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Omneya Shaker : « Aujourd’hui, plus que jamais, le français est une richesse »

Abir Taleb, Lundi, 18 mars 2013

Omneya Shaker, responsable du campus numérique de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), et directrice du département de formation à distance de l’Université Senghor, parle de la nouvelle donne de la francophonie en Egypte.

Entretien
Omneya Shaker

Al-Ahram Hebdo : A l’heure de la mondialisation et de la domination de l’anglais, où en est la francophonie en Egypte ?

Omneya Shaker : La francophonie tient une place importante en Egypte. Elle a été avant tout un choix culturel. Une grande tranche de la population francophone en Egypte est représentée par les femmes. Pour les Egyptiennes, c’est surtout un moyen d’expression, un autre regard sur le monde et une occasion pour leur permettre de s’affirmer. Dans notre pays, les femmes luttent pour jouer un rôle plus efficace dans la prise de décision et pour le développement de leur pays qui les classe toujours comme des citoyens de second degré. La francophonie leur permet donc de s’exprimer, de retrouver leur équilibre et d’être présentes. La francophonie est pour les femmes égyptiennes une lueur d’espoir et on peut dire que la francophonie en Egypte est portée par les femmes.

— Comment le français réussit-il à se maintenir dans l’Egypte d’aujourd’hui ?

— Malgré la dominance de l’anglais aujourd’hui, les Egyptiens continuent à apprendre le français. Synonyme d’excellence, le français a pu se maintenir grâce, avant tout, à la présence des écoles francophones et aussi d’études universitaires en français. Nous ne pouvons pas oublier également l’action des instituts français pour le renforcement de la culture française au sein de la société. Notons également la présence de deux opérateurs de la francophonie sur le territoire égyptien : l’AUF et l’Université Senghor. L’AUF est l’une des plus grandes associations d’universités au monde, avec 782 établissements membres dans 98 pays. Opérateur de la francophonie pour l’enseignement supérieur et la recherche, elle rassemble des institutions d’enseignement supérieur et de recherche des cinq continents utilisant le français comme langue d’enseignement et de recherche. L’AUF est présente en Egypte à travers son campus numérique francophone basé à Alexandrie à l’Université Senghor.

L’Université Senghor, l’un des quatre opérateurs de la francophonie, a été créée en 1989 par le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement ayant le français en partage. Elle est une institution de 3e cycle dont la vocation est de former et de perfectionner des cadres africains et des formateurs de haut niveau et d’orienter leurs aptitudes vers l’action et l’exercice des responsabilités dans certains domaines prioritaires pour le développement.

— Depuis plusieurs années, il existe en Egypte de nombreuses nouvelles écoles francophones, notamment celles homologuées, où est la place des anciennes écoles religieuses dans ce nouveau paysage, ont-elles pris du recul ?

— Je pense que ces écoles, qui existent depuis des décennies en Egypte et qui se sont affirmées depuis longtemps, continuent à offrir un enseignement de qualité malgré tout. Au contraire, elles font beaucoup d’effort pour se moderniser, en offrant par exemple l’opportunité de passer le baccalauréat français ou le baccalauréat international. La présence des autres écoles dites d’investissement n’est pas un handicap mais un plus. C’est un indicateur de la progression de l’apprentissage du français. Cela prouve que contrairement aux idées reçues et aux personnes qui s’alarment sur le recul du français, que malgré tout le français continue d’exister aujourd’hui avec une demande importante pour l’enseignement en français.

C’est vrai que l’anglais est plus présent et qu’on a l’impression que le français prend du recul, mais la langue française trouve désormais d’autres voies face au monopole de l’anglais, surtout dans le monde professionnel.

Le français est considéré aussi comme un enseignement de qualité et comme une plus-value sur le marché du travail. Ce français est perçu dans le coeur de beaucoup de francophones comme l’égal de leur langue maternelle. Nous avons appris à aimer la francophonie avec toutes les valeurs qu’elle véhicule.

— Auparavant, le français était la langue de l’élite, est-ce toujours le cas ?

— Non, les choses ont changé. Le français est avant tout une langue de communication et de culture. Il est perçu comme un atout supplémentaire qui offre de meilleures chances dans le monde professionnel, notamment à l’heure où la concurrence est acharnée.

— Face à cette nouvelle donne, comment promouvoir le français ?

— Des actions sont menées sur le terrain par les deux opérateurs de la francophonie présents en Egypte. Ils contribuent au développement d’un espace scientifique en français. Les instituts français jouent aussi un rôle primordial. Grâce à l’appui de tous ses acteurs, il y a eu en Egypte une diversification des cursus et des compétences universitaires. Une sorte de francophonie tend à s’imposer à travers les filières francophones qui ont été créées dans les facultés de droit, de commerce, de sciences politiques, de médecine, d’agronomie, etc. et la création de l’Université française d’Egypte.

De nombreuses universités aujourd’hui offrent un large éventail de formation en français dans le but d’une meilleure insertion dans le monde du travail.

Des filières à finalité professionnelle ont également vu le jour dans le domaine des sciences humaines. A titre d’exemple, la filière de langues appliquées de l’Université d’Alexandrie a bénéficié d’un soutien de l’Agence universitaire de la francophonie dans le cadre d’un appel à un projet lancé en 2008 visant à améliorer et à diversifier les débouchés professionnels des étudiants des départements de français, ainsi qu’à renforcer les capacités de ses départements à la professionnalisation de leurs enseignements.

Aujourd’hui plus que jamais, le français est une richesse. Etre à cheval entre deux langues, c’est une véritable ouverture vers d’autres cultures. Comme le dit le slogan de l’Organisation internationale de la francophonie cette année, « le français est une chance ».

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