Nihad, l'activiste des années 1990 et 2000
« On peut toujours trouver un terrain d’entente et arriver à un compromis, même lorsqu’il s’agit d’allier religion avec traditions », assure Nihad Aboul-Qomsane, présidente de l’Association égyptienne des droits de la femme. Cette association est très active sur terrain depuis les années 1990.
Son défi : trouver un compromis entre la définition internationale des droits de l’homme et les traditions égyptiennes. D’après Aboul-Qomsane, à chaque fois que quelqu’un tente de passer une loi garantissant un nouveau droit à la femme, il est accusé d’importer des idées occidentales en contradiction avec l’identité égyptienne.
A cause de son voile, elle a été accusée par certains d’être une intruse, voire un agent des islamistes, l’avocate ne renonce pas et veut prouver que son voile n’est pas en contradiction avec son parcours féministe, elle qui fut la collaboratrice de Nawal Al-Saadawi pendant plus de 16 ans.
Au cours de ses études à l’université, elle a affronté les candidats des Frères musulmans lors des élections estudiantines. Les étudiants ont commencé à parler de cette activiste en première année de faculté qui parlait haut et fort sans craindre personne. Elle était alors cette jeune néo-Wafdiste qui n’a pas tardé à s’éprendre d’un militant nassérien, Hafez Abou-Seada, avant de former avec lui une coalition contre les Frères musulmans.
« Nous ne sommes pas en conflit avec les religions, nous essayons de présenter des interprétations de l’islam adaptées aux évolutions de la vie moderne », précise Aboul-Qomsane. Consciente des critiques émises par les conservateurs, elle tente d’atténuer le langage agressif souvent adopté par les mouvements féministes. Elle sait qu’il vaut mieux ne pas s’attaquer aux sujets tabous de façon virulente.
« J’essaie lors de mes conférences de me référer aux conventions internationales ainsi qu’aux proverbes populaires issus du patrimoine culturel égyptien. Il faut utiliser un langage proche des gens pour que la question féministe ne soit pas le monopole d’une élite cultivée », affirme-t-elle.
En tant qu’avocate, elle a dû souvent se battre contre des discriminations flagrantes. « Les juges prononçaient des sanctions peu sévères dans les procès intentés pour les préjudices physiques résultant de l’excision. Cette pratique était considérée comme tout à fait normale. A travers l’Association égyptienne des droits de la femme, on a organisé une campagne visant à incriminer ces mutilations. Nous nous sommes servis des articles de loi garantissant la protection du corps humain », explique-t-elle.
L’avocate a également mené un combat contre le viol mais à sa manière. « Dire qu’un homme qui a violé une femme peut échapper à la sanction s’il accepte de se marier avec la victime est une honte. Car la femme est alors doublement victime : d’agression sexuelle et de mariage forcé ! C’est en quelque sorte un moyen pour qu’un voyou oblige une femme de bonne famille à l’épouser ! », martèle l’avocate.
L’activiste a lutté férocement avec des journalistes et des membres de la commission des législations au Parlement afin de la faire abroger. Et Aboul-Qomsane n’est pas prête à arrêter la lutte.
Lien court: