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Le Caire : agir avant la paralysie

Rasha Hanafy, Mardi, 29 avril 2014

Alors que les embouteillages et la pollution empirent dans la capitale, des spécialistes égyptiens et allemands s’alarment. Ils plaident pour la durabilité des transports en commun et l'amélioration du développement urbain d’ici 10 ans.

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« Les embouteillages dont souffre Le Caire sont l’une des caractéristiques du secteur du transport, qui prouve que la demande est élevée. Il suffit d’améliorer le service et d’avoir un vrai système de transport en commun pour diminuer la pollution et augmenter l’offre. Ces moyens de transport se retrouveront plein, efficaces, et donc l’autofinancement est garanti ». Telles sont quelques conclusions du 22e panel de discussions tenues la semaine dernière dans le cadre des activités proposées par le forum du Caire pour les changements climatiques. Il s’agit d’une coopération entre le ministère d’Etat pour les Qffaires de l’environnement en Egypte et l’ambassade d’Allemagne visant à échanger les expériences, sensibiliser le public et encourager la coordination entre les décideurs et chercheurs, pour diminuer les impacts des changements climatiques. L’atelier, qui a eu lieu la semaine dernière, était intitulé « Le Caire en mouvement : le transport intelligent et le développement urbain ».

Pour tenter d’analyser les problèmes de la circulation au Caire et plaider pour le transport durable qui diminue l’utilisation du carburant et les émissions nocives, des spécialistes égyptiens et allemands ont fait appel au gouvernement, pour qu’il exploite cette forte demande et qu’un système de transport collectif garantissant la sûreté, la baisse de pollution et l’efficacité soit établi.

Le Caire a été construit pour 2 millions d’habitants, mais aujourd’hui, ils sont plus de 16 millions. « Je dois préciser que les embouteillages dans plusieurs quartiers au Caire sont causés par le manque de vision des municipalités. Les anciennes villas, habitées par une ou deux familles, possédant une ou deux voitures, sont détruites pour construire de grands immeubles avec plus de 30 familles possédant des véhicules », explique Khaled Abdel-Azim Abbas, spécialiste international de la circulation et doyen de l’Institut national du transport, relevant du ministère du Transport. Les interlocuteurs ont mentionné également que 10-15 % des familles au Caire possèdent des véhicules particuliers qui occupent 70 % des espaces. Sans oublier que les subventions du carburant et la détérioration de l’état des véhicules publics n’encouragent pas la grande majorité de ces propriétaires de véhicules privés à se servir des transports en commun.

Du côté du gouvernement, le problème réside dans le financement et le budget. Raison pour laquelle les projets de transport sont exécutés par phase et sur une longue période. La semaine dernière, le ministre Ibrahim Al-Demiry a passé en revue l’inauguration de la 2e phase de la troisième ligne du métro. Elle va de Ataba à l’Université du Caire. 11 trains de la première ligne de métro Al-Marg-Hélouan ont été rénovés. Quelque 76 passages à niveau de chemin de fer ont été maintenus, outre les 210 autres dont les travaux d’aménagement civils ont été achevés. Des chiffres qui semblent modestes, si on les compare au nombre de ces passages en Egypte, qui s’élèvent à 1 500, selon les statistiques du ministère du Transport.

Intégrer les microbus

« Si les propriétaires des voitures n’utilisent que ce moyen de transport, changer leur comportement sera très difficile », avertit Wulf-Holger Arndt, directeur de l’Unité de recherches mobilité et espace à l’Université technique de Berlin. Il est donc indispensable d’améliorer le service de transport en commun en augmentant le nombre de véhicules, pour qu’ils soient disponibles dans le plus grand nombre de quartiers, notamment les villes nouvelles. Selon les interlocuteurs, il est question aussi d’intégrer les microbus dans le système de transport public, parce qu’ils sont beaucoup plus efficaces que les véhicules particuliers. « Il faut arrêter la construction de nouveaux immeubles sur les espaces vides du Caire et dans les autres provinces, pour les transformer en jardins et espaces verts. De nombreux bureaux gouvernementaux et centres commerciaux doivent être déplacés dans les villes nouvelles, en assurant des moyens de transport collectifs. Il faut également oeuvrer à construire plus de lignes de métro. Il faudrait entre 6 et 8 lignes de métro au Caire uniquement », souligne Abbas, qui pense que ces lignes doivent être liées à d’autres moyens de transport en commun comme le tramway, le monorail, le transport rapide personnalisé, qui permet de se déplacer à la demande et sans arrêt intermédiaire dans de petits véhicules indépendants, sur un tracé dévolu à ce moyen de transport.

« Il est également de grande importance de s’assurer que la planification des villes nouvelles consiste en des arrondissements comprenant les services nécessaires pour les habitants comme hôpitaux, écoles et centres commerciaux, afin de diminuer au maximum l’utilisation du carburant et la pollution », indique Ahmad Dorghami, co-fondateur du Bras vert de l’ONG Nahdet Al-Mahroussa. Selon lui, le côté social joue un rôle important. Changer les comportements pour avoir recours aux moyens de transport durables et amis de l’environnement comme le cyclisme et le transport maritime, se pose comme une nécessité. « Le Fayoum, en coopération avec le programme des Nations-Unies pour le développement, construit actuellement des voies pour les cyclistes. Il faut répandre ce moyen de transport dans tous les gouvernements. Déjà au Caire, à Alexandrie, à Ménoufiya et à Assiout, beaucoup de familles participent avec notre club du Caire pour les cyclistes dans toutes les activités et visites en vélo, même les filles », déclare Dorghami.

Les initiatives plaidant pour le transport intelligent et durable prennent de l’ampleur, et le gouvernement doit en faire une priorité avant que la situation n’empire. « Les principaux ponts reliant les quartiers, comme le pont du 6 Octobre, seront paralysés d’ici 10 ans. Ce qui transformera les villes nouvelles en des îles isolées », assure David Sims, spécialiste du développement urbain installé en Egypte depuis des décennies.

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