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Le professeur de français à l’honneur

Marianne William, Mardi, 10 décembre 2019

Dans le cadre de la première édition de la Journée internationale du professeur de français, célébrée le 28 novembre partout dans le monde, plusieurs manifestations ont été tenues à l’Institut Français d'Egypte (IFE). Des tables rondes, des témoignages constructifs et des concours étaient au rendez-vous.

Le professeur de français à l’honneur
Les représentants des établissements scolaires ont partagé de riches témoignages. (Photo : Khaled Hussein)

Dans les locaux de l’Institut Français d’Archéologie Orientale (IFAO), installé au palais de la princesse Mounira depuis 1907, une soirée conviviale de réflexion et d’échanges a été organisée, le 1er décembre, à l’occasion de la première édition de la Journée internationale du professeur de français. Chefs d’établissements, coordinateurs de français, professeurs, mais aussi élèves ont débuté leur soirée par des discussions amicales avec une musique d’ambiance à la française, en parfait accord avec le bâtiment historique du palais de l’IFAO. « Un bâtiment qui témoigne de la qualité et de l’ancienneté des relations entre l’Egypte et la France, où la langue française et l’éducation jouent un rôle fondamental. Ce rôle est au coeur du plan pour l’enseignement de la langue française que le président français, Emmanuel Macron, a lancé, qui vise à développer partout dans le monde la place de la langue française », dit M. Jamel Oubechou, conseiller de coopération et d’action culturelle et directeur de l’Institut Français d’Egypte (IFE), dans son discours d’ouverture, tout en soulignant le rôle clé de l’enseignant, et le fait que celui-ci est au coeur de l’initiative du président Macron. Il a de même salué la contribution du réseau des écoles confessionnelles à programme bilingue au rayonnement de la langue, de l’éducation et des valeurs françaises.

« Il s’agit de valoriser le métier que vous exercez au quotidien », dit Mme Christine Gourjux, attachée de coopération pour le français à l’IFE, en exprimant son estime à « ce réseau d’excellence dynamique, dont le nombre d’élèves scolarisés à la rentrée scolaire 2019 est de 29 052, au Caire et à Alexandrie ». Et d’ajouter que le plan du président français comporte 33 mesures pour « Apprendre », « Communiquer » et « Créer » en français, dans lesquelles s’inscrit la Journée du professeur de français. Et d’ailleurs, des invités représentant leurs établissements prestigieux ont partagé des témoignages riches mettant en valeur ce métier, ses exigences, ses qualités et ses défis.

« Une bonne maîtrise de la langue française » figure en tête de liste des savoir-faire d’un bon professeur de français, selon Frère Georges Absi, directeur du Collège De La Salle. S’ajoutent à cela la capacité de préparer et de planifier logiquement et clairement ses cours, tout en tenant compte des prérequis des élèves, et celle de gérer la classe sans que ceux-ci tombent dans la routine. « Un professeur de français doit avoir la soif d’apprendre et de s’améliorer », estime Frère Georges Absi, en soulignant ainsi l’importance de la formation. Liliane Ghazarian, directrice de l’école Sainte-Anne à Sakakini a, quant à elle, assuré que « l’objectif d’apprendre le français, c’est de savoir communiquer ». Aussi son établissement accorde-t-il une grande importance à l’acquisition des compétences définies par le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL) : compréhension orale, compréhension écrite, production orale et production écrite.

Quant à Manal Fakhry, professeure au Collège du Sacré-Coeur Héliopolis, elle a mis en évidence les difficultés vécues, dont la surcharge de travail et les heures non rémunérées, ainsi que le fait de le juger responsable d’échec des élèves, tout en bafouant son autorité. En citant un cas vécu, Sally Fahmi, de l’école Notre Dame de la Délivrande à Héliopolis, a montré que les modalités d’enseignement et d’évaluation devraient être mises en question, afin de construire l’autonomie et de développer la créativité des élèves. Dans le même but, Nelly Sami, professeure au Collège de la Mère De Dieu, a souligné l’importance des jeux ludiques dans l’apprentissage de la langue française, surtout en maternelle et au CP.

Les enjeux de la formation professionnelle

Etait également au rendez-vous une réflexion riche articulée autour des enjeux relatifs à la formation professionnelle des professeurs de français. Dans ce contexte, une table ronde a été organisée et animée par Mme Gourjux, cheffe d’orchestre de la soirée, avec la participation des experts de ce métier. Elle a introduit le débat par la conclusion d’un rapport auprès du Conseil de l’Europe rappelant que la formation permanente s’impose de plus en plus et qu’elle est devenue indispensable. Et d’ajouter : « Ces mots résonnent en Egypte aussi ». A cet égard, Dr Chérine Darwich, professeure adjointe au département des curricula et de la didactique à la faculté de pédagogie de l’Université du Caire et formatrice à Institut Universitaire de Formation des Professeurs (IUFP) à l’IFE, a présenté un panorama de formations qu’offrent les universités égyptiennes, comme dans les facultés des langues et de pédagogie, ainsi que les formations diversifiées et adaptées aux besoins des apprenants, que l’on trouve à l’IUFP.

Par exemple, la formation initiale (un an) vise l’apprenant souhaitant intégrer le monde de l’éducation, il est accueilli dans la classe d’un tuteur parallèlement aux cours de didactique, de pédagogie, de numérique et d’autres, qu’il suit à l’IFE. De plus, la formation continue (2 ans) pour les enseignants en poste dans un établissement scolaire. Les deux formations délivrent un certificat signé par l’IFE, l’Université de Aïn-Chams et le ministère égyptien de l’Education et de l’Enseignement technique. Enfin, la formation des formateurs (2 ans), qui vise les enseignants de français prenant en charge des responsabilités dans leur établissement, tels les coordinateurs de français. Celle-ci délivre une attestation de formation signée par l’IFE et l’Inspé de Paris-Sorbonne.

Le Caire, et le reste de l’Egypte aussi

Jeannette Ishak, professeure de français, responsable du pré-bac au Collège des Frères de Bab Al-Louq et coordinatrice au Secrétariat général des écoles catholiques, a souligné le rôle du Secrétariat général des écoles catholiques dans la préparation d’environ 60 enseignants des écoles confessionnelles pour l’examen du DELF B1, B2 et DALF C1, chaque année. Il organise également des séjours en France dans le cadre d’une formation des enseignants dans une école française. De plus, le secrétariat aide les enseignants à obtenir un master de maîtrise professionnelle de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, dont elle est titulaire. « Le Caire est le lieu de formation qui se dégage », dit Mme Gourjux, mettant la lumière sur l’enjeu de la centralisation des formations au Caire et posant ainsi l’enjeu de l’équité territoriale, dans le cadre de l’accès à la formation des professeurs en Egypte. Selon les participants, une formation à distance peut être une solution efficace, notamment car « les modalités de la formation à distance ont beaucoup évolué », selon Jeannette Ishak.

Bien que pratique, il n’en demeure pas moins que, dans la formation à distance, « le professeur se trouve tout seul en face de ses devoirs. Les coordinateurs et les collègues ne sont pas toujours disponibles pour l’aider », réplique Lucia Salguero, professeure documentaliste au Collège du Sacré-Coeur Ghamra. Or, Myriam Latif, professeure et formatrice au Collège de Saint-Vincent de Paul Al-Hélmiya, a proposé d’organiser dans tous les gouvernorats de l’Egypte, notamment à Alexandrie, des formations en parallèle avec celles du Caire, tout en profitant des formateurs des deux gouvernorats ayant reçu la formation des formateurs lancée par l’IFE depuis presque 20 ans.

Le rôle des établissements

Mais quel rôle jouent les établissements en tant qu’organisations apprenantes pour améliorer l’accès aux formations ? Selon Marie Moufid, formatrice et coordinatrice de français au Collège De La Salle et au Collège de Saint-Joseph à Khoronfich, l’établissement joue un rôle clé dans la formation des enseignants ; les coordinateurs de français sont censés profiter des professeurs formés en encouragent les autres enseignants à s’y lancer. De même, l’échange entre les enseignants est considéré comme une formation sur le terrain. L’expérience de Bechoy Makram, professeur au Collège des Frères de Bab Al-Louq, en est la preuve. « J’étais soutenu par tous les membres de l’établissement scolaire : chef, coordinateurs et professeurs. Ils m’ont encouragé à suivre la formation initiale à l’IFE, en parallèle avec les observations de classes », dit-il. Un cas réel prouvant donc que l’établissement scolaire est un lieu favorisant l’apprentissage.

Cette soirée conviviale a été couronnée par les discours de reconnaissance des deux élèves en troisième secondaire qui ont ému les auditeurs et ont été suivis d’un tonnerre d’applaudissements. Il s’agit d’Achrakat Dewedar, du Collège Saint-Vincent de Paul Abbassiya, et de Soleiman Ahmad, du Collège De La Salle, qui, en français parfait, ont témoigné de la qualité de l’enseignement qu’ils ont eu grâce à leurs professeurs mis à l’honneur lors de cette journée.

Deux concours destinés aux enseignants

A l’occasion de la Journée du professeur de français, deux concours ont été organisés par l’IFE, s’adressant au réseau bilingue confessionnel. 28 établissements, avec un total de 350 professeurs, ont été concernés. Le premier, « Portraits pluriels des professeurs de français » est une activité sélective lancée à cette occasion, qui consiste à réaliser une vidéo pour relater une journée type du professeur de français. « Nous remercions les établissements fidèles à nos concours, les vidéos font toutes preuve de créativité », a déclaré Bossaina Rochdi, conseillère pédagogique à l’IFE, se félicitant du nombre conséquent de vidéos qui ont été reçues et de leur qualité. Plusieurs lauréats du Caire et d’Alexandrie ont été retenus. Les lauréats d’Alexandrie sont : Mona Samy, de l’école Girard, Martha Sabry, de l’Institution Sainte Jeanne-Antide, Youstina Sobhy, du Collège Notre Dame de Sion, Kyrollos Ezzat, du Collège de la Mère De Dieu, et Chérine Fayez, de l’école Girard. Ceux du Caire sont : Marina Saad, de l’école Saint-Vincent de Paul Abbassiya, Joséphine Hanna, de l’école des Carmélites Choubra, Iriny Saïd, de l’école Sainte-Anne Sakakini, Maurine Magdi, du Collège du Sacré-Coeur Ghamra, Bechoy Makram, du Collège des Frères de Bab Al-Louq, et Jeannette Ishak, du Collège des Frères de Bab Al-Louq.

Le deuxième concours, « Fiches pédagogiques innovantes », a consisté à élaborer une fiche pédagogique en se basant sur un document-support trouvé sur IFprofs et en y incluant 3 activités numériques. IFprofs est un projet de l’Institut français de Paris, un site dédié aux professeurs de français. C’est une plateforme de mutualisation de ressources pédagogiques méthodologiques brutes, qui met en lien les membres. « Quand j’ai conçu ce concours c’était dans l’optique de mettre en valeur IFprofs. Je suis satisfaite de la variété des méthodes d’élaboration des fiches et de leur originalité », a dit Carmen Maroun, conseillère pédagogique à l’IFE. Les lauréates d’Alexandrie sont : Randa Béchir, de l’école Girard, Amany Al-Sayed, du Collège Saint-Marc, Salwa Youssef, de l’école Girard, et Mirna Magdi, du Collège de la Mère De Dieu. Et celles du Caire : Manal Fakhry, du Collège du Sacré-Coeur Héliopolis, Névine Makram, de l'école Saint-Vincent de Paul Abbassiya, Sylvia Sedfawy, du Collège du Sacré-Coeur Ghamra, et Samar Sami, de l’école Notre Dame des Apôtres Zeitoun. Les lauréats ont été annoncés lors de cette soirée sous un applaudissement enthousiaste.

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