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Sinaï : Le potentiel pourrait être surestimé

Rasha Hanafy, Samedi, 20 avril 2013

Une confé­rence s’est tenue à Ismaïliya pour la pro­motion du dévelop­pement de la pénin­sule, notamment dans l’agriculture, le biocarburant et l’énergie solaire. Mais des spécialistes dénoncent le manque de réalisme des organisateurs.

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La péninsule du Sinaï peut-elle être le grenier de l’Egypte ? Existe-t-il 420 000 hectares au Sinaï prêts à être cultivés et qui ne nécessitent que l’arri­vée de travailleurs et d’investisseurs ? Le Sinaï peut-il amener l’Egypte à l’autosuffisance ali­mentaire ? Des investisseurs dans le domaine agricole, notamment du gouvernorat d’Ismaïliya, en coopération avec les appareils de leur gouver­norat et ceux du Sinaï, ainsi que le ministère de l’Agriculture et de la Bonification des terres ont organisé la semaine dernière une conférence inti­tulée Le Sinaï est le grenier de l’Egypte. Le pré­sident de l’appareil du développement et de l’ur­banisation du Sinaï était également présent. Tous les participants avaient un objectif commun : développer les rendements de la péninsule. Ils ont appelé les investisseurs à participer à un projet national visant à cultiver 420 000 hectares dans la péninsule. Ils veulent cultiver en particulier le jojoba, le moringa et le jatropha afin de produire du biocarburant. Ils n’ont pas manqué de plaider pour la défense des projets de dessalement des eaux des nappes phréatiques de grande salinité, afin de trouver de nouvelles sources d’approvi­sionnement en eau. « Ce projet est considéré comme la quatrième pyramide d’Egypte. Il apportera l’autosuffisance nationale ainsi qu’un revenu économique conséquent, mais aussi une nourriture propre. Nous appelons le gouverne­ment à mettre en place urgemment une feuille de route pour l’agriculture en Egypte, notamment pour la péninsule du Sinaï. Ces projets seront bénéfiques en premier lieu aux bédouins du Sinaï, mais aussi à toute l’Egypte », explique Mohamad Nasser, président de l’appareil du développement et de l’urbanisation du Sinaï.

Riche en ressources naturelles

Les spécialistes agricoles et environnemen­taux démentent toutes ces informations. Ils pré­cisent que la péninsule est riche en ressources naturelles dans le domaine des minéraux en par­ticulier. Selon eux, les surfaces cultivables ne s’élèvent pas à 420 000 hectares, mais seulement à quelques milliers d’hectares exploitables.

Les spécialistes de l’environnement et du développement du désert dénoncent l’argument de l’autosuffisance alimentaire pour le pays. Selon eux, ce sont des arguments inventés, afin de séduire le gouvernement et les investisseurs. « Je pense qu’il faut relire toutes les études faites depuis la fin des années 1990 pour savoir que c’est irréaliste et quasiment impossible. L’Egypte est un pays désertique, située dans la région la plus aride du monde. 48 % des terrains égyptiens sont de sol pierreux, 16 % des dunes de sable, 33 % sont sablonneux mélangé au limon du Nil et 3 % sont caillouteux. Selon les études réalisées par les instances de recherches en Egypte, 6 millions d’hectares sont la superfi­cie maximum cultivable dans le pays. Aujourd’hui, le chiffre est plus proche de 5 mil­lions d’hectares, voire moins. Alors, comment peut-il y avoir 420 000 hectares juste dans la péninsule ? », se demande Samer Al-Mufti, ancien secrétaire général du Centre de recherches sur le désert et spécialiste de la culture déser­tique. « Le Nord-Sinaï est dominé par les dunes de sable et des vallées au sein desquelles les bédouins cultivent des oliviers et quelques plantes qui résistent à la salinité. Ils y parvien­nent en utilisant des eaux de pluie et d’inonda­tions. Le milieu du Sinaï est une zone aride, riche en charbon, en minéraux comme le man­ganèse et en sable de verre. Le sud est riche en pétrole et en réserves naturelles. Tout dévelop­pement doit tenir compte du potentiel en res­sources naturelles de la zone, afin de parvenir à réaliser les objectifs. Le Sinaï n’est pas le gre­nier de l’Egypte. Les terrains cultivables se limitent à quelques milliers », déclare-t-il. Selon lui, cultiver des plantes médicinales et des fleurs pour l’exportation, construire des usines pour les minéraux et produire de l’électricité à partir de l’énergie solaire sont beaucoup plus réalistes et efficaces que de parler d’énormes surfaces culti­vables.

Les études réalisées par l’appareil de la plani­fication urbaine et le Programme des Nations-Unies pour le développement en 1998 prouvent que la superficie arable de la péninsule est faible. « Les terrains autour du canal d’Al-Salam, situé dans le Nord-Sinaï, s’élèvent théo­riquement à 168 000 hectares. Cependant, les travaux du canal ne sont pas encore achevés ; actuellement, il s’agit de seulement 84 000 hec­tares. Il existe également 42 000 hectares de terres arables au milieu du Sinaï. Il serait judi­cieux d’y cultiver du blé, des olives, de l’orge, des fèves et des lentilles. Quant à l’énergie solaire, le Sud-Sinaï est l’endroit parfait pour construire des panneaux solaires. Il est impor­tant également de répandre les ecolodges pour promouvoir l’écotourisme », assure Nader Noureddine, professeur à la faculté d’agronomie à l’Université du Caire.

Les spécialistes insistent sur le fait que le gou­vernement doit baser ses futurs projets sur toutes les études déjà faites pour réussir tout projet national … s’il en existe ! .

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