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La nouvelle cathédrale, tout un symbole

Hanaa Al-Mekkawi, Lundi, 08 janvier 2018

Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a assisté à la messe de Noël de cette année, tenue dans la nouvelle cathédrale construite dans la capitale administrative. Bâtie en moins d'un an, cette cathédrale, la plus grande du Moyen-Orient, est un message de paix, de tolérance et de défi au terrorisme.

La nouvelle cathédrale, tout un symbole
(Photo: Yasser Al-Ghoul)

« Un message de paix et d’amour au monde ». C’est avec ces paroles que le président Abdel-Fattah Al-Sissi s’est adressé aux fidèles lors de la messe de Noël copte organisée dans la cathédrale de la nativité du Christ, le 6 janvier, cette nouvelle cathédrale récemment érigée au coeur de la nouvelle capitale administrative, à environ 45 km du Caire.

Bien avant l’arrivée du président, l’assistance était là: les portes ferment à 18h30. Une demi-heure plus tard, les cloches de la cathédrale commencent à sonner, annonçant le début des cérémonies avec l’arrivée du chef de l’Etat et du pape Tawadros II, pape d’Alexandrie, patriarche de la prédication de saint Marc. Des dizaines de diacres chantant des hymnes font d’abord leur entrée, devançant le président et le patriarche, entourés par un grand nombre de prêtres, mais aussi de gardes du corps. Le cortège avance au milieu de l’assistance qui lance des youyous et des fleurs. « Nous vous aimons », ne cessent de répéter les fidèles au président et au pape jusqu’à leur arrivée à l’autel.

Si la messe de Noël du pape a été organisée dans cette nouvelle cathédrale, c’est précisément parce que le président Sissi a insisté sur le fait de tenir la promesse qu’il a faite l’année dernière aux coptes. En effet, lors de la messe du 6 janvier 2017, il avait annoncé la construction de cette cathédrale pour que les coptes sachent parfaitement que tous les Egyptiens et que lui-même sont contre l’extrémisme et le terrorisme. L’année précédente avait en fait été marquée par de nombreuses attaques terroristes contre les églises, faisant des dizaines de morts.

Temps de construction record

La nouvelle cathédrale, tout un symbole
(Photo: Yasser Al-Ghoul)

« La cathédrale n’est pas seulement un vaste espace qui rassemble les chrétiens orthodoxes pour pratiquer leur culte. Son existence est une marque du respect du principe de la citoyenneté chez tous les membres de la société égyptienne. Et c’est pour cela que tout le peuple partage la joie de sa construction ». Ainsi a annoncé le communiqué officiel émis par l’Eglise, commentant son inauguration. 2500 invités ont assisté à la messe de Noël. 500 d’entre eux sont des personnalités publiques ou politiques, alors que les 2000 autres sont des fidèles venant de tous les gouvernorats du pays. Ces invités ont été transportés en aller et retour par des bus consacrés à cette fin pour assurer leur confort, mais aussi pour des questions de sécurité. En fait, pour ce Noël, d’importantes mesures de sécurité ont été prises autour des églises, où l’on pouvait voir des cordons de sécurité et des membres des forces de la police et de l’armée. « Il fallait à tout prix réaliser ce projet, car le président insistait sur le fait de tenir sa promesse devant son peuple.

Chaque attaque contre les chrétiens nous faisait sentir qu’il fallait vraiment achever cette cathédrale pour montrer au monde entier que les Egyptiens sont plus forts que le terrorisme », dit Khaled Al-Khamissi, directeur du département des relations publiques à la nouvelle capitale administrative.

La nouvelle cathédrale, tout un symbole
Le dôme préfabriqué avant qu'il ne soit mis en place. (Photo: Yasser Al-Ghoul)

Etendue sur une surface de 63000 m2, la cathédrale, avec ses constructions, ses lumières éblouissantes et ses jardins parfaitement aménagés, paraît au milieu de ce désert tout noir comme une étoile tombée du ciel. Selon les déclarations de l’ingénieur Nagui Aref, chef de la compagnie d’électricité du Nord du Caire, 6 générateurs de différentes capacités et différents volumes ont été acheminés pour l’éclairage de la cathédrale et de ses alentours et pour la transmission télévisée de l’événement. « Nous avons achevé en six mois un travail qui devait être fait en trois ans », déclare Antonio Mounir, directeur des projets dans la principale compagnie responsable de la construction du projet sous la direction du génie civil de l’armée. Il est l’un des quelques 3000 ingénieurs, directeurs et ouvriers qui ont participé à la construction de cette cathédrale, considérée comme la plus grande non seulement en Egypte, mais dans tout le Moyen-Orient. Mounir ajoute que la messe a été organisée dans l’étage qui s’est achevé le premier et qui peut accueillir 2500 visiteurs. Mais la cathédrale comprendra un deuxième étage d’une capacité de 7 500 personnes et une autre église, « Al-Chaab », qui pourra comprendre plus de 1000 fidèles. « Actuellement, nous avons achevé 60% des travaux», affirme Mounir. Ce dernier poursuit que tous les critères de la construction des églises ont été respectés avec un design copte qui ressemble à une croix. Les cloches de la cathédrale sont italiennes.

Un travail ardu

La nouvelle cathédrale, tout un symbole
Les icônes et les croix ont été installées à la dernière minute. (Photo: Yasser Al-Ghoul)

A l’intérieur, tout est luxueux. Les murs, ornés de grandes icônes, sont entièrement recouverts de bois. Les piliers portent les motifs de grappes de raisins, symbole de la vie offerte par Jésus-Christ. Des tapis couvrent le sol et d’immenses lustres pendent du plafond. Cette scène glorieuse qui accueille les fidèles et les visiteurs de la cathédrale n’existait pas quelques jours seulement avant la messe. Ces dernières touches ont été apportées à la dernière minute. Lors des derniers mois, chaque semaine, chaque jour et même chaque heure apportait un certain progrès qui rendait la scène différente. « Nous avons travaillé comme des fous pour achever le travail à temps. Non pas seulement pour les préparatifs des dernières semaines, mais dès le début il fallait trouver des astuces pour pouvoir respecter les délais », déclare Mounir. Il explique que des techniques modernes ont été utilisées pour accélérer le rythme du travail. Les parties du mur extérieur, les escaliers et les minarets ont été fabriqués ailleurs à l’aide du béton préfabriqué, puis rassemblés sur place. Des matériaux modernes comme le béton à séchage rapide ont également été utilisés. « Sans ces astuces, nous aurions pris le triple du temps », dit Mounir. Depuis des jours et des mois, l’endroit ressemble à une ruche d’abeilles. Mais plus la date de la messe approchait, plus le rythme s’accélérait. Outre les astuces et techniques utilisées, il ne faut pas oublier l’importance de l’élément humain, représenté par des milliers d’ouvriers qui travaillaient 24h sur 24 sans même se demander quand ils pourraient se reposer.

« C’est un bébé que je voyais grandir devant mes yeux jour après jour ». C’est ainsi que s’exprime Mina, fier d’avoir participé à la construction de la cathédrale dont tout le monde parle et qu’il considère comme un cadeau de Noël que l’Etat offre aux coptes. Son collègue Salah affirme être heureux d’avoir eu la chance de travailler dans les projets de la nouvelle capitale en général, mais surtout dans la construction de la cathédrale, car d’après lui, « c’est autre chose, c’est une maison de Dieu ». Ce dernier, originaire de Haute-Egypte, affirme que c’est ici qu’il a appris pour la première fois que les chrétiens peuvent être aussi catholiques et non pas seulement orthodoxes.

Plusieurs messages

La nouvelle cathédrale, tout un symbole
Les dernières retouches sur l'autel. (Photo: Yasser Al-Ghoul)

Musulmans et chrétiens, tout le monde avait le même objectif, celui d’achever la cathédrale où tout le monde attend de voir la messe. D’après l’ingénieur Georges, l’influence des quelques mois passés par les ouvriers ou les ingénieurs dans la construction de la cathédrale peut être beaucoup plus forte que les prêches lancés dans les mosquées et les églises invitant les gens à s’aimer et à se respecter. « En fait, la construction de la cathédrale et le désir ardent d’y organiser la messe cette année reflètent plusieurs réalités et envoient plusieurs messages », dit le politologue Sameh Fawzi. « Premièrement, dit-il, l’Etat affirme qu’il n’est pas seulement concerné par la restauration des églises démolies suite aux attaques terroristes après la révolution, mais il nous construit aussi la plus grande église du Moyen-Orient. Deuxièmement, la construction de cette cathédrale s’inscrit dans la conscience de l’Histoire qui établit toujours un lien entre la cathédrale et le chef de l’Etat sous le mandat duquel elle a été construite. Lorsqu’on mentionne l’église apostolique, on se souvient tout de suite du président Nasser lors de son inauguration avec le pape Kirollos et Haile Selassie, l’empereur de l’Abyssinie ». Fawzi ajoute que le message le plus important, c’est celui adressé aux coptes pour les tranquilliser et leur faire sentir que l’Etat les soutient. « Seulement, cette scène ne doit pas nous faire oublier que certaines églises en Haute-Egypte sont incapables d’ouvrir leurs portes et d’accueillir les fidèles. Une situation qui doit s’achever très prochainement », dit Fawzi.

La nouvelle cathédrale, tout un symbole
Le lion, symbole de saint Marc. (Photo: Yasser Al-Ghoul)

Le temps passe rapidement sans que l’enthousiasme disparaisse de l’endroit, les youyous et les cris de joie fusent de toutes parts dans une ambiance de sérénité, la veille de la naissance du prophète de la paix. « Une nouvelle époque, une nouvelle vision, au cours desquelles on voit la véritable image de l’Egypte qui possède la civilisation la plus glorieuse du monde », dit le pape Tawadros II dans son mot en ajoutant que nous pouvons tout à fait comparer cette nouvelle cathédrale à l’église de la Nativité de Bethléem .

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