Amine Gemayel, ancien président du Liban
Al-Ahram fête 145 ans de militantisme au service de la cause arabe et des droits de l’homme. Il est né à une époque critique de l’histoire moderne de l’Egypte et de la région et a été témoin des plus beaux, mais aussi des plus amers moments de l’histoire moderne. Et donc, il était tout à fait normal qu’il soit influencé par les événements et qu’il les impacte en même temps.
Je n’écris pas pour rappeler, bien que j’en sois fier, que les fondateurs d’Al-Ahram, Bichara et Sélim Takla, étaient libanais, ou pour me remémorer l’époque de mon oncle, Antoine pacha Gemayel, qui a présidé la rédaction d’Al-Ahram. Mais pour donner du mérite à cette institution grandiose qui a jeté les bases d’un partenariat intellectuel et sociétal au service de l’homme libre, comme si les fondateurs avaient voulu faire d’Al-Ahram un incubateur de l’opinion libre, un parrain de la culture et de la paix et le modèle d’une pensée plurielle. Une panoplie d’intellectuels et d’écrivains engagés et libres se sont attelés à scruter le vécu du monde arabe, de la région et du monde en l’analysant et en se projetant à l’avenir. Ainsi, Al-Ahram est devenu un miroir qui interagit avec l’événement dans une optique critique du vécu bouillonnant de l’époque que nous avons vécue et une source d’information et d’analyse de l’événement dans ses dimensions politique, culturelle et économique.
Je voudrais rappeler ici le fait qu’Al-Ahram s’est toujours caractérisé par son style fluide et facilement accessible aux lecteurs. Avec Al-Ahram, le journalisme est devenu un outil de façonner l’opinion publique et pas seulement un moyen de véhiculer l’information. Il est à ce titre semblable aux grands journaux mondiaux, tels le Times, le Gardian, Le Monde, Le Figaro, le Washington Post et le New York Times. Il est le journal des Egyptiens et des Arabes et le journal international de toutes les époques. Le journal s’est érigé en s’opposant tant à l’intérieur qu’à l’extérieur aux politiques déformées et à l’idéologie et à la logique irraisonnées. Malgré sa proximité de l’Etat, Al-Ahram a souvent su prendre ses distances avec le régime, abordant avec le plus grand professionnalisme certaines questions au nom de la liberté d’expression. Les écrits d’Al-Ahram constituent une archive qui jalonne l’histoire moderne et une référence électronique sur la toile. Avec l’encre et Internet à la fois, Al-Ahram a été l’instigateur d’un essor culturel arabe se libérant de l’occupation intellectuelle et idéologique.
Je voudrais, à cette occasion du 145e anniversaire d’Al-Ahram, féliciter la Fondation Al-Ahram qui est le trait d’union entre le monde arabe et la scène internationale et qui a servi d’arène à tous les intellectuels libres. Il a immanquablement contribué à la prospérité intellectuelle de l’Egypte.
A l’heure des mutations troublantes que notre monde connaît aujourd’hui, nous avons grand besoin de l’expérience de la Fondation Al-Ahram et de son élite d’intellectuels et de créateurs. Cette prestigieuse institution a accompagné et a affronté des crises dangereuses, et elle a contribué au règlement de certaines d’entre elles. Par conséquent, elle est l’institution la mieux placée dans ces circonstances pour jouer un rôle pionnier dans le sauvetage de la nation avant qu’il ne soit trop tard.
Je saisis l’occasion du 145e anniversaire d’Al-Ahram pour féliciter cette fondation et tous les membres du 4e pouvoir égyptien. Je leur dis : préservez votre indépendance parce que si la presse est sujette au financement politique, elle faiblit et devient la mainmise d’un chef ou d’un leader.
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