Mercredi, 24 avril 2024
Opinion > Opinion >

Nous et l'Arabie saoudite

Lundi, 13 février 2017

Pendant que j’assistais à la 31e édition du Festival d’Al-Janadriyah où l’Egypte était présente en tant qu’in­vitée d’honneur, j’ai médité sur les relations égypto-saoudiennes qui en sont arri­vées aujourd’hui à un stade de tension latente. La nation arabe a-t-elle vraiment besoin de cet état d’hostilité qui prévaut entre les deux plus grands Etats du monde arabe, surtout après les troubles auxquels sont en proie l’Iraq et la Syrie ? Le choix de l’Egypte en tant qu’invitée d’honneur du Festival d’Al-Janadriyah qui se tient parallèlement au Salon du livre de Riyad, le plus important événement culturel en Arabie saoudite, intervient après l'un des incidents qui ont causé un certain malaise entre les deux pays. En effet, Le Caire et Riyad entretenaient des relations étroites d’amitié au lendemain de la révolution du 30 juin et de l’avènement du président Abdel-Fattah Al-Sissi, dont l’investi­ture avait été soutenue matériellement et mora­lement par feu le roi Abdallah. Ce soutien est allé jusqu’à intervenir auprès de certains Etats occidentaux qui continuaient à supporter les Frères après leur chute.

Le soutien saoudien à l’Egypte s’est poursuivi même après le décès du roi Abdallah et était considéré comme une politique dictée par la situation que vivent les deux pays. Pour éviter qu’une fissure ne gagne ce qui reste de l’édifice arabe, qui entraînerait son effondrement et la propagation du chaos dans la région, les deux Etats-clés devaient adopter une logique d’en­tente et de rapprochement. Si nous jetons un regard sur le monde arabe, nous nous rendons compte que l’Iraq et la Syrie sont en proie aux troubles, et que les carnages et les bains de sang sont devenus une caractéristique quotidienne d’autres pays arabes frères comme la Libye, le Yémen, le Soudan, la Somalie et le Liban.

La visite effectuée par le roi Salman Bin Abdel-Aziz début avril 2016 avait pour objectif de jeter les fondements de futures relations stra­tégiques entre les deux pays. Les deux dirigeants avaient exprimé leur intention de se solidariser pour affronter ensemble les défis régionaux, comme le terrorisme et les différentes tentatives de saper les fondements des Etats.

Mais lorsque la visite s’est terminée, les rela­tions ont commencé à trébucher. Comme si d’aucuns avaient vu dans les étroites relations entre les deux pays à ce moment critique de l’histoire arabe une menace à leurs intérêts. L’Arabie saoudite s’est plainte de la lenteur de l’Egypte à lui restituer Tiran et Sanafir, alors que l’opinion publique égyptienne suspectait que les deux îles étaient égyptiennes. En effet, le dossier a pris une dimension publique et n’est plus l’apanage du gouvernement égyp­tien. Riyad blâme l’Egypte pour sa position vis-à-vis de la Syrie et du Yémen et le vote en faveur du pro­jet russe concernant la Syrie. En contrepartie, l’Egypte reproche à Riyad la suspension des livraisons de carburants et critique la visite d’un haut responsable saoudien au barrage éthiopien de la Renaissance. Il est pro­bable que les divergences soient dues au manque de concertation et de coordination entre les deux pays malgré l’entente qui existait au niveau de leurs commandements respectifs. L’Egypte a été surprise par le retrait du port de Suez des navires transportant le carburant saoudien, et en même temps, l’Arabie saoudite a été stupéfaite par le vote égyptien en faveur de la Russie qui est en contradiction totale avec la position du Royaume sur la Syrie.

La multiplication des points de désaccord entre l’Egypte et l’Arabie saoudite porte à croire qu’il existe de tierces parties ayant pour objectif de mettre un terme à ce partenariat stratégique qui est sans nul doute l’unique ligne de défense contre l’effondrement de l’ordre arabe. Cette détérioration rapide des relations bilatérales était-elle préméditée ? Pourquoi avant de suspendre les livraisons de carburant, Riyad n’a-t-elle pas coordonné avec l’Egypte et ne l’a-t-elle pas informée d’arrêter des approvisionnements si stratégiques ? Du côté de l’Egypte, pourquoi n’y a-t-il pas eu de coor­dination avec l’Arabie saoudite avant le vote en faveur de la Russie ? Ce manque de coordina­tion était-il dicté par la nature des relations bilatérales à ce stade particulier ? Si cela s’avère vrai, il apparaît donc que les deux pays doivent s’entendre sur un mécanisme de concertation entre les différentes institutions étatique dans les deux pays. A ma connais­sance, il existe ce qu’il est convenu d’appeler le Conseil de coordina­tion égypto-saoudien qui renferme un certain nombre de ministres et dont j’ignore le rôle exact. Je ne comprends surtout pas comment de telles répercussions fâcheuses puis­sent avoir lieu alors qu’un tel conseil est opérationnel.

Le choix de l’Egypte comme invi­tée d’honneur au Festival d’Al-Jana­driyah était une bonne initiative de la part de l’Arabie saoudite. Cette déci­sion vient raffermir les relations culturelles entre les deux pays et peut servir de base pour de solides futures relations politiques et économiques. D’autant plus que l’Arabie saoudite s’apprête à accueillir dans les semaines à venir un événe­ment culturel d’envergure, qui est l’inauguration de la bibliothèque du roi Fahd après les travaux de restauration. Cette bibliothèque renferme un grand nombre de références et une collection d’ouvrages sur l’histoire arabe commune et la stabilité des relations égypto-saoudiennes au fil des ans. N’est-ce pas là une occasion pour les dirigeants des deux pays de dépasser leurs diffé­rends et d’ouvrir une nouvelle page ? .

Mots clés:
Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique