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Dalia Khorshid : Attendez-vous à une révolution dans le domaine de l’investissement au cours de la prochaine période

Névine Kamel, Dimanche, 20 novembre 2016

L'Egypte a connu au cours des deux dernières semaines des décisions économiques historiques. Le flottement de la L.E., la réduction des subventions accordées l'énergie et avant tout une série de décisions favorisant l'investissement annoncées par le Conseil suprême de l'investissement lors de sa première réunion. Dalia Khorshid, ministre de l'Investissement, revient sur ces mesures exceptionnelles. Elle voit avec optimisme l'avenir de l'économie.

Dalia Khorshid

Al-ahram hebdo : La Banque Centrale d’Egypte (BCE) a décidé la semaine dernière un flottement complet de la L.E. Comment une telle décision affectera-t-elle le milieu des affaires en Egypte au cours de la prochaine période ?
Dalia Khorshid : Le flottement de la L.E. est une décision longtemps attendue par les hommes d’affaires. Les travaux de ces derniers ont été paralysés au cours des dernières années vu le manque de devises étrangères sur le marché égyptien. Cette décision, très bien étudiée et garantie par la BCE, est un message de confiance aux investisseurs. Dorénavant, il y aura un seul taux de change sur le marché. Et avec l’arrivée attendue des fonds, il est prévu que les banques puissent satisfaire les besoins de leurs clients. Ces derniers, bien au courant du potentiel du marché égyptien, s’attendaient à une telle étape pour pomper leur argent sur le marché et multiplier leurs affaires. Cette décision jouera un rôle important dans la relance de l’investissement au cours de la prochaine période.

— Le Conseil suprême de l’investissement a pris au début de novembre, lors de sa première réunion, une série de décisions favorisant l’investissement en Egypte. Que peut-on attendre de ces décisions ?
— Attendez-vous à une révolution dans le domaine de l’investissement au cours de la prochaine période. Car booster l’investissement, étant le mot-clé de la relance économique, est une priorité gouvernementale au cours de la prochaine période. Ces décisions économiques ne sont qu’une première étape vers une véritable réforme économique. Un début fort par un conseil qui veut une relance réelle de l’investissement. Le président de la République a créé par décret ce conseil. Son rôle consiste à relancer l’investissement et à booster les réformes. Il vise essentiellement à créer une harmonie entre les parties concernées par le dossier de l’investissement et à coordonner entre elles. Cette harmonie permettra la mise en oeuvre de mesures réelles pour la relance des investissements. Il s’agit d’améliorer le climat d’investissement et de renforcer la capacité de l’économie nationale à attirer les investissements. Il s’agit aussi de surveiller les organes de l’Etat qui travaillent sur l’investissement. Bref, le soutien accordé par le président de la République à l’investissement envoie un message de confiance à tout investisseur.

— Des voix se sont élevées contre la structure de ce conseil qui, selon certains, ne regroupe pas toutes les parties concernées par l’investissement …
— Cela n’est pas vrai. Toutes les parties concernées par l’investissement sont représentées au sein du conseil. Car selon le décret de sa création, le conseil a le droit d’inviter ceux qu’il juge nécessaires parmi les ministres, les gouverneurs et les chefs des organismes publics et des organes gouvernementaux concernés par l’investissement et ce, à tout moment. Il a également le droit d’avoir recours à tout moment à l’expertise du secteur privé. Preuve : les deux présidents de la Fédération des associations d’investisseurs et de l’Union des industries ont assisté à la première réunion.

Dalia Khorshid
Le président égyptien, Abdel-Fattah Al-Sissi, a présidé la première réunion du Conseil suprême de l'investissement, au début de novembre.

— Les réformes économiques devraient mener à une hausse du volume des investissements ... Quel est le volume d’investissement prévu au cours de l’année fiscale en cours ?
— Nous nous attendons à une hausse des investissements au cours de l’année fiscale en cours. Les mesures prises dans le cadre du programme de réforme économique aplanissent le terrain devant les investisseurs. A cet égard, nous visons des investissements directs de 10 milliards de dollars fin 2016/2017. Le total des investissements a atteint 6,84 milliards de dollars fin 2015/2016 et 6,38 milliards de dollars en 2014/2015. Cette hausse de 7,2 % enregistrée en 2015/2016 est due, en grande partie, à la création de nouvelles entreprises locales ou à l’extension des activités des entreprises locales. Je suis optimiste en ce qui concerne l’avenir de l’économie égyptienne. Plusieurs entreprises internationales qui existent sur le marché depuis un certain temps ou qui sont nouvelles ont exprimé leur intérêt à investir en Egypte. Nous sommes en contact direct avec ces investisseurs afin de répondre à leurs attentes et aplanir les obstacles qui entravent leur travail, à travers la mise en place d’une stratégie d’investissement claire et précise. L’Organisme d’investissement travaille en vue de finaliser cette stratégie selon les normes internationales. C’est ainsi que nous visons des investissements directs compris entre 10 et 15 milliards de dollars au cours des deux prochaines années et des investissements indirects compris entre 5 et 10 milliards de dollars au cours des 3 ou 5 prochaines années.

— Quelle est la part des investissements français dans l’investissement étranger en Egypte, et quels sont les aspects particuliers de la coopération avec la France dans la période à venir ?
— Selon les données de la Banque Centrale d’Egypte, les flux nets d’investissements français en Egypte ont atteint au cours des cinq dernières années, 1,4 milliard de dollars. Le total des investissements français en Egypte est de 4 milliards d’euros. Nous oeuvrons avec le côté français en vue d’augmenter ce chiffre au cours de la prochaine période. Nous déployons des efforts pour créer l’environnement approprié pour les investissements selon la stratégie du gouvernement 2030. Nous sommes en contact direct avec les entreprises françaises et nous sommes prêts à entendre leurs suggestions pour faciliter leur business en Egypte. La France est l’un des plus importants partenaires commerciaux de l’Egypte. Elle représente un grand marché et offre de nombreuses opportunités aux exportations égyptiennes. Dans le même temps, l’Egypte permet aux entreprises françaises d’accéder à la région arabe et africaine qui est liée à l’Egypte par des accords commerciaux et des arrangements pour les marchés préférentiels. Le marché égyptien également offre des opportunités prometteuses d’investissement, à la fois à travers des projets de développement de la zone du Canal de Suez et la disponibilité des zones industrielles ou à travers des secteurs importants auxquels la France s’intéresse comme l’énergie, l’énergie renouvelable, le tourisme, les infrastructures et les petites et moyennes entreprises. Ceci outre les protocoles financiers conclus entre la France et l’Egypte dans divers domaines, et les prêts à intérêts réduits fournis par l’Agence Française de Développement (AFD). Il existe des possibilités prometteuses d’investissement en Egypte, soit par le biais des projets de développement de la zone du Canal de Suez et de la disponibilité de zones industrielles ou dans des secteurs importants.

— Quels sont les domaines les plus prometteurs pour l’investissement dans la période à venir ?
— Nous n’avons pas pu déterminer au cours des quatre dernières années quels étaient les secteurs qui attirent le plus les investissements en Egypte, mais je suis convaincue que tous les secteurs attirent les investisseurs locaux, arabes et étrangers. Nous avons récemment signé d’importants accords qui révèlent cet intérêt des grandes entreprises. Nous prévoyons une grande relance des investissements au cours des prochaines années.

— Quels sont les plus importants accords conclus récemment par le ministère ?
— Nous avons signé au cours de la dernière période un accord, en coopération avec le ministère du Logement, avec une société chinoise spécialisée dans le développement, la construction et l’exploitation des sociétés intelligentes et des villes intégrées « CFLD ». En vertu de cet accord, la société chinoise sera chargée de la gestion et de la commercialisation d’une superficie totale de 60 km2, au nouveau projet de la capitale administrative. La société gérera toutes les phases du projet. Un investissement total de 20 milliards de dollars. Ceci s’inscrit dans le cadre de notre quête pour attirer des investissements visant à améliorer les services et garantir des offres d’emploi pour les jeunes. Ce projet en fait garantit des offres d’emploi multiples. La première phase consiste à construire une superficie de 10 km2. Cette phase sera terminée en juin 2018. Cela permettra d’attirer des investissements directs de 5 milliards de dollars. La deuxième phase du projet consistera à construire une superficie supplémentaire de 20 km2, et celle-ci sera terminée en juin 2020. Ceci engendrera des investissements directs de 10 milliards de dollars.

— L’investisseur étranger a longtemps attendu la promulgation de la version finale de la loi de l’investissement unifiée. Quand la loi sera-t-elle modifiée et quelles seront les modifications surtout qu’il y a des voix parlementaires qui appellent à l’abolition de toutes les exonérations fiscales ?
— Il est temps que l’Egypte ait une nouvelle loi d’investissement unifiée qui nous permette de faire face à la concurrence mondiale. Nous avons commencé à tenir des réunions avec les ministères et les parties concernées par le dossier de l’investissement pour finaliser la nouvelle loi. Nous allons également établir un dialogue communautaire ouvert qui inclut les médias pour que nous soyons sûrs d’avoir rempli toutes les exigences requises avant de présenter la loi au Conseil des ministres et puis au parlement afin de l’approuver au cours des prochaines semaines. La nouvelle loi d’investissement fait partie d’un paquet législatif qui sera nécessaire pour améliorer le climat d’investissement en Egypte. Nous oeuvrons en coopération avec le ministère de la Justice afin d’élaborer une série de nouvelles lois comme la loi sur le droit de faillite, et l’amendement de la loi sur les sociétés et celles sur les entreprises et le marché financier.

— Où en est le dossier des conflits d’investissement et quand vous vous attendez à mettre fin à tous les conflits suspendus ?
— Mettre fin aux conflits est l’une des questions les plus importantes sur laquelle nous travaillons au sein du ministère de l’Investissement. Car cela enverrait un message de réconfort aux investisseurs et révélera le potentiel qui existe en Egypte. Cela permet également de renforcer la confiance des investisseurs dans le climat d’investissement. La décision du Conseil suprême de l’investissement d’obliger les parties en conflit à appliquer les décisions du Comité ministériel de règlement des conflits d’investissement dans un délai de 15 jours permettra une relance du climat d’investissement. Nous avons récemment réussi en collaboration avec les ministères de la Justice, du Pétrole et du Commerce à régler un grand conflit avec la holding koweïtienne Bawabet Al-Koweit, évitant ainsi à l’Etat de payer une compensation financière d’environ 1,2 milliards de dollars. La société a renoncé au procès d’arbitrage devant le Centre international pour le règlement des différends à Washington (Oxyde). En plus, notre but au cours de la période à venir est de régler plus de cas d’arbitrage international afin de préserver les droits de l’Etat et d’assurer aux entreprises oeuvrant dans le pays un climat d’investissement sain. Depuis ma nomination comme ministre de l’Investissement et comme présidente du secrétariat technique du Comité de règlement des conflits, nous avons étudié 145 cas de conflit sur un total de 170. 42 % de ces conflits ont été réglés.

— Où sommes-nous du programme des IPO et quand est prévu le premier lancement en Bourse ?
— Nous nous préparons au ministère de l’Investissement aux plus grands lancements en Bourse qui visent à attirer entre 5 et 10 milliards de dollars au cours des 3 ou 5 années à venir. Il s’agit en fait d’un lancement partiel de certaines entreprises du secteur public sur la Bourse égyptienne et les Bourses régionales. Cette vague de lancement en Bourse commencera par le secteur pétrolier et le Conseil suprême de l’investissement a décidé d’y inclure d’autres secteurs. Le programme vise à attirer des investissements indirects et à fournir des milliers d’offres d’emploi aux jeunes, à élargir la base de la propriété pour les particuliers et les entreprises du secteur public, à assurer la transparence et la gouvernance en ce qui a trait au travail des entreprises et à stimuler l’activité du marché boursier sous la supervision d’un comité tripartite, regroupant le ministre des Finances, le gouverneur adjoint de la Banque Centrale et moi. Le groupe de travail oeuvre actuellement avec le ministère du Pétrole pour choisir la première entreprise qui sera lancée en Bourse.

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