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Lutte contre le braconnage, l’impossible mission

Dalia Abdel-Salam, Lundi, 25 novembre 2013

Malgré la création de 30 réserves naturelles depuis 1983, la biodiversité subit un déclin conséquent. Le braconnage a mené à la quasi-extinction des gazelles, des chats des sables ou des lézards égyptiens. La première cause reste le laxisme des autorités face aux contrevenants.

Braconnage

Braconnage et espèces en voie de disparition : Dina Zulficar, membre du comité de surveillance des zoos d’Egypte, tire la sonnette d’alarme. « Il faut agir maintenant pour la conservation de la faune, dit-elle, après, ce sera trop tard ».

Le dernier rapport de l’Union arabe pour la faune datant de 2012 faisait un même bilan : en Egypte, le nombre d’espèces en voie d’extinc­tion s’élève à 145. L’Egypte est l’un des pays arabes les plus mal classés en terme de protection de la faune.

Le trafic de la faune y est l’un des plus importants après celui de la drogue et des armes. Ses effets sont dévastateurs sur un grand nombre de populations animales, en particu­lier celles menacées d’extinction.

Si des réserves naturelles ont été créées depuis 30 ans pour tenter de combattre le problème, le bracon­nage et le commerce illégal des espèces existent toujours, profitant du manque de moyens et de personnel qui rend le contrôle de ces immenses sites presque impossible.

Ragy Toma, directeur géné­ral de la faune au Zoo de Guiza, explique que 30 réserves créées entre 1983 et 2012 sont soumises à des législations spécifiques pour protection des espèces ani­males et végétales qu’elles renferment. Mais ces lois n’ont jamais été appliquées.

« Parmi les animaux en voie d’extinction, il y a des priori­tés. Dans les réserves, il y a notamment urgence à protéger la gazelle égyptienne, la chèvre des montagnes, le chat des sables (Felis margarita), le flamant rose, le lézard égyptien (uromastyx aegyptia) et la tortue marine ou tersa », précise Toma, tout en regret­tant les effets du braconnage au sein de ces réserves.

Le lézard égyptien est l’une des espèces les plus affectées par le bra­connage. Considéré dans les pays du Golfe comme un stimulant sexuel, il est capturé pour sa viande. Son cuir est aussi très prisé.

« Aujourd’hui, il est devenu rare d’apercevoir un lézard égyptien dans la réserve de Wadi Al-Rayane », avoue Arafa Al-Sayed, directeur de la réserve située dans le gouverne­ment de Fayoum.

Moins d’animaux, moins de braconnage

Durant les 10 dernières années, la chasse a mené à la quasi-extinction des gazelles du désert, aussi appe­lées dorcas. « Un ami qui travaille dans le domaine du tourisme me disait que dans les années 1970, donc avant la création des réserves, il a accompagné un amateur de chasse faire un safari. En un seul jour, il a réussi à tuer 16 gazelles dans les environs de Marsa Matrouh », raconte Tareq Al-Qanawati, directeur de la protec­tion de la nature au sein de l’Agence Egyptienne pour les Affaires de l’Environnement (AEAE). Aujourd’hui, en apercevoir une seule relève de l’exploit.

Ce genre de chasse était notam­ment très prisé des Arabes du Golfe comme des populations locales. « Mais aujourd’hui, le nombre d’animaux a tellement baissé que la chasse est devenue très limitée », poursuit Al-Qanawati.

A l’époque, un permis de port d’armes délivré par la police et une autorisation pour un safari touris­tique permettaient de chasser libre­ment. « Ça nous a pris des années pour expliquer aux responsables que ces touristes avaient des armes pour chasser », se rappelle Al-Qanawati.

La pauvreté a aussi largement contribué à la quasi-extinction des espèces comestibles. A Bahariya, la plupart des habitants chassaient pour se nourrir. Le secteur de la protection de la nature a longtemps travaillé pour trouver des alterna­tives tout en tentant d’expliquer l’importance de la conservation de la faune et de la flore pour un éco­tourisme durable.

« On ne peut pas dire qu’il n’y a plus de braconnage aujourd’hui, mais il est devenu très limité. Le manque de sécurité a aussi aidé à réduire le nombre d’amateurs de chasse dans et hors des réserves, car il est devenu dangereux de s’aventurer loin des routes », reprend Tareq Al-Qanawati.

Manque de sensibilisation

Malgré tout, le braconnage reste la principale cause du déclin de plu­sieurs espèces, assure Yasser Abdel-Ghani, directeur de l’Association égyptienne pour la protection de la faune.

« Le braconnage est lié au manque de sensibilisation ainsi qu’au niveau d’éduca­tion. Des pêcheurs attrapent toujours certains oiseaux, car ils croient qu’ils augmentent la puissance sexuelle chez les hommes. La chair des tortues marines est, elle, censée aug­menter la fertilité féminine ».

Par ailleurs, l’étendue du désert alliée au faible nombre de gardes naturels et au manque d’équipements de sur­veillance et de contrôle ren­dent la mission quasi impos­sible, sauf en présence de moyens importants.

Pour Hassan Ragab, profes­seur de sciences animales à l’Université de Zaqaziq, « seule une application parti­culièrement sévère de la loi permettrait de dissuader les contrevenants ».

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