« Développer les compétences transversales vers le chemin de la réussite », tel est le titre du séminaire bilingue organisé par l’Institut Français d’Egypte (IFE) qui a eu lieu les 10 et 11 mars au Collège du Sacré-Coeur Ghamra. Les compétences transversales sont l’ensemble des capacités sociales, cognitives et créatives qui s’enseignent, s’apprennent et se développent tout au long de la vie. Un séminaire qui se tient à un moment crucial, selon soeur Geneviève de Thelin, chef d’établissement du Collège Sacré-Coeur Ghamra, celui où le ministère de l’Education vient de lancer une réforme en profondeur. « Nos établissements doivent faire face aux nouveaux défis pour continuer à former des jeunes tournés vers l’avenir, ouverts sur les besoins de leur pays et du monde dans le respect de l’esprit et l’orientation nouvelle voulue par le gouvernement ».
En fait, les écoles bilingues francophones d’Egypte constituent le 1er réseau dans le monde, dans un pays non francophone, avec 50 établissements et environ 40 000 élèves, comme l’a évoqué Mme Sophie Pommier, conseillère de coopération et d’action culturelle adjointe et directrice adjointe de l’IFE, rappelant que l’enseignement bilingue et la formation des enseignants restent une priorité pour l’IFE et que toutes ces activités s’inscrivent dans le contexte de l’année culturelle France-Egypte 2019.
« De plus, le renforcement de la coopération dans le domaine de l’éducation entre la France et l’Egypte est au coeur de nos préoccupations, et le thème de ce séminaire bilingue, Développer les compétences transversales vers le chemin de la réussite, illustre cette coopération », a-t-elle dit, tout en ajoutant que les compétences transversales contribueront certainement à offrir aux nouvelles générations une éducation qui permettra de se développer pleinement, afin de répondre aux besoins du marché.
C’est ce qu’a également affirmé Mme Claudia Calvo, attachée de coopération pour le français, précisant que l’un des axes majeurs de la réforme vise à améliorer l’acquisition des compétences de vie chez les élèves. Le choix de ce thème, a-t-elle souligné, était également motivé par la volonté de poursuivre la réflexion autour de l’interdisciplinarité dans les écoles bilingues, et de continuer à mettre l’accent sur le décloisonnement entre les disciplines et les compétences transversales intervenant dans toutes les disciplines. Pour sa part, Mme Fatma Al-Zahraa Ezzeddine, directrice générale du français au ministère de l’Education et de l’Enseignement technique, a souligné que le choix du thème du séminaire vient pour répondre parfaitement aux besoins.
Philosophie et enfance peuvent aller de pair
Dans ce contexte, développer l’esprit critique, l’argumentation, le débat et le respect de la parole de l’Autre figurent parmi les objectifs fondamentaux de l’enseignement ; et la pratique de la philosophie avec les enfants est l’un des outils contribuant à les atteindre. Mais n’y a-t-il pas de paradoxe entre le monde de la philosophie et le monde de l’enfance ? Selon Edwige Chirouter, maître de conférences en philosophie à l’Université de Nantes, ESPE Le Mans et titulaire de la chaire Unesco, il n’y a pas d’âge pour se poser des questions philosophiques et apprendre à penser. « Il y a quelque chose qui est profondément philosophique chez les enfants, ils ont la capacité d’étonnement devant le monde, et l’on retrouve dans les questions des enfants ce qui est à l’origine de toute pensée philosophique », assure-t-elle.
« Si l’on demande aux enfants d’argumenter ou de problématiser, il faut leur donner un outil culturel. Et c’est grâce à la littérature de jeunesse que l’enfant pourrait réfléchir autour des questions existentielles comme la mort, l’injustice, la violence, l’amour et le bonheur », relate Chirouter, en expliquant que la littérature de jeunesse ne se limite pas au simple divertissement, mais elle reconnaît l’enfant comme un sujet digne de parole, de respect et de pensée, et lui permet de mieux comprendre le réel.
Etre à l’écoute de l’enfant et croire en ses capacités forment donc, dès le plus jeune âge, un adulte ayant un regard lucide et réflexif sur le monde. Selon Valérie Laurent, professeure formatrice à l'Alliance Française, « on retient mieux quand on est acteur, un élève passif et contraint ne peut jamais apprendre, plus il est motivé, plus il peut avoir de mémorisation et acquérir de nouvelles compétences ». Ainsi, une éducation positive devrait faire sa place au sein du processus éducatif ; où l’enseignant accompagne l’élève, afin de devenir un citoyen éclairé, acteur de demain.
Le bilinguisme, un atout de taille
En fait, l’épanouissement, la créativité ainsi que la capacité d’analyser les éléments-clés de raisonnement, de traitement plus rapide de l’information et de problèmes, sont également quelques bienfaits du bilinguisme pendant la petite enfance sur le développement cognitif, c’est ce qu’a expliqué Mme Maha Hélal, conseillère pédagogique à l’IFE d’Alexandrie. D’après elle, parler deux langues améliore considérablement le fonctionnement du cerveau. « L’enseignement d’une langue étrangère doit avoir pour but de former un citoyen du monde capable de s’intégrer aisément dans une société multiculturelle et multilingue », relate Hélal. Ainsi, elle a insisté sur la nécessité que l’enseignant sorte de sa zone de confort, là où il continue à enseigner le Français Langue Etrangère (FLE) par des méthodes traditionnelles, se limitant à l’acquisition de compétences grammaticales ou pragmatiques, et qu’il s’intéresse plutôt à la stratégie et non à la méthodologie, et ce, pour contribuer à la construction de la « personnalité interculturelle ».
En fait, la compétence plurilingue est devenue centrale depuis quelques années dans le domaine de la didactique des langues. « C’est une compétence qui permet au locuteur de comprendre et de produire des énoncés dans n’importe quelle langue, quel que soit le degré de maîtrise de ces langues », explique Stéphanie Galligani, maître de conférences, département sciences du langage et FLE, section didactique du FLE, Université Grenoble Alpes, LIDILEM.
En parlant des compétences transversales ou les soft skills, y inclus le savoir-faire et le savoir-être, Céline Giron, maître de conférences, psychologie, chargée de mission pour la formation des psychologues de l’éducation nationale, ESPE de l’Académie de Paris-Sorbonne Université, s’est penchée en particulier sur les savoirs comportementaux et les compétences sociales. Selon elle, les compétences sociales sont cette « capacité à comprendre les attentes sociales et à adapter ses comportements en fonction du contexte ».
Cette définition émane, en fait, de plusieurs inventaires proposés pour identifier les compétences sociales, dont l’aptitude à interagir avec les autres et à former de nouvelles relations sociales, aptitude à exercer une influence dans un groupe, l’habileté à exprimer les sentiments positifs, l’estime de soi et l’empathie. Entre ses comportements vis-à-vis des autres et ceux vis-à-vis de soi, ce qui est attendu de l’élève tourne toujours autour des compétences sociales ; on s’attend à ce qu’il respecte les règles de vie en communauté, à être autonome, mais aussi à savoir travailler en équipe, à savoir créer une idée et également savoir l’expliquer, entre autres.
De même pour les enseignants, les qualités les plus importantes sont la bienveillance, l’empathie, le maintien du respect mutuel et le soutien réciproque quant aux relations avec les élèves, mais aussi avec les autres enseignants. « D’après le socle commun, les compétences sociales ne sont-elles donc pas au coeur de l’expérience scolaire des élèves et de l’exercice professionnel des enseignants ? », s’interroge Giron, tout en affirmant qu’élèves et enseignants devront fortement s’engager à développer et à exercer leurs compétences sociales au sein de l’école.
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