Ce dimanche, à 10h, des corps minces et affaiblis par la maladie affluent avec leurs familles à l’Institut national du foie, rue Qasr Al-Aïni, à côté de l’Institut national du cancer. Tous ont ce même espoir : mettre un terme à leur maladie et à leurs souffrances.
Des milliers de malades atteints par l’hépatite C sont venus déposer leurs dossiers dans l’espoir de se faire soigner avec le nouveau traitement Sovaldi. L’Egypte est le premier pays au monde qui compte le plus de malades atteints de l’hépatite C: plus de 10 millions. Le gouvernement a décidé d’importer ce médicament en grande quantité, pour permettre aux malades de se soigner.
Avec l’annonce de l’importation du Sovaldi, découvert tout récemment aux Etats-Unis, les malades ont retrouvé espoir. L’Institut du foie est l’un des 8 hôpitaux qui accueillent les malades. Après avoir franchi la porte gardée par des agents de sécurité, les patients prennent place dans une grande cour pour attendre leur tour.
Bien que le ministère de la Santé ait annoncé l’approbation de ce nouveau médicament il y a à peine 3 semaines, tous les malades attendent déjà leur Sovaldi avec impatience. Leurs regards sont inquiets, attendant qu’un examen médical détermine leur sort. Au premier étage de l’Institut, trois chambres sont consacrées à ces examens médicaux.
Sur les murs, de petites annonces écrites à la main indiquent sur l’adresse du site web où les patients doivent s’inscrire pour obtenir le traitement. Après le premier test, il faut payer 10 L.E., puis attendre que son nom soit appelé pour la consultation avec le médecin.
Madiha semble plutôt pessimiste. Elle attend depuis près de 5 heures. « Je ne sais pas si je vais pouvoir rentrer. Mais j’ai tenu à être là et à être sûre de recevoir ce médicament miracle qui va me guérir. Je souffre de cette maladie qui ronge mon foie depuis dix ans », lance Madiha, 65 ans et professeur à la retraite. Elle est accompagnée de son mari et de sa fille. Cette patiente, comme d’autres, tente de trouver une place où s’asseoir. Les stigmates de la maladie sont visibles sur les corps et visages. Certains, affaiblis par la maladie, peinent à marcher. Mais, depuis l’annonce de l’existence de ce nouveau traitement capable de guérir l’hépatite C, ils semblent avoir retrouvé cette lueur d’espoir.
Le Sovaldi a maintes fois fait la une des journaux. En juillet dernier, le ministère de la Santé avait annoncé la découverte d’un médicament capable de guérir l’hépatite C. Le ministre de la Santé a fait le nécessaire pour l’importer et le mettre à la disposition des malades dans 8 centres à travers toute l’Egypte.

L’Institut du foie au Caire pris d’assaut par les malades. (Photo : Ahmad Abdel-Razeq)
Depuis deux semaines, plus de 400000 malades ont enregistré leurs demandes sur le site web dédié à cet usage. Puis, les malades doivent se rendre dans les différents centres pour déposer leurs dossiers. « Je souffre de cette maladie depuis des années. C’est mon fils qui m’a informée des démarches à suivre. Il m’a appelée d’Arabie saoudite où il travaille et m’a demandé d’enregistrer certaines informations à travers l’ordinateur. Comme je suis illettrée, j’ai commencé à pleurer, car je suis incapable d’utiliser un ordinateur ! », lance Dounia, une paysanne de Guiza. Elle s’appuie sur le dos d’une chaise pour ne pas perdre son équilibre. Ses voisins lui ont indiqué où se trouve le seul cybercafé du bourg et l’ont informée que le propriétaire aidait les gens à enregistrer les renseignements nécessaires.
Un nouveau business a fait son apparition dès l’annonce de l’enregistrement de ces informations : pourquoi ne pas gagner de l’argent en aidant les gens? Certains propriétaires de cybercafés ont flairé l’affaire et font payer les malades pour faire la demande à leur place. Car beaucoup d’entre eux n’ont jamais entendu parler d’Internet.
« Je peux aller jusqu’au bout du monde si l’on me dit qu’il existe un médicament capable de me guérir. J’ai dépensé des milliers de L.E. pour rien et je continue à souffrir! Mais je n’ai pas perdu espoir et j’attends que le Sovaldi me guérisse comme on l’affirme », nous dit Gaber, marchand en gros de légumes et atteint de l’hépatite C depuis des années. Il se faisait soigner avec l’Interféron, mais sans résultat. Dès qu’il arrêtait les injections, la maladie le faisait encore plus souffrir.
L’Interféron et le Revaldi sont les deux médicaments connus et utilisés par les malades atteints par l’hépatite C en Egypte. Mais, selon Sameh Seifeddine, chef du département de pathologie à l’Institut national du foie, tous les malades ne les supportent pas. « L’hépatite C existant en Egypte est passé au 4e degré, ce qui n’est pas le cas dans les autres pays du monde. Ces deux médicaments ne conviennent pas à tous les malades. Ce traitement contrôle la maladie mais ne la tue pas », explique Seifeddine. Il affirme que le Sovaldi est le premier médicament capable de soigner l’hépatite C. Il a été inventé spécialement pour ce 4e degré de maladie qui existe en Egypte.
« Le sang circule à nouveau dans mes veines. Cela m’a donné l’énergie nécessaire pour venir ici », dit Fatma, qui rêve de guérir et de pouvoir s’occuper de sa maison, de servir son mari et ses trois enfants, car elle sent qu’elle est devenue un lourd fardeau pour eux.
Deux heures se sont écoulées. Un premier groupe de malades est déjà passé en consultation, d’autres viennent d’arriver et attendent leur tour. Personne ne se plaint, tout est organisé: l’horaire de consultation est donné à l’avance sur le site web. Chacun tient à la main un dossier avec les résultats d’analyses qui lui ont été demandées.
Ici, il n’y a ni file d’attente, ni gens qui courent dans tous les sens pour s’informer. Les patients attendent leur tour tranquillement tout en ayant les yeux fixés sur cet homme qui tient un micro et appelle les numéros. Les patients discutent entre eux, échangent leurs expériences et leurs histoires avec la maladie. Ils ne sont interrompus que par les journalistes venus les interviewer.
« Le processus, cette fois, est différent », dit Nabil, qui accompagne son père. Ce jeune médecin confie avoir des contacts dans l’hôpital. Pourtant, il n’a réussi ni à faire passer son père devant les autres, ni à obtenir le médicament sans passer par les étapes imposées par le ministère. « Tous les malades doivent avoir la même chance », a répondu un responsable de l’Institut, lorsque Nabil lui a dit qu’il était médecin et qu’il voulait que son père passe en premier.
« Lors de la seconde phase, tous les malades auront droit au traitement. Mais pour le moment, la priorité est pour les cas les plus graves », explique Dr Seifeddine, ajoutant que seuls les malades âgés de moins de 18 ans ou plus de 70 ans seront exclus, car il n’est pas prouvé que le Sovaldi soit efficace pour ces tranches d’âge.
Une nouvelle qui a attristé Om Ahmad. Cette dernière a tenu à attendre son tour et présenter son dossier, espérant pouvoir convaincre les médecins de lui donner du Sovaldi, malgré ses 73 ans. Dès qu’elle a entendu son nom, Om Ahmad, s’appuyant sur une canne, a esquissé un grand sourire. Elle était incapable de discuter avec les médecins tant qu’elle était émue. « Je n’ai rien à perdre, qu’on me donne du Sovaldi et je vais signer une décharge. Personne n’a le droit de me priver d’un espoir qui puisse soulager mes souffrances », dit la vieille dame.
« Le Sovaldi va exterminer l’hépatite C d’Egypte d’ici 15 ans », a déclaré, lors d’une conférence de presse, Raymond Chinazi, le médecin qui a inventé le Sovaldi. Cette annonce a provoqué la joie de millions de malades. Les pharmacies vont prochainement être fournies en Sovaldi et tous les malades pourront potentiellement s’en procurer. Cependant, le médicament restera cher. Mais le Sovaldi pourrait enfin mettre un terme à une maladie qui touche depuis trop longtemps des millions d’Egyptiens.
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