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Les garanties du dialogue national

Monday 4 févr. 2013

Le communiqué émis par la première réunion du Conseil de défense national tenue dans l’après-midi du 26 janvier 2013 est défectueux. Il n’a conçu les derniers événements que d’un aspect purement sécuritaire. C’est peut-être une chose naturelle du fait que le Conseil est majoritairement composé de militaires et de dirigeants de services sécuritaires. Ceci nous incite donc à appeler de nouveau à la formation d’un Conseil de sécurité national non pas selon la formule fragile citée dans le texte de la nouvelle Constitution qui le rend une copie conforme du Conseil de défense national, mais selon une formule qui en fait une institution nationale responsable de la formulation de la haute stratégie nationale et de la planification de la sécurité nationale, selon sa notion globale défensive, politique, économique et sociale. Ce conseil devra

regrouper les présidents des 3 pouvoirs suprêmes du pays, les grands responsables de l’Etat comme les ministres, les penseurs, les experts stratégiques et les économistes. Cela afin qu’il soit capable d’effectuer la mission colossale qui lui est assignée et de gérer avec compétence les crises que traverse le pays loin des divisions, des partis pris et de la politique d’écartement de l’autre qui régissent les comportements du régime actuel. Les derniers incidents ont prouvé que l’absence totale de ces institutions et l’absence des mentalités nationales capables de présenter des idées créatives autour du cercle de prise de décision et du cercle de la gestion des crises sont l’une des principales raisons de l’impuissance politique actuelle. La création d’un Conseil de sécurité national était l’une des principales propositions du comité technique consultatif de la rédaction de la Constitution, mais il a été totalement ignoré. Cependant, la proposition de la création d’une administration ou d’un comité national de gestion

des crises était l’un des plus importants principes convenus par le document de Fairmont entre les forces nationales et révolutionnaires qui ont participé au dialogue tenu les 21 et 22 juin 2012 avec le candidat présidentiel Mohamad Morsi. Cependant, tous ces principes ont été ignorés deux jours seulement après l’annonce de ce document dans une conférence de presse à laquelle a participé le Dr Mohamad Morsi avec ses partenaires au dialogue.

Ce document comprenait des principes importants dont le plus important était le respect du principe de partenariat national en tant que principe du pouvoir ainsi que le respect du principe de l’Etat civil et non pas l’Etat religieux ou militaire, ainsi que la correction du déséquilibre dans la composition de l’assemblée constituante. Si ces principes avaient été respectés, le cours des événements aurait pris un tournant beaucoup moins catastrophique que celui que nous vivons ces jours-ci. Aucun comité de gestion de crises n’a été formé.

Le président Morsi n’a pas respecté ses engagements figurant dans le document de Fairmont. Depuis l’annonce de sa victoire à la présidentielle a commencé une nouvelle ère de monopole du pouvoir et de dominance, et non pas de partenariat dans la gestion des affaires du pays. Le principe de l’écartement des autres est devenu la règle, et l’appartenance partisane a remplacé la compétence. L’échec était donc un résultat impératif. Pour sortir du dilemme actuel, il ne suffit pas d’une simple invitation à l’organisation d’un dialogue national élargi regroupant toutes les forces politiques et supervisé par des personnalités impartiales.

L’expérience des dialogues nationaux précédents, à partir des dialogues du Dr Ali Al-Selmi jusqu’aux dialogues du conseiller du président, Mahmoud Mekki, étaient toutes des expériences nulles. Il s’agissait de dialogues éloquents sans agenda national ni caractère obligeant. Le refus des dirigeants des Frères musulmans de respecter ce à quoi sont parvenus les dialogues de Mekki confirme cette notion. Des dialogues sans garanties demeureront des dialogues vides et impuissants. Ils ne feront qu’élargir le manque de confiance entre ceux qui gouvernent l’Egypte et toutes les autres forces nationales.

La déclaration de Morsi de son respect aux engagements du document de Fairmont, notamment les principes du partenariat national et de l’Etat civil, est à même de fonder les véritables garanties du dialogue national tant aspiré. Surtout que le principe du partenariat national avec le partage du pouvoir qu’il implique représente la véritable compréhension de la démocratie dans les étapes de transfert révolutionnaire et non pas seulement le respect du résultat des urnes comme le pense le courant islamique. C’est ainsi qu’un penseur islamique éminent a écrit un article intitulé « Une unique issue au changement », soient les urnes. Cette seule issue n’est pas valable dans les années qui suivent les révolutions, car les visions et stratégies nationales ne sont pas encore ancrées, et l’équilibre entre les forces politiques est absent. L’issue des urnes est valable dans les pays démocratiques, où les règles du pouvoir sont installées et où le transfert du pouvoir entre les partis est l’un des piliers de la stabilité et non du chaos. Le retour au principe du partenariat national avec le partage du pouvoir qu’il implique représente le premier pas d’une longue série de garanties nécessaires pour conférer du sérieux au dialogue national requis.

Il sera ensuite indispensable de lui déterminer un agenda précis ainsi qu’un délai déterminé, en plus du caractère obligeant nécessaire. De nombreuses autres garanties sont nécessaires. Déclarer préalablement la nécessité de reformer la Constitution actuelle en tant que premier pas d’un projet de rédaction d’une nouvelle Constitution jouissant du respect et de l’estime du peuple. Former un gouvernement national de salut qui supervise les prochaines élections parlementaires. Assurer l’intégrité de ces élections à travers la supervision judiciaire totale, selon le principe d’un juge pour chaque urne. Organiser les élections sur 2 heures consécutives à condition que le nombre d’électeurs ne dépasse pas 800 électeurs dans chaque urne. Effectuer le décompte et annoncer les résultats dans les bureaux de vote en présence des représentants des candidats. Rediviser les circonscriptions de sorte à réaliser l’égalité entre tous les gouvernorats. Interdire la propagande électorale au sein des mosquées. Telles sont les garanties nécessaires pour prouver le sérieux de tout dialogue national.

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