Deux ans après la révolution de janvier 2011, il est devenu grand temps que nous revoyions notre conception en ce qui a trait à l’avenir de l’Egypte, alors que le pays affronte d’énormes défis.
Pendant deux ans, personne n’a réussi à établir un plan pour construire un avenir meilleur en Egypte. Nous continuons à tourner dans le même cercle vicieux sans travail, sans production, sans objectif et sans plan. Nous devons reconnaître que nous souffrons d’un énorme manque de compétence à cause d’un régime injuste qui a anéanti tous les talents et toutes les capacités. Nous nous trouvons face à un système ne possédant aucune vision, aucune pensée, aucun plan. Nous nous trouvons face à une société qui a perdu une grande partie de ses symboles, devant une terre qui a perdu une grande partie de sa fertilité à cause des longues années de sécheresse. Nous sommes tous conscients de l’ampleur de la catastrophe, nous connaissons les raisons des problèmes, mais nous restons immobiles sans présenter de solution ou d’opinion. C’est comme si nous nous trouvions face à un malade dont l’état s’aggrave de jour en jour et qui est délaissé par les médecins. Ces derniers se disputent pour savoir qui va toucher la plus grande part des honoraires, bien que le malade ne possède rien d’autre que les prières des personnes assises autour de lui.
Je pense qu’il est possible de remédier à la crise que nous affrontons à travers trois axes fondamentaux qui ouvriront la voie à une certaine stabilité, ce qui permettra aux institutions de l’Etat de travailler et de produire pour que la vie avance dans ce pays.
Le premier axe consiste à rétablir l’autorité de l’Etat. En effet, il ne serait pas exagéré de dire que l’Etat est totalement absent de la scène publique. Au cours de son histoire, l’Egypte a connu tous les systèmes de gouvernance, mais elle a été surtout un Etat très centralisé. Est-il acceptable que des personnes fassent grève sans que l’on sache la durée de cette grève ou ses raisons ? Le chaos qui sévit dans la rue a eu un impact sur le secteur du tourisme. Le travail s’est totalement arrêté dans de nombreuses entreprises. Des milliers d’usines ont fermé leurs portes. Tout cela se produit alors que l’Etat est incapable d’imposer son autorité au citoyen qui se trouve impuissant face à la détérioration des conditions de vie. L’Etat est totalement absent face à l’insécurité et face à la hausse démesurée des prix. L’Etat est incapable de protéger les citoyens contre les agressions des personnes se réclamant de l’islam politique comme ce fut le cas à Alexandrie. Il n’est pas en mesure de protéger les institutions de l’Etat. A présent, le seul moyen de rétablir la stabilité est que l’Etat assume son rôle dans la protection des citoyens.
Le deuxième axe pour rétablir la stabilité est que l’élite égyptienne prend conscience de sa responsabilité pour assurer l’avenir de ce pays. Cette élite assume la responsabilité du conflit politique qui se déroule dans la rue depuis le déclenchement de la révolution. Elle est divisée sur elle-même et elle divise le peuple. C’est elle qui a perdu son temps dans des batailles médiatiques ayant fini par déformer son image. C’est elle qui a divisé les Egyptiens en forces religieuses et forces laïques. Il est indispensable aujourd’hui que l’élite, avec ses courants religieux et laïques, réalise que l’incendie déclenché par certains nous brûlera tous. Le rôle de l’élite est de rectifier la voie. C’est là le point de départ pour rétablir la stabilité.
Le troisième axe pour remédier à la crise actuelle se rapporte aux hommes de religion qui ont toujours représenté la foi inébranlable et qui ont toujours donné l’exemple à suivre. Après la révolution de janvier, plusieurs courants religieux sont apparus pour la première fois, avec en tête les groupes religieux salafistes. En effet, les salafistes ont été la plus grande surprise de la révolution. Nous connaissions les Frères musulmans qui existent depuis longtemps. Ce phénomène du salafisme doit être éclairé surtout qu’il est à l’écart de beaucoup de constantes de la société égyptienne, de l’habit jusqu’aux idées. Les salafistes ne représentent pas un seul clan mais plusieurs. Il leur incombe aujourd’hui d’exposer leurs idées et leurs principes. Tout ce que nous savions des salafistes est qu’ils sont un courant religieux. Mais après la révolution de janvier, ils se sont transformés en partis politiques et ont entamé leur parcours politique en formant des coalitions avec d’autres forces islamiques comme les Frères musulmans. La rue égyptienne a le droit de connaître les objectifs du courant salafiste et surtout comment il réagira face aux autres courants politiques.
Cependant, nous pouvons espérer un jour séparer la politique de la religion et mettre la religion à l’écart des conflits politiques.
Si l’autorité de l’Etat est perdue, si l’élite se dérobe à ses responsabilités, il ne restera plus que les hommes de religion pour préserver la cohérence de ce peuple, car ils représentent l’exemple et le modèle à suivre. Mais lorsqu’ils perdent eux aussi leur prestige et lorsque leur image est déformée à cause des batailles médiatiques dans lesquelles ils se sont engagés, voilà la véritable crise.
Entamons donc la voie de la construction et de l’avenir.
Lien court: