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Trump va-t-il vers une « démondialisation » généralisée ?

Cherine Haridy, Lundi, 05 décembre 2016

La statue grandeur nature de Trump, le 45e président des Etats-Unis, est déjà au stade des finitions, alors que ce dernier n’a même pas encore prononcé son dis­cours d’investiture à la Maison Blanche, prévu le 20 janvier pro­chain. Trump sera-t-il connu pour sa bonne gouvernance et ses efforts de stabilisation économique ou bien comme le précurseur de la « démon­dialisation » mondiale ?

Lors de la Seconde Guerre mon­diale, les Etats-Unis, venus sauver l’Europe de la montée du fascisme, sont devenus les reconstructeurs de l’ancien continent et la première puissance commerciale. Après la chute du mur de Berlin le capita­lisme, grand vainqueur de la guerre froide, s’est imposé comme le modèle économique mondial. Or avec cette récente élection de Donald Trump, le monde redoute un revire­ment de l’économie mondiale vers une tendance plus protectionniste.

Trump a accusé, tout au long de sa campagne électorale, les accords méga-régionaux, comme le partena­riat Trans-Pacifique, d’être la cause de l’augmentation du chômage aux Etats-Unis. Il a même affirmé vou­loir revoir les accords de ce partena­riat. Cependant, on peut difficile­ment croire que les Etats-Unis remettront en question de tels accords.

La politique de Trump s’inspire de la politique de Ronald Reagan, ou du moins c’est ce qu’il tente de faire croire. L’ancien chef d’Etat républi­cain (1981-1989) avait réduit les impôts de façon drastique afin de relancer la croissance qui avait sta­gné sous Carter. Mais outre ce type de mesures, on trouve également des similitudes dans les slogans de deux présidents, « America is back » pour Reagan et « Make America great again » pour Trump. Mais en dépit de ces ressemblances, leurs pro­grammes économiques sont pourtant bien différents. Avec une volonté de diminuer de près de 50 % les recettes fiscales et le retrait annoncé des trai­tés commerciaux qu’il juge nocifs, Trump ne ressemble pas à Reagan. De telles réformes risqueraient d’augmenter encore plus le déficit budgétaire et mettre à mal les rela­tions avec les Etats alliés.

Trump n’est pas un idéologue mais plutôt un pragmatique. Ses pro­messes de campagne n’étaient qu’un moyen de se faire élire en provo­quant la haine et la colère des cols bleus qui se sentent délaissés par la mondialisation. D’ailleurs, plusieurs des idées farfelues de Trump ont dû être reconsidérées pour correspondre à la réalité. On imagine mal, dans le contexte actuel de l’endettement des Etats-Unis, que ceux-ci imposent à la Chine une taxe de 45 % sur les produits importés comme l’avait annoncé Trump. Même chose pour l’Accord de Libre-Echange Nord-Américain (ALENA). Trump vou­drait en exclure le Mexique, ce qui nuirait grandement à l’industrie automobile américaine. La révoca­tion du partenariat Trans-Pacifique risquerait, quant à elle, d’augmenter la menace chinoise sur le Japon et les quelque 12 pays qui l’entourent. La philosophie « trumpiste » de « America First » risque de donner en réalité l’avantage à la Chine, qui est à deux doigts de voler la position américaine de première puissance économique mondiale. On est en droit de se demander si ces positions de Trump sont le résultat de son expérience dans le monde des affaires ou bien si c’est sa campagne présidentielle qui l’a amené à se positionner ainsi. Dans tous les cas, la Constitution américaine prévoit que le président ne peut prendre de telles décisions sans l’aval des deux tiers des voix du Congrès et du Sénat. Par contre, s’il obtient leurs accords il sera libre de prendre toutes les décisions seul. A noter qu’il est en position de force puisque les deux assemblées sont de la même tendance politique que lui, républi­caine. A moins qu’il modifie un cer­tain nombre de points dans son pro­gramme économique, la route vers la « démondialisation » semble lancée.

Après le Brexit et l’élection de Trump, le libre-échange est dans une bien mauvaise passe et la mon­dialisation sauvage, telle qu’elle est appliquée depuis une vingtaine d’années, ne pourra pas durer éter­nellement. Les inégalités sociales et économiques provoquent des flux migratoires sans précédent qui viennent se confronter au popu­lisme et au nationalisme qui ont atteint avant eux les pays d’accueil. Si nous voulons éviter que ces ten­dances populistes ne se transfor­ment en un discours radical, xéno­phobe et généralisé, il faudra trou­ver un juste milieu entre la mondia­lisation sauvage et la « démondiali­sation » abrupte.

*Licenciée en Droit Paris I - Panthéon - Sorbonne

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