Manoeuvre politique ou véritable changement ? La décision du Hamas de modifier son texte fondateur et d’opter pour une version plus édulcorée, et plus accommodante à l’égard d’Israël, alimente les interrogations. Pour la première fois, le Hamas se dit prêt à accepter, à l’évidence provisoirement, un Etat palestinien dans les frontières de 1967 avec Jérusalem comme capitale. Le mouvement islamiste s’aligne ainsi sur le Fatah de Mahmoud Abbas, et semble ainsi prendre en compte l’existence d’Israël. Le Hamas affirme en outre être en conflit avec « le projet sioniste » et non pas avec les juifs en raison de leur religion. La nouvelle charte ne fait plus mention des Frères musulmans dont le Hamas est issu.
Rédigée en 1988, l’ancienne charte, composée de 36 articles, rejetait toute solution diplomatique au conflit israélo-palestinien. Le Hamas s’y présentait comme une branche des Frères musulmans, dont l’objectif est de libérer par la force l’ensemble du territoire palestinien.
Pourquoi cet assouplissement ? L’annonce de la nouvelle charte a coïncidé avec la visite, mercredi à Washington, du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Le responsable palestinien a été reçu pour la première fois à la Maison Blanche par le président Donald Trump. Depuis quelque temps déjà, on parle d’un possible arrangement entre Israéliens et Palestiniens, parrainé par Washington, avec l’accord des pays arabes. Dans ce contexte, Trump a reçu successivement, à la Maison Blanche, le roi Abdallah de Jordanie et le président Abdel-Fattah Al-Sissi. Or, le Hamas, considéré comme un mouvement terroriste tant par les Etats-Unis que par l’Union européenne, Israël et l’Egypte, ne veut visiblement pas rester à l’écart de ces arrangements.
La nouvelle charte politique est donc un geste « d’apaisement » qui vise à améliorer l’image du mouvement aux yeux des Occidentaux, mais aussi à se rapprocher de certains pays arabes, comme l’Egypte et les pays du Golfe. Grâce à ces alliances, le mouvement espère conserver une place dans le jeu politique, sur le plan régional d’abord, avec les éventuelles négociations israélo-palestiniennes, mais aussi sur le plan interne. Les élections municipales en Cisjordanie approchent, et les rapports de force ne semblent pas en faveur du Hamas.
Mais au-delà de ces considérations purement politiques, des raisons économiques expliquent aussi ce revirement de la politique du Hamas. Outre l’impitoyable siège imposé par Israël depuis 2006 sur la bande de Gaza, l’enclave palestinienne est soumise depuis quelques années à des pressions économiques croissantes, en raison notamment de la fermeture de nombreux tunnels de contrebande dans le Sinaï. D’où cette volonté du mouvement palestinien de temporiser avec Le Caire.
Affaibli par la guerre en Syrie (le régime syrien était l’un de ses principaux soutiens) mais aussi par la chute des Frères musulmans en Egypte, le Hamas est aujourd’hui à la recherche d’une issue à son isolement politique et économique .
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