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La bataille de l'Unesco

Dimanche, 26 février 2017

Bien étrange est la position adoptée la semaine dernière par l’Italie qui a pré­senté un candidat au poste de directeur général de l’Organisation des Nations-Unies pour l’éducation, les sciences et la culture, l’Unesco. L’Italie entre ainsi dans une concurrence directe avec l’Egypte qui avait annoncé, depuis la fin de l’année dernière, la candidature de l’ambas­sadrice Mouchira Khattab à ce même poste. Le candidat présenté par l’Italie n’est autre que Francesco Rutelli qui avait occupé les postes de ministre de la Culture et de maire de Rome. C’est un homme politique connu qui a oeuvré tout au long de l’année dernière à obtenir l’approbation du gouvernement italien afin de présenter sa candida­ture aux termes du second mandat de sa directrice actuelle, Irina Bokova. Il est ainsi entré en concur­rence avec la ministre de l’Education, Stephania Giannini, l’ex-ministre Giovanna Milandri, ainsi que le maire de Turin, Piero Fassino. Mais il semble avoir remporté la concurrence.

Je me trouvais à Paris en octobre dernier lorsque Rutelli a rendu visite au siège de l’Unesco dans la capitale française pour rencontrer Irina Bokova. J’ai appris qu’il lui a présenté deux projets pour qu’elle les adopte. Le premier est la création de forces spéciales d’intervention affiliées à l’Unesco pour protéger le patrimoine culturel non visuel. Le second projet est la reconstruction des sites archéo­logiques détruits par le terrorisme. Puis, le nom de Rutelli a entièrement disparu, et on n’a plus entendu parler de la volonté de l’Italie de présenter un candidat à la tête de l’Unesco, alors qu’elle s’est présentée pour la présidence de deux autres orga­nisations spécialisées des Nations-Unies, l’Organi­sation Mondiale de la Santé (OMS) et le Fonds International du Développement Agricole (FIDA). Le fait qui a été considéré à l’époque comme une renonciation à la candidature de l’Unesco. Mais au cours des dernières semaines, l’Italie a échoué dans les élections de ces deux organisations. Le fait qui semblerait avoir ravivé sa volonté de pré­senter sa candidature à la présidence de l’Unesco.

En fait, l’Italie se base sur plusieurs éléments. Premièrement, elle est membre du Conseil exécutif de l’Unesco durant sa session actuelle qui prend fin au terme du mandat de Bokova à la fin de cette année. C’est ce conseil qui est chargé de voter le nouveau directeur général de l’organisation. L’Italie est également l’un des plus grands dona­teurs de l’Unesco (près de 10 % de son budget). L’Italie avait d’ailleurs utilisé sa force financière pour faire pencher la balance en faveur du candidat Cokoichiro Matsuura, qui fut l’un des directeurs les plus faibles que l’organisation ait jamais connus. Il est à noter dans ce contexte que le plus grand donateur de l’Unesco, les Etats-Unis (avec 22 % de son budget), a suspendu son financement depuis 2011 à cause de son opposition, ainsi qu’Is­raël, à la participation de la Palestine aux travaux de l’organisation. Le fait qui augmente l’impor­tance du financement italien qui ne dépasse pas le montant de 1 300 000 d'euros par an, mais qui s’amplifie à la lumière de l’étroite coopération avec l’organisation. En effet, l’Italie lui a offert un second siège dans l’un des bâtiments historiques de Venise. Dans ce contexte, il convient de prendre au sérieux la décision de l’Italie. Ni le candidat ni son pays ne doivent être pris à la légère.

Une question importante s’impose : L’Occident insiste-t-il vraiment pour ne pas permettre aux pays arabes de parvenir au siège de l’Unesco ? Les pays occidentaux se sont épaulés à chaque fois qu’une personnalité arabe présentait sa candidature à ce haut poste culturel pour empêcher qu’elle ne l’obtienne, qu’il s’agisse de l’intellectuel égyptien à la renommée internationale, Dr Ismaïl Séragueddine, le poète et diplomate saoudien Ghazi El-Qosseibi, l’ancien ministre égyptien de la Culture et le peintre de renom, Farouk Hosni, qui avait obtenu, au cours du premier tour des élec­tions, le plus grand nombre de voix jamais obtenu dans l’histoire de l’organisation ou encore l’am­bassadeur algérien, Mohamed Bedjaoui, qui n’a obtenu aucune voix. Le même scénario est-il en voie de se répéter ?

La journaliste Fathiya Al-Dakhakhni a dernière­ment publié un livre important intitulé Farouk Hosni et les secrets de la bataille de l’Unesco. Ce livre répond en quelque sorte à cette question. Il révèle que le problème n’était pas certaines paroles prononcées par le ministre égyptien et sorties de leur contexte pour être utilisées contre lui. Il révèle plutôt un refus de principe qu’un quelconque can­didat arabe accède à ce poste à cause des dossiers des agressions israéliennes permanentes contre le patrimoine arabe à Jérusalem et des opérations de judaïsation des territoires occupés.

Cependant, nous nous trouvons aujourd’hui face à une candidate arabe qui est, selon les cercles mêmes de l’Unesco, la plus forte concurrente grâce à sa longue expérience dans les organisations internationales et à sa vision internationale acquise à travers les longues années de travail en tant qu’ambassadrice à travers le monde. Tous ceux qui ont connu Mouchira Khattab savent parfaitement qu’elle ne prononcera jamais un mot qui puisse être utilisé contre elle pour l’écarter de la course.

En effet, la candidate égyptienne est parfaite­ment capable, avec sa personnalité, de gagner le soutien nécessaire. Mais elle se trouve face à une bataille acharnée dont les armes ont commencé à se révéler. Notre Etat doit réaliser qu’il représente l’une des parties de cette bataille qu’il doit mener avec les armes appropriées. Il lui incombe en pre­mier lieu d’opérer la concordance voulue entre ses politiques internes et les objectifs de l’Unesco approuvés par le monde entier.

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