Le développement urbain s'étend au désert, loin des espaces de travail au centre des villes.
(Photo:Bassam Al-Zoghby)
La banque mondiale (BM) a décidé de fermer les yeux sur les mauvaises politiques en matière de logement adoptées ces dernières décennies par les différents gouvernements égyptiens. Elle vient en effet d’offrir un prêt de 500 millions de dollars (3,5 milliards de L.E.) à l’Egypte pour « améliorer l’accès au logement de 3,6 millions d’Egyptiens, dont 1,6 million sont en dessous du seuil de pauvreté », précise Sahar Nasr, directrice du programme de logement à la Banque mondiale, dans un communiqué de presse.
La majorité de la somme servira principalement à étendre la base des bénéficiaires de ces logements. Aujourd’hui, ces bénéficiaires se situent principalement dans les 30 % les plus riches de la population. « Le projet renforce l’inclusion économique et le développement durable en offrant un accès au logement aux 20 % les plus pauvres de la population égyptienne », se félicite Poonam Gupta, directeur Egypte au sein de la BM.
Pour le moment, le montant des financements hypothécaires en Egypte ne représente qu’1 % du PIB, un des plus faibles taux au Moyen-Orient. La BM note également que 69 % du total des crédits au logement n’ont servi qu’à ceux qui habitent au Caire et à Guiza.
« La BM privilégie le crédit immobilier dans les aides au logement. Or, ce n’est pas un outil approprié quand il s’agit des gens à bas revenus », regrette Yahia Chawkat, co-fondateur de 10 Touba pour les recherches du développement urbain.
La grande majorité du prêt servira en effet à offrir un financement peu coûteux (avec un intérêt de 7 %) aux familles qui gagnent moins de 2 000 L.E. par mois, soit 40 % de la population. Mais « ce genre de programme finit par bénéficier aux classes moyennes », relativise Chawkat (voir encadré).
Trois millions d’appartements désertés
Le financement de la BM accorde aussi un intérêt aux autres options, comme la location. La BM avait mené en 2014 et 2015 plusieurs discussions avec les parties concernées pour développer ce programme immobilier. Yahia Chawkat, qui a pris part aux discussions, avait notamment insisté sur l’importance de la location. Mais cette option, dans le programme actuel, demeure « sous-utilisée ».
D’après ses calculs, le programme offre un financement pour un total de 400 000 unités (sur un million promis par le gouvernement pour les classes pauvres et moyennes). La location subventionnée ne concerne que 80 000 unités.
Ces dernières décennies, les gouvernements successifs ont adopté des politiques de logement inefficaces qui ont mené à une situation incompréhensible : trois millions d’appartements ont été construits, mais ne sont pas habités, alors que des centaines de milliers de familles n’ont pas accès au logement.
On estime à plus d’un million le nombre de familles qui ne trouvent pas de logement adéquat. Conséquence : le quart de la population ne trouve d’autre choix que de vivre dans des bidonvilles ou des quartiers informels. Le nouveau programme de logement inclusif tentera de cibler cette catégorie.
La BM espère que l’Egypte sera capable de construire assez de nouveaux logements pour absorber, sur cinq ans, l’ensemble de la demande. Une partie du prêt sera d’ailleurs consacrée à l’amélioration de la politique et des législations relatives aux logements sociaux.
Déjà, le gouvernement a entrepris une étape à cet égard, en unifiant les efforts des différentes institutions locales et gouvernementales sous la tutelle du Fonds de Logement Social (FLS). La BM laisse cependant au gouvernement la tâche d’augmenter l’offre en logements, saluant son effort pour inciter le secteur privé à construire davantage pour les catégories les plus pauvres.
L’Egypte fait partie des pays allouant le moins d’investissements au logement (1 % du PIB, contre une moyenne dans la région de 4,5 % et une moyenne de 6,5 % dans les pays à revenus moyens, comparables à l’Egypte). « Le FLS dispose actuellement de 12 milliards de L.E. provenant de la vente de 60 000 logements déjà bâtis, alloués à la classe moyenne par le biais d’un financement immobilier », souligne Yahia Chawkat. Reste à savoir si ce programme sera plus efficace que les précédents.
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