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Ahmad Aboul-Seoud : Nous voulons un marché pour la paille de riz

Jeudi, 13 novembre 2014

Le fameux smog, qui enveloppe Le Caire chaque automne, est de retour cette année et provoque de nombreux désagréments. Ahmad Aboul-Seoud, directeur exécutif de l’Agence Egyptienne pour les Affaires de l’Environnement (AEAE), fait le point sur la lutte contre ce phénomène.

Ahmad Aboul-Seoud
Ahmad Aboul-Seoud

Al ahram hebdo : Les Cairotes respirent mal depuis le début du mois d’octobre, et ont le senti­ment que le nuage noir de cette année est plus fort que les années précédentes. Qu’en pensez-vous ?

Ahmed Aboul-Seoud : Pour com­mencer, il est faux de dire que le nuage cette année est plus fort que les années précédentes. Durant la nuit du 17 octobre, les stations de mesure de la pollution ont relevé une hausse remarquable du niveau de pollution, mais c’était pendant un seul jour. Le problème, comme tout le monde le sait, est le phénomène de l’inversion thermique. Des masses d’air chaud remontent et portent les polluants qui se répandent ensuite dans l’atmos­phère. C’est ce phénomène qui accen­tue celui du nuage noir. Il coïncide avec la saison de la récolte du riz et l’incinération en plein air de la paille par les paysans pour s’en débarrasser. Il n’est pas logique d’avoir un grand problème le 17 octobre et qu’on arrive à le résoudre le lendemain, car la nuit du 18 octobre, on n’a rien senti. Donc, les phénomènes météorologiques jouent un rôle important dans le nuage noir.

— Mais le ministère de l’Environ­nement a lancé plusieurs initiatives pour éliminer le phénomène de l’in­cinération de la paille de riz, qui est à l’origine du smog. Pourquoi, selon vous, ces initiatives n’ont-elles pas abouti ?

— L’affaire n’est pas facile. Nous avons essayé d’attirer les grandes compagnies pour investir dans le domaine du recyclage de la paille afin d’éviter qu’elle soit incinérée par les paysans, mais sans succès, car les grandes compagnies veulent investir dans un domaine qui soit rentable toute l’année et pas seulement pen­dant les 3 mois de la récolte du riz. L’année dernière, nous avons changé de stratégie. Nous avons lancé en coopération avec le ministère de l’Agriculture des projets de recyclage de la paille de riz pour les jeunes. Les jeunes ont réussi à recycler 40 000 tonnes de paille en tout, l’année der­nière. Cette année, nous sommes à la moitié de la saison de récolte et les jeunes ont déjà recyclé 70 000 tonnes jusqu’à présent. On sait très bien que ce n’est pas suffisant car la quantité de paille produite par an est de 2 millions de tonnes environ. Seule la moitié est recyclée, l’autre moitié est incinérée. Nous voulons étendre ces projets de recyclage. Une réunion est prévue prochainement avec les jeunes afin de savoir leurs problèmes. Par exemple s’ils ont besoin d’aides financières, on peut les aider à obtenir des prêts auprès du Fonds social pour le déve­loppement, etc.

Une initiative avait été lancée pour produire du biogaz à partir de la paille de riz. Il était également question de compresseurs produits localement. Où en sont ces initia­tives ?

— Nous avions commencé un pro­jet pilote pour produire du biogaz à partir de la paille de riz, visant à faire fonctionner les cuisinières, mais ce projet a été un échec. On a également essayé de produire localement des compresseurs de paille, mais c’était un autre échec. En effet, le nombre de compresseurs ne suffit pas, au vu des quantités de paille produites annuelle­ment. Nous avons donc besoin de plus de compresseurs. Or, un compresseur coûte entre 170 000 et 250 000 de LE. Nous avons aussi besoin de déchique­teuses qui coûtent très cher, entre un million et un million et demi de L.E. Il est donc clair que pour éliminer l’incinération de la paille, il nous faut beaucoup d’argent. Le ministre de l’Environnement, Khaled Fahmy, a déclaré dans les médias que pour éli­miner le nuage noir, nous avons besoin de 400 millions de L.E. !

— Les paysans affirment qu’ils ne sont pas prêts à garder la paille de riz en attendant qu’elle soit recy­clée. Qu’en pensez-vous ?

— Le ministère de l’Environne­ment a conclu un accord avec le ministère de l’Approvisionnement afin d’utiliser les silos de blé pour y stocker la paille. Et le ministère de l’Approvisionnement travaille main­tenant sur ces silos. Ainsi les paysans ne seront pas obligés de garder la paille dans les champs. Le ministère va leur acheter la tonne de paille à 100 L.E. Nous voulons créer un marché pour la paille. Quand la paille com­mencera à avoir une valeur écono­mique, elle ne sera plus brûlée. Car, qui oserait brûler de l’argent ?

— Et jusqu’à ce que ces initia­tives commencent à porter leurs fruits, les Egyptiens continueront-ils à souffrir du nuage noir ?

— Nous continuerons nos inspec­tions dans les champs, il faut dire qu’avant la révolution du 25 Janvier 2011, ces inspections se déroulaient 24 heures sur 24, mais depuis et avec le vide sécuritaire, les horaires d’ins­pection ont changé. Cette année, on travaille jusqu’à 22h. Au cours des prochaines semaines, on se penchera plus sur les gouvernorats de Charqiya, Daqahliya et Gharbiya, car ils sont parmi les gouvernorats qui cultivent, le plus, le riz et ne recyclent pas beau­coup la paille. En outre, nous tra­vaillons sur les combustibles des cimenteries. Ces dernières se prépa­rent à utiliser le charbon comme com­bustible, et seront obligées d’obtenir entre 10 et 20 % de leur énergie à travers l’incinération des déchets agricoles en général et de la paille de riz en particulier .

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