Jeudi, 25 avril 2024
Enquête > Enquéte >

Une passion nommée « Coccinelle »

Hanaa Al-Mekkawi, Mardi, 02 novembre 2021

Comme ailleurs dans le monde, les propriétaires de la Volkswagen, ou coccinelle, se regroupent pour partager leur amour et leur fascination de cette voiture légendaire qui n’a jamais perdu sa gloire.

Une passion nommée « Coccinelle »

Samira, Kouki, Fifi, Marwan, Khalil, Sawsan … Non, ce ne sont pas des personnes en chair et en os, mais des prénoms donnés à des voitures ! Car quand on est amoureux de sa bagnole, on lui donne un nom, une âme presque. C’est le cas d’un certain nombre de propriétaires de la fameuse coccinelle de Volkswagen. Ils forment même un groupe et se rassemblent chaque semaine. Cette fois-ci, l’événement se déroule dans un coin du quartier d’Al-Tagammoe. Les proprios de ces vieilles voitures sont les membres du club égyptien de Beetle, fondé en 2013. Il compte aujourd’hui plus de 22 000 membres.

Lancée sur le marché pour la première fois en 1938, cette voiture légendaire continue de rouler dans nos rues, même après l’arrêt de sa production, il y a plus d’une cinquantaine d’années. Ses propriétaires se considèrent chanceux d’avoir un tel véhicule sillonnant les rues égyptiennes depuis les années 1960. Cette petite voiture représentait l’une des meilleures solutions pour la couche moyenne qui cherchait à posséder une voiture performante, robuste et peu onéreuse. Aujourd’hui, elle est encore adulée par certains qui en prennent grand soin et en sont très fiers. « Comme ceux qui aiment et élèvent des chevaux ou autre chose, moi, j’aime ma voiture de la même manière », dit Walid Kamel, qui a actuellement une coccinelle modèle 1972 qui n’a pas dépassé la barre des 84 000 kilomètres. Et c’est la 30e qu’il possède du même modèle.

Une passion nommée « Coccinelle »

« Ghada, ma femme et Farès, ma voiture ! ». C’est ainsi que s’exprime Hayssam Youssef, l’un des quatre fondateurs du club, considérant sa voiture presque comme un membre de la famille. Hayssam explique que le club a été créé sur Facebook, et ce, dans le but de rassembler sous le même toit les passionnés de cette voiture légendaire, se connaître et échanger leurs respectives expériences. « On ne connaît pas leur nombre exact en Egypte, mais les coccinelles, on en trouve par milliers dans tous les gouvernorats du pays », dit Hayssam. Cette communauté rassemble des personnes des deux sexes et de tous les âges qui exercent différents types d’activités professionnelles, mais partagent tous la même passion pour la coccinelle. Ghada Al-Attar, son épouse, est la responsable du groupe de femmes, fans de la coccinelle. Elle a rencontré son mari lors des rassemblements auxquels elle participait en compagnie de son frère Mohamad, l’un des fondateurs du groupe.

Tout un rituel

Les membres se rencontrent régulièrement avec leurs voitures, organisent des événements durant lesquels les voitures sont exposées, offrant un grand spectacle qui attire les regards des passants. Et c’est ça le but, comme l’affirme Hayssam. Et d’ajouter : « Lorsqu’un propriétaire de cox est au volant de sa voiture, il attire beaucoup l’attention, et il y a ceux qui lui font signe de s’arrêter pour lui poser des questions concernant sa voiture. D’autres vont lui demander de prendre des photos de la voiture. Alors, on a voulu rendre plus grand cet intérêt à travers les activités organisées, par exemple en se déplaçant à certains endroits au Caire et ailleurs avec un grand nombre de voitures mais en circulant en file indienne ou participer à des courses de voitures pour mettre en évidence la présence et la capacité de la voiture ». De plus, continue Hayssam, on participe à des actions de charité tout comme on a fait avec l’hôpital 57357 pour le traitement des enfants atteints d’un cancer. « On a formé un grand cercle autour du siège de l’hôpital pour attirer l’attention des gens et les inciter à faire des dons pour l’hôpital », dit Naeim, originaire de Syrie, qui est actuellement membre du club et participe régulièrement aux courses. Ce dernier est arrivé avec sa famille en Egypte en coccinelle, modèle année 1966, et à l’arrière de laquelle était attelée une caravane qui renfermait toutes leurs affaires. Naeim est parmi ceux qui participent aux courses avec sa coccinelle et a réussi à vaincre des voitures beaucoup plus performantes que la sienne. « Le moteur de la voiture fonctionne parfaitement bien et possède tous les atouts pour la rendre performante et capable de gagner des courses », dit-il.

Une passion nommée « Coccinelle »
Même s’il s’agit d’une voiture classique, la coccinelle conserve toujours sa jeunesse et est toujours renouvelée par ses fans.

Petite et ayant deux portières, elle se distingue par la rondeur de sa silhouette facilement reconnaissable, la Volkswagen, qui signifie en français « la voiture du peuple », est une aventure qui a commencé en 1938 chez les Allemands. Elle a été baptisée « coccinelle » à cause de sa silhouette arrondie et est vite devenue un véritable succès commercial. Elle a séduit le monde entier et a réalisé un succès inégalé en battant tous les records de vente et en étant la voiture la plus vendue dans le monde depuis le début de sa production : plus de 21 millions d’unités. Mais sa production s’est arrêtée en 1979. Exportée dans le monde entier, la « cox » termine sa carrière dans les usines mexicaines, puis brésiliennes en 2003, où le travail d’assemblage se faisait sous le nom de la « New Beetle » avec des touches modernes à l’intérieur et à l’extérieur, mais ce modèle n’a pas réussi à égaler l’original et n’est pas resté longtemps sur le marché. « Depuis le début de sa production, la voiture a subi quelques légères modifications esthétiques, mais sans rien toucher aux formes de base qui ont fait son succès. C’est ça qui la distingue et c’est comme ça qu’on l’aime », dit Tareq Essam, qui possède depuis 5 ans une coccinelle modèle année 1970. Un rêve d’enfance, dit-il.

Proprio et mécano

Petit, il était fasciné par le fonctionnement de son moteur. D’ailleurs, tous les amateurs de la coccinelle connaissent à la lettre les aspects techniques de leur voiture. « Lorsque la voiture tombe en panne, nous la réparons nous-mêmes dans la plupart des cas, car son moteur n’est pas compliqué du tout et on le connaît bien », dit Tareq, en ajoutant qu’il préfère conduire une coccinelle plutôt qu’une voiture moderne, car il déteste la technologie sophistiquée qui complique les choses. De l’extérieur, la silhouette de sa voiture n’a pas changé, genre classique comme elle a été fabriquée. Et la même chose à l’intérieur, à part quelques changements. Il a ajouté les ceintures de sécurité et a changé le bouton de démarrage.

Une passion nommée « Coccinelle »
Plus de 50 ans après l’arrêt de sa production, la coccinelle occupe encore une place particulière chez certains.

En fait, toutes les voitures se ressemblent à part quelques petites différences que seul un expert ou un passionné de coccinelle peut les remarquer. Cependant, les propriétaires de ces voitures, qui les trouvent très flexibles au changement, n’ont pas hésité à fignoler quelques petits détails pour attirer les regards avec des changements qui peuvent être petits ou grands, mais sans toucher à sa forme de base reconnaissable malgré tout. Ahmad Gamal n’arrête pas de l’embellir jour après jour. La silhouette est la même, mais elle est de couleur rouge à l’instar d’une toiture en bardeaux de métal et il a placé aussi des lampes, des accessoires, des pneus neufs, des sièges d’avion et un volant différent, et donc sa voiture ne cesse pas de se donner en spectacle en circulant dans la rue. « Je suis satisfait », dit Ahmad, en affirmant que sa licence est en règle malgré tous ces petits changements, et si les policiers l’arrêtent de temps en temps dans la rue, c’est pour jeter un coup d’oeil de près sur ce chef-d’oeuvre.

La coccinelle ne manque pas d’attirer la curiosité des passants, qu’elle soit à l’état initial ou ayant subi quelques changements. Il est impossible de ne pas lever le regard quand elle passe dans la rue, mais il faut reconnaître, selon Hayssam, que son moteur fonctionne parfaitement à l’inverse des autres voitures classiques de son époque qu’on peut admirer sans même les utiliser. « On connaît des mécaniciens spécialisés qui se sont abonnés sur la page, mais on peut facilement réparer nos voitures sans leur aide. De plus, cette voiture est très économique et possède une carrosserie robuste qui ne peut égaler aucune autre de modèle récent », dit Ghada Al-Attar, en citant l’exemple d’un accident qu’elle a fait avec « Zäzoua », une coccinelle qui date de 1976 et que son père avait ramenée avec lui de Russie. Elle raconte que la voiture a fait un tonneau, et malgré cela, elle n’a eu que de légères blessures et la carrosserie n’a pas été endommagée.

Ma voiture pour toujours

Une passion nommée « Coccinelle »

« Elle sent que je l’aime et je ne changerai pour rien au monde cette voiture. Je parle avec elle en conduisant, je prends soin de sa maintenance, je la nettoie régulièrement, alors elle m’a rendu cet amour », ainsi croit Ghada qui, comme tous les autres passionnés de la « cox », est souvent inquiète, craignant de la perdre. Chaque propriétaire réagit de la même manière avec sa voiture, sentant que la sienne est très belle et pleine de vie et non pas une carrosserie en fer. « Pour pouvoir imaginer ce que nous ressentons, il faudrait voir les différents films produits par Disney, et surtout la saga de Choupette, qui montre que la voiture est ni plus ni moins qu’une coccinelle vivante, une héroïne de films », dit Hayssam. Il ajoute que peut-être que les coccinelles ne coûtent pas cher, puisqu’avec 25 000 L.E. on peut en posséder une, mais ce qui est important c’est la valeur morale de la voiture.

Le temps s’écoule rapidement lors de tels rassemblements dont les discussions tournent autour de la « cox ». C’est ainsi que se déroulent les rencontres chaque semaine dès qu’ils arrivent sur le lieu de rendez-vous. Le reste de la semaine, ils se retrouvent sur la page Facebook du club, en attendant de pouvoir réaliser leur rêve, celui de fonder un siège pour le club comme leurs homologues dans d’autres pays du monde. « Un mérite qu’on lui doit », achève Hayssam.

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique