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Médias égyptiens: La cause de tous les maux

Mohamed Abdel-Hady, Mardi, 26 mars 2013

Accusés de vouloir saper la présidence de Morsi, les professionnels sont pris pour cible lors des manifestations, montrés du doigt par le régime et poursuivis en justice.

Medias

Des centaines de manifestants islamistes poursuivent depuis dimanche un sit-in devant la Cité des médias, d’où diffusent la majorité des télévisions privées, afin de protester contre « les chaînes de la sédition ». Ils accusent plusieurs chaînes privées, dont Dream, ONTV, CBC, et Al-Hayat, de prendre parti contre le régime du président Mohamad Morsi en corrompant les faits. Malgré l’important dispositif sécuritaire déployé, plusieurs présentateurs ont essuyé des agressions verbales dans la nuit de dimanche à lundi à l’entrée de la Cité, alors que d’autres invités n’ont pas réussi à atteindre les studios.

« Tous ceux qui travaillent ici trouvent une difficulté à briser le siège à part le personnel des chaînes Al-Hafez et Al-Nas (islamiques) », s’est plainte Mona Al-Chazli, animatrice d’un talk-show très suivi.

Des activistes sympathisant avec le régime du président Morsi avaient lancé samedi l’appel à cette manifestation sur les réseaux sociaux, pour protester contre « l’attaque », la veille du siège de la confrérie des Frères musulmans à Moqattam. Ils ont été soutenus dans leur appel par des figures islamistes, dont le salafiste Hazem Abou-Ismaïl, déjà à l’origine d’un « siège » de la Cité des médias en décembre dernier. Celui-ci a accusé certains présentateurs de chercher la « destruction de l’Egypte » à travers leurs programmes. « Il faut se rendre chez eux pour protester, c’est une nécessité », cautionne-t-il.

Pour sa part, la confrérie des Frères musulmans, tout en dénonçant la partialité de certains médias, a officiellement pris ses distances avec cette manifestation. « Certains journalistes prétendent que les affrontements de vendredi étaient une guerre entre deux parties plutôt que l’agression de l’une contre l’autre », dénonce le secrétaire général de la confrérie Mahmoud Hussein.

Le ministre de l’Intérieur Mohamad Ibrahim s’est rendu sur les lieux dimanche à minuit pour essayer de convaincre les manifestants à évacuer les lieux. Ces derniers l’ont accueilli par des slogans hostiles et ont menacé de poursuivre leur sit-in jusqu’à ce que les médias soient « purgés ».

La manifestation devant la Cité des Médias n’a pas été le seul événement visant les journalistes cette semaine. Son détonateur n’a été autre qu’une autre manifestation, celle devant le QG des Frères, où une douzaine de journalistes ont été agressés. Les deux camps, sympathisants et opposants, se renvoient la responsabilité de ces agressions, chacun mettant en avant « les leurs ». Le parti des Frères (Liberté et justice) a sollicité samedi la solidarité des activistes et des « collègues des médias publiques et privés » pour « protéger le métier des journalistes ». Sur la douzaine de journalistes blessés à Moqattam, les Frères en comptent trois.

Selon l’Association de la liberté de l’opinion et de l’expression, AFTE, qui a reçu onze plaintes de la part de journalistes de quotidiens indépendants, ces derniers ont été « traînés par terre, battus avec des gourdins et ont essuyé des coups de feu ».

Procès pour délits de presse

Toutes tendances confondues, les journalistes ont manifesté samedi devant le siège de leur syndicat au centre du Caire contre la violence qui les vise. A l’intérieur du bâtiment cependant, l’ambiance était plutôt hostile aux Frères, accusés de tronquer les vidéos pour se montrer victimes. Le président du syndicat fraîchement élu, Diaa Rachwan, a affirmé défendre ses collègues « indépendamment de leurs appartenances politiques » et « le procureur général a considéré la plainte du syndicat et a ordonné l’arrestation de trois accusés » dans les violences contre les journalistes qui couvraient la manifestation de Moqattam, affirme Rachwan.

Depuis l’arrivée au pouvoir du président Mohamad Morsi, les journalistes et les Frères musulmans se trouvent engagés dans un bras de fer. Les locaux de plusieurs journaux de la presse indépendante comme Al-Wafd et Al-Watan ont été attaqués, et des avocats islamistes multiplient les procès pour délits de presse contre des journalistes libéraux.

« Il est impérieux de sensibiliser les gens à l’importance de la presse. Il faut comprendre que les journalistes ne font que retransmettre la réalité et ne sont pas partie prenante dans les conflits. Le gouvernement doit prendre les mesures nécessaires pour accorder une protection aux journalistes », dit Abdel-Mohsen Salama, candidat malchanceux à la présidence du syndicat.

Pour Mohamad Mekkawi, porte-parole du parti Liberté et justice, il est important d’élaborer une charte d’honneur qui assure le respect de tous les journalistes issus des différents courants politiques. Il reproche toutefois au nouveau chef du syndicat d’avoir mis de l’eau dans son vin en réagissant à l’agression des journalistes proches des Frères, « alors que quelques jours auparavant, il a fait le tour des chaînes pour stigmatiser l’attaque contre leurs confrères de la presse indépendante », accuse-t-il. Visiblement, la suspicion reste de mise.

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