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Balfour : Nouvelle occasion ratée

Samar Al-Gamal, Lundi, 06 novembre 2017

Des campagnes anti-célébration de la Déclaration Balfour tentent difficilement de briser le mur du silence et remettre, à cette occasion, les droits palestiniens sur le devant de la scène.

Nouvelle occasion ratée
Affiches traçant l'avant et l'après de la création d'Israël interdites du métro londonien.

La décision de Londres d’offrir un gala à Lancaster House au chef du gouver­nement israélien, Benyamin Netanyahu, a donné le coup d’envoi aux campagnes anti-Balfour. Theresa May, virilement critiquée pour cette célébration, boy­cottée par le chef de l’opposition et du Labour Party, aurait dû, selon les Palestiniens, « s’excuser » au lieu de « célébrer » cet événement. Dans les rues de Londres, des dizaines de milliers de personnes ont participé à une grande marche dénonçant la Déclaration Balfour et demandant la liberté à la Palestine et son peuple. La marche est partie devant l’ambas­sade américaine au milieu de Londres pour parcourir plusieurs rues de la capitale.

Les campagnes anti-Balfour se font nombreuses, mais leur impact est faible. Des affiches montrant des images qui établissent des comparai­sons entre la vie des Palestiniens avant et après 1948 ont été interdites du métro londonien. Car « ne respec­tant pas les directives qui interdisent les clichés liés aux questions trop sensibles au sein de la société », selon l’Entreprise des transports. Les affiches créent un contraste entre des images de la vie de la Palestine sous mandat britannique en 1948 et d’autres qui ont été photographiées depuis l’établissement, la même année, de l’Etat juif, avec en légende une citation de la Déclaration Balfour : « Rien ne devra être fait qui pourrait porter préjudice aux civils et aux droits des communautés non juives existantes en Palestine ».

Les affiches font partie de la cam­pagne lancée par l’autorité palesti­nienne sous le nom « MakeItRight » et qui inclut aussi une campagne sur les réseaux sociaux ciblant les res­ponsables britanniques avec un hashtag sur Twitter. Une campagne lancée le 20 septembre et qui doit se poursuivre jusqu’au 20 novembre. Un autre hashtag #Balfour 100 a été lancé par le Congrès populaire des Palestiniens à l’étranger, en coopéra­tion avec d’autres groupes pro-pales­tiniens, dans le cadre d’une cam­pagne populaire sous le titre « Balfour : Centenaire d’un projet colonial ».

« La campagne sur Twitter était très active, mais on n’a pas encore vu d’impact sur le terrain », explique Tahrir Abdallah, professeur à l’Uni­versité palestinienne. « Nous sommes encore dans le virtuel », dit-elle.

Au mois de février, Balfour Apology Campaign, initiée par le groupe des droits de l’homme du Centre pour le retour des Palestiniens, avait lancé une pétition sur le site du parlement britannique appelant le pays à « présenter ouvertement ses excuses au peuple palestinien pour l’émission de la Déclaration Balfour ». Une demande rejetée par le 10 Downing Street.

Une autre demande sous forme de pétition circulait pour demander l’annulation de l’événement tenu à la Royal Albert Hall le 7 novembre, et organisé par le groupe Balfour 100 Ltd, anciennement United Christian Alliance For Israel, pour célébrer ce centenaire. Dans leur lettre, les mili­tants exigent l’annulation immédiate de l’événement. « L’événement que vous organisez est très motivé politi­quement et son but est de couvrir le

régime d’apartheid israélien, l’oc­cupation militaire et le déplacement de millions de réfugiés palestiniens. La Déclaration Balfour de 1917 a directement causé la guerre israélo-arabe de 1948, où Israël a nettoyé ethniquement 750 000 Palestiniens et ensuite établi un Etat en Palestine ».

A part une tribune écrite par Mahmoud Abbas, le chef de l’Auto­rité palestinienne, dans le quotidien britannique The Guardian, aucune autre démarche officielle du monde arabe n’a eu lieu. Dans sa tribune publiée mercredi 1er novembre, le président de l’Autorité palestinienne a fustigé la Déclaration Balfour, l’ac­cusant d’avoir été le début d’un pro­cessus ayant provoqué un siècle de souffrance pour les Palestiniens, et appelant les autorités britanniques à prendre des mesures pour y remé­dier.

« La Déclaration Balfour n’est pas une chose à célébrer — certainement pas tant que l’un des peuples concer­nés continue de subir une telle injus­tice », a écrit Abbas. « La création d’un pays pour un peuple a abouti à la dépossession et à la poursuite de la persécution d’un autre — et aujourd’hui à un profond déséqui­libre entre occupant et occupé ».

« L’équilibre doit être rétabli et la Grande-Bretagne porte une grande part de responsabilité en ayant ouvert la voie. Les célébrations doi­vent attendre le jour où tout le monde sur cette terre aura la liberté, la dignité et l’égalité », a-t-il ajouté. Les campagnes contre la célébration du centenaire de Balfour sont plutôt une réaction, ou des anti-campagnes, que des campagnes bien menées et bien ficelées pour exprimer la posi­tion palestinienne.

« J’aurais espéré que tous les mouvements et activistes en solida­rité avec les Palestiniens organisent une marche importante le même jour de la Déclaration Balfour », ajoute la professeure palestinienne.

Elle regrette en effet cette « absence de conscience qui est un résultat des ententes d’Oslo, qui ont implanté le sentiment de la défaite chez les Arabes ». Ainsi, presque aucune mesure pro-active n’émane des gouvernements arabes pour un événement dont la date est certes connue d’avance. A part les mani­festations à Londres ou dans les territoires palestiniens, les capitales arabes ont raté cette occasion du centenaire de Balfour. « C’est frus­trant pour les Palestiniens », avoue Abdallah .

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