui qui avait valu le surnom de « divan des affaires étrangères ». Je dirais que les positions qui ont fait la popularité de Amr Moussa peuvent être qualifiées dans leur tota­lité de nassériennes par excellence, surtout celles à l’encontre d’Israël et ses politiques. Moussa n’a pas accepté le fait accompli que Tel-Aviv parvenait à imposer au monde entier. Il a également défendu farouchement la cause palestinienne et a refusé catégoriquement de renoncer aux droits légitimes du peuple pales­tinien. A tel point qu’il a été accusé d’avoir avorté, en influençant Yasser Arafat, l’accord qu’Israël essayait d’imposer aux Palestiniens dans les années 1980. Il était également connu pour ses positions rigoureuses avec les grandes puissances, surtout les Etats-Unis, refusant tout ce qu’elles lui dictaient.

L’éditorialiste libanais Samir Attallah avait parlé dans un article dans le journal Al-Sharq Al-Awsat, repris dans le quotidien égyptien Al-Masri Al-Youm, du rôle de Moussa qui a replacé l’Egypte sur le devant de la scène arabe suite au boycott qui avait été causé par la poli­tique de Sadate dans les années 1970. D’ailleurs, grâce au rôle régional de l’Egypte, Moussa a repris, semble-t-il, le refrain favori de Nasser. Si les propos de Moussa dans son livre selon les­quels la politique arabe de l’Egypte avait com­mencé avant l’époque de Nasser avec la fonda­tion de la Ligue arabe, ce fut le « zaïm » qui l’a amenée à des perspectives nouvelles.

La politique étrangère de Moussa a été carac­térisée par une dimension populaire que le ministère des Affaires étrangères n’a jamais connue auparavant. Dans la semaine au cours de laquelle il avait quitté son poste, j’avais écrit un article dans le quotidien Al-Ahram titré « L’école diplomatique de Moussa » pour dire que sa ges­tion des dossiers de ce portefeuille délicat dépen­dait de l’intuition qu’il avait du peuple. L’exemple à l’appui que j’avais choisi était sa bataille contre Israël sur l’arrêt de la proliféra­tion des armes nucléaires qu’il avait transformée en une cause publique, malgré les côtés tech­niques que l’homme de la rue ignorait ou ne pouvait assimiler.

Lorsque j’ai lu les réactions qui ont été publiées sur le livre de Moussa, elles m’ont donné l’impression qu’il avait attaqué Nasser. J’avais entendu qu’il avait dit que le zaïm impor­tait sa nourriture de Suisse, que les manifesta­tions, qui avaient éclaté pour lui demander de rester suite à sa décision de quitter le pouvoir après la défaite de 1967, étaient toutes arrangées, qu’il était un dictateur qui n’impliquait pas les institutions étatiques dans les prises de déci­sions. Une fois de retour, j’ai cherché le livre dans les bibliothèques mais je ne l’ai guère trouvé, je l’ai alors demandé à Amr Moussa. « Où est le livre dans lequel vous attaquez Nasser ? », lui ai-je dit. Il m’a répondu : « Il n’existe pas », et il m’a donné la version publiée avec une gentille dédicace. Le livre est d’une grande valeur. Le lecteur peut être d’accord ou non avec les analyses et les avis politiques de l’auteur, mais rien à propos d’une attaque contre Nasser. Le prochain article parlera de sa vision de Nasser .

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