Débats > Opinion >

L'Egypte et l'Unesco

Thursday 28 juil. 2016

Il n’y a de meilleure preuve que l’Egypte de l’après-révolution a changé que la façon par laquelle le gouvernement a annoncé le nom du candidat de l’Egypte pour le poste du directeur général de l’Unesco. En effet, avant l’annonce officielle du nom du candidat, le premier ministre, Chérif Ismaïl, a adressé une invitation à un nombre de symboles de la société égyptienne représentant les différents domaines de la vie et des personnalités concernées par cette question.

Dans la cour du splendide Musée égyptien et en plein milieu de la place Tahrir, siége des deux révolutions du 25 janvier et du 30 juin qui ont impressionné le monde entier, se sont réunis des dizaines d’intellectuels, écrivains, artistes, journalistes, hommes de médias, ambassadeurs, députés, ministres et responsables, dans une tradition sans précédent, pour participer à l’annonce du nom du candidat pour le poste de directeur général de l’Unesco. En plein milieu de ce rassemblement, une discussion s’est déroulée autour de l’Unesco et du rôle culturel de l’Egypte sur la scène internationale. Ont participé à la discussion Dr Moustapha Al-Feqi, Dr Abdel-Moneim Saïd, Dr Hicham Al-Chérif et moi-même. Et de riches interventions ont été menées par les ministres de l’Enseignement supérieur, de la Culture et des Antiquités. Puis, le premier ministre a annoncé le nom de l’ambassadrice Mouchira Khattab comme candidate égyptienne pour la direction de l’Unesco. Le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri, a alors présenté un rapport exposant les efforts déployés par le ministère à ce propos. Et ensuite, la candidate elle-même a présenté un communiqué comprenant son CV et sa vision pour le travail à la tête de l’Unesco.

J’avais personnellement été proche de la campagne de candidature de l’ex-candidat égyptien à ce même poste, qui était l’artiste et ministre de la Culture, Farouk Hosni, et j’ai eu l’honneur d’être son conseiller pour cette campagne. Les instances politiques avaient pris la décision de le choisir à ce poste en raison de son poids culturel unique et pour la position historique et civilisationnelle de l’Egypte. Les résultats que le candidat Farouk Hosni a obtenus prouvent que le choix de la direction politique était juste. Effectivement, il avait réussi à obtenir le plus grand nombre de voix lors des 4 premiers tours, jusqu’à l’intervention flagrante des Etats-Unis qui, poussés par Israël, avaient sonné les cors du sionisme mondial. Cette campagne avait été dirigée par Bernard Henri-Lévy et Elie Wiesel, qui ont dirigé une campagne enragée contre le candidat égyptien dans les médias français. Et c’est ainsi que les résultats du 5e tour ont été choquants, annonçant la victoire de la candidate bulgare Irina Bokova, avec une différence d’à peine quelques voix.

Cette bonne décision avait été prise par le gouvernement selon ses propres calculs, et il est évident que l’implication populaire n’y a eu aucun rôle. Une telle implication ne comptait pas à cette époque : de telles décisions étaient prises individuellement par l’autorité politique.

Et la deuxième fois où l’Egypte a décidé de présenter un candidat pour ce même poste, en la personne de l’intellectuel de renom Dr Ismaïl Séragueddine, les calculs de l’autorité politique avaient abouti à décider de ne pas le soutenir et de soutenir à sa place le candidat de l’Arabie saoudite, le défunt poète Ghazi Al-Gosaibi qui, en fin de compte, n’a pas remporté le poste.

Mais cette fois, la déclaration de la candidature a été précédée par des délibérations du ministère des Affaires étrangères depuis la fin de l’année passée. En effet, le ministre a formé une équipe de travail pour ce dossier et a effectué lui-même un sondage pour connaître l’avis des intellectuels et des concernés par l’affaire. Et j’ai eu l’honneur de participer aux discussions qui se sont déroulées entre un nombre de personnalités publiques.

De plus, le ministère des Affaires étrangères a déployé d’intenses efforts pour détecter l’avis des Etats membres du conseil de l’Unesco, chargé d’élire le nouveau directeur, et qui sont au nombre de 58 Etats. Le ministre était également très actif au niveau régional sur le continent africain et a réussi à obtenir l’appui du dernier sommet africain à Kigali. Et c’est ainsi que la candidate égyptienne est devenue candidate des Etats africains.

Pour ce qui est de l’ambassadrice Mouchira Khattab, il est évident qu’elle constitue un bon choix, car elle représente un type rare de diplomates dont l’activité dépasse les limites de la diplomatie pour s’engager sur une scène plus vaste qui est celle de l’action sociale de façon générale. Pendant toute sa carrière, elle a été préoccupée par les causes publiques en particulier, ce qui concerne l’enseignement, la femme et l’environnement et non pas seulement la culture. La vérité est que la responsabilité de l’Unesco ne se limite pas à la culture, mais elle concerne aussi l’éducation, l’enseignement, l’environnement et les sciences. Et il n’est pas obligatoire que le directeur de l’Unesco fasse partie du monde de la littérature et des arts. Effectivement, parmi les 10 directeurs de l’Unesco depuis sa fondation en 1945, il n’y a eu aucun écrivain, artiste ou musicien.

L’ambassadrice Mouchira Khattab a beaucoup de connaissances et de préoccupations. En plus d’importants contacts dans des organisations internationales par l’intermédiaire de son travail en tant que secrétaire générale du Conseil national pour l’enfance et la femme. Mouchira Khattab avait dirigé une campagne féroce contre le mariage précoce des jeunes filles grâce à laquelle la loi du statut personnel avait été modifiée et l’âge minimum du mariage des jeunes filles a été maintenant fixé à 18 ans en Egypte. Son travail dans la diplomatie lui a permis de s’ouvrir sur le monde entier et d’être en contact avec des personnalités internationales éminentes, avec en tête Nelson Mandela, quand elle était ambassadrice d’Egypte en Afrique du Sud, et le célèbre dramaturge Vaclav Havel, président de la Tchéquie pendant son mandat diplomatique dans ce pays.

Je pense être l’une des rares personnes à connaître ce que Mouchira Khattab ne dit jamais, c’est-à-dire qu’elle aurait préféré refuser un poste de ministre, alors que Ban Ki-moon lui proposait un haut poste pour les affaires de la femme. Mais les instances politiques avaient estimé que l’Egypte avait plus besoin d’elle.

Ce n’est pas par hasard que les festivités culturelles publiques se sont déroulées sur la place Tahrir, où se sont rassemblées les foules égyptiennes le 25 janvier 2011 et le 30 juin 2013, pour réclamer une meilleure place pour l’Egypte alors qu’elle a connu un recul considérable pendant des années au niveau arabe, africain et régional. La candidature de Mouchira Khattab au poste de directeur général de l’Unesco est d’une certaine façon une réponse à cette réclamation.

Mots clés:
Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique