Tandis que l’offensive pour reprendre Mossoul à l’Etat Islamique (EI) gagne du terrain, la coalition internationale anti-EI, menée par les Etats-Unis, a les yeux rivés sur la ville syrienne de Raqqa. Raqqa est la capitale de facto de l’Etat islamique et l’autre grand fief de l’organisation aux côtés de Mossoul. La semaine dernière, le secrétaire américain à la Défense, Ashton Carter, a évoqué une offensive sur Raqqa « dans les prochaines semaines ». L’offensive sur Raqqa apparaît beaucoup plus complexe que celle sur Mossoul. Si, en Iraq, l’offensive contre les djihadistes de l’EI a été donnée par le gouvernement iraqien, il en va autrement en Syrie où les forces de la coalition internationale sont plutôt hostiles au régime de Bachar Al-Assad. Ceci, sans compter l’antagonisme qui règne entre les forces potentielles qui pourraient prendre part à cette offensive. Ainsi, les Américains doivent convaincre la Turquie de la viabilité d’une participation des Kurdes syriens à l’attaque sur Raqqa. Ankara considère les milices kurdes YPG comme des « terroristes » proches du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), l’organisation séparatiste kurde en guerre contre le gouvernement turc depuis 1984.
Or, les Kurdes constituent un élément essentiel de la stratégie américaine en Iraq et en Syrie. Ce sont eux qui avaient lancé la reconquête sur les djihadistes de Kobané en janvier 2015, et ont ensuite poursuivi cette reconquête le long de la frontière turque. Et ce sont aussi les Kurdes, qui ont repris en août, avec des alliés arabes intégrés dans une coalition baptisée « Forces démocratiques syriennes », le carrefour stratégique de Minbej, ex-plaque tournante des djihadistes étrangers qui venaient combattre en Syrie. La participation des Kurdes à une éventuelle offensive sur Raqqa permettrait à ces derniers de consolider leur présence dans la région. Un scénario qu’Ankara n’est pas prêt à accepter. Les Turcs sont intervenus récemment au nord de la Syrie pour empêcher la formation d’un front kurde dans cette région.
Par ailleurs, une prise de Raqqa par des forces kurdes risque de créer des tensions avec la population sunnite de la ville. D’où les déclarations cette semaine d’un responsable militaire américain affirmant que « Raqqa doit être prise par des forces arabes ». La solution serait de laisser les Kurdes syriens participer à la première phase de l’offensive en s’avançant près de la ville pour resserrer l’étau sur les djihadistes sans toutefois participer à l’assaut final, qui serait alors laissé à des forces arabes, acceptables pour la Turquie. Les Américains planchent en ce moment sur la formation de quelques milliers de combattants arabes en prévision de l’offensive sur Raqqa. Il reste à connaître l’attitude de la Russie face à une éventuelle offensive soutenue par Washington sur Raqqa. Il est probable que Moscou en profite pour se concentrer sur Alep où sont toujours retranchées une multitude de factions islamistes hostiles au régime de Damas .
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