Le mouvement de résistance islamique, Hamas, a émis un nouveau document comprenant trois modifications du texte fondateur du mouvement, mis en place après la grande Intifada de décembre 1987. Il s’agit premièrement d’une séparation des relations organisationnelles avec la confrérie des Frères musulmans, deuxièmement de l’acceptation d’un Etat palestinien sur les frontières de 1967, et troisièmement de la confirmation que le conflit avec Israël est un conflit politique et non un conflit religieux. C’est-à-dire que c’est un conflit de frontières et non pas un conflit d’existence. Dans les faits, ce sont les mêmes principes adoptés par l’OLP, il y a près de 30 ans après les accords d’Oslo de 1993, et qui auraient failli aboutir à l’instauration d’un Etat palestinien indépendant, si des opérations-suicide menées dans les villes israéliennes n’avaient pas compris les efforts de paix. Le processus d’établissement de deux Etats s’était alors complètement arrêté et Israël avait réoccupé les territoires d’où il s’était retiré.
Pourquoi le Hamas a-t-il entrepris ces révisions fondamentales ? Pour comprendre ce qui se passe au sein de l’organisation, il est indispensable de revenir à la création même du mouvement, à l’évolution de son rôle, à sa relation avec la résistance et à son entrée dans l’action politique comme alternative à l’OLP, reconnue au niveau arabe et international en tant qu’unique représentant légitime du peuple palestinien.
La résolution 181, promulguée par l’Assemblée générale des Nations-Unies en 1947, avait accordé près de 54 % des territoires palestiniens aux juifs et 43 % aux Arabes et avait placé Jérusalem sous une administration internationale. Les juifs ont accepté la résolution alors que les Arabes l’ont refusée, menant au déclenchement de la guerre de 1948, au cours de laquelle les forces sionistes ont réussi à occuper la moitié des territoires consacrés aux Arabes. C’est ainsi qu’il ne restait plus aux Arabes que 22 % des territoires palestiniens représentés par la Cisjordanie (5 500 km) et la bande de Gaza (360 km), qui ont été occupés par Israël en 1967.
Etant donné que la bande de Gaza a été placée sous l’administration égyptienne entre 1948 et 1967, ainsi que les frontières conjointes de 14 km, c’est à partir de Gaza qu’ont été lancées les opérations de résistance contre l’occupation israélienne et c’est également à Gaza que la première Intifada a été déclenchée en décembre 1987. C’est de même sur ces terres qu’est né le mouvement de résistance islamique Hamas, l’aile palestinienne de la confrérie des Frères musulmans. En annonçant la création de ce mouvement, la confrérie essayait de rejoindre la résistance et de nier les accusations qui lui étaient adressées. La confrérie était accusée de coopérer avec les forces d’occupation et de ne pas participer à la résistance. L’objectif premier de la confrérie étant de construire ce qu’elle considère comme l’homme musulman, la famille musulmane et la société musulmane, elle avait peu d’intérêt à s’engager dans la résistance contre l’occupation juive, puisqu’elle était convaincue que sa participation allait détruire son projet. La confrérie a alors travaillé en coordination avec les services de sécurité israéliens qui lui ont souvent facilité l’obtention d’armes afin de combattre l’OLP. La confrérie considérait en effet l’OLP comme un danger pour le projet islamique, car elle adoptait une pensée laïque selon les termes de la confrérie. Par conséquent, la confrérie considérait que l’attaque de l’OLP contribuerait à la création du projet islamique car elle représenterait alors l’unique alternative. Avec le déclenchement de la première Intifada, la confrérie a décidé de rejoindre la résistance. Elle a alors déclaré la création du mouvement de résistance islamique Hamas, quinze jours seulement après le déclenchement de l’Intifada. Ce qui fut une catastrophe pour la résistance et pour la bande de Gaza et ses habitants. Le mouvement est alors entré en concurrence avec la direction nationale unie formée par les résistants sur le terrain et les factions de l’OLP, perturbant son action et défiant son pouvoir en invitant les Palestiniens à ne pas répondre aux demandes de la direction nationale et à répondre seulement à ses ordres. Un fait qui a contribué durant toutes ces années à avorter toutes les tentatives de règlement politique de la cause palestinienne.
Mais pourquoi le mouvement Hamas a-t-il décidé maintenant de modifier sa charte ? A mon avis, les révisions 2 et 3 sont le résultat de pressions qatari exercées par le président américain, qui désire un règlement politique de ce qui reste de la cause palestinienne selon des conditions israéliennes.
Ces modifications constituent une tactique pragmatique du mouvement pour rejoindre la voie du règlement politique. Sa charte promulguée en 1987 la place en dehors de la course du processus politique. De plus, le premier article de sa charte qui le met en relation organisationnelle avec la confrérie des Frères musulmans place le Hamas dans une situation critique vis-à-vis de l’Egypte qui a classé la confrérie comme organisation terroriste. Les revirements du Hamas ne sont donc qu’une tentative de rejoindre le train du règlement politique en tant que remplaçant de l’OLP après lui avoir fait perdre des dizaines d’occasions de réaliser un règlement équitable à partir de la conférence du Mena House 1977 jusqu’à la conférence de Camp David en 2000, en passant par les accords d’Oslo de 1993.
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