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L’aide au logement peut-elle devenir efficace ?

Salma Hussein, Lundi, 15 juin 2015

La Banque mondiale vient d’offrir à l’Egypte un prêt de 500 millions de dollars pour l’aide au logement aux couches les plus pauvres. Mais peu de garanties assureront que ce programme bénéficiera aux catégories visées.

L’aide au logement peut-elle devenir efficace ?
Le développement urbain s'étend au désert, loin des espaces de travail au centre des villes. (Photo:Bassam Al-Zoghby)

La banque mondiale (BM) a décidé de fermer les yeux sur les mauvaises politiques en matière de logement adoptées ces dernières décennies par les différents gouvernements égyp­tiens. Elle vient en effet d’offrir un prêt de 500 millions de dollars (3,5 milliards de L.E.) à l’Egypte pour « améliorer l’accès au logement de 3,6 millions d’Egyptiens, dont 1,6 million sont en dessous du seuil de pauvreté », précise Sahar Nasr, direc­trice du programme de logement à la Banque mondiale, dans un communi­qué de presse.

La majorité de la somme servira principalement à étendre la base des bénéficiaires de ces logements. Aujourd’hui, ces bénéficiaires se situent principalement dans les 30 % les plus riches de la population. « Le projet renforce l’inclusion écono­mique et le développement durable en offrant un accès au logement aux 20 % les plus pauvres de la popula­tion égyptienne », se félicite Poonam Gupta, directeur Egypte au sein de la BM.

Pour le moment, le montant des financements hypothécaires en Egypte ne représente qu’1 % du PIB, un des plus faibles taux au Moyen-Orient. La BM note également que 69 % du total des crédits au logement n’ont servi qu’à ceux qui habitent au Caire et à Guiza.

« La BM privilégie le crédit immo­bilier dans les aides au logement. Or, ce n’est pas un outil approprié quand il s’agit des gens à bas revenus », regrette Yahia Chawkat, co-fondateur de 10 Touba pour les recherches du développement urbain.

La grande majorité du prêt servira en effet à offrir un financement peu coûteux (avec un intérêt de 7 %) aux familles qui gagnent moins de 2 000 L.E. par mois, soit 40 % de la popula­tion. Mais « ce genre de programme finit par bénéficier aux classes moyennes », relativise Chawkat (voir encadré).

Trois millions d’appartements désertés
Le financement de la BM accorde aussi un intérêt aux autres options, comme la location. La BM avait mené en 2014 et 2015 plusieurs dis­cussions avec les parties concernées pour développer ce programme immobilier. Yahia Chawkat, qui a pris part aux discussions, avait notamment insisté sur l’importance de la location. Mais cette option, dans le programme actuel, demeure « sous-utilisée ».

D’après ses calculs, le programme offre un financement pour un total de 400 000 unités (sur un million pro­mis par le gouvernement pour les classes pauvres et moyennes). La location subventionnée ne concerne que 80 000 unités.

Ces dernières décennies, les gou­vernements successifs ont adopté des politiques de logement inefficaces qui ont mené à une situation incompré­hensible : trois millions d’apparte­ments ont été construits, mais ne sont pas habités, alors que des centaines de milliers de familles n’ont pas accès au logement.

On estime à plus d’un million le nombre de familles qui ne trouvent pas de logement adéquat. Conséquence : le quart de la popula­tion ne trouve d’autre choix que de vivre dans des bidonvilles ou des quartiers informels. Le nouveau pro­gramme de logement inclusif tentera de cibler cette catégorie.

La BM espère que l’Egypte sera capable de construire assez de nou­veaux logements pour absorber, sur cinq ans, l’ensemble de la demande. Une partie du prêt sera d’ailleurs consacrée à l’amélioration de la poli­tique et des législations relatives aux logements sociaux.

Déjà, le gouvernement a entrepris une étape à cet égard, en unifiant les efforts des différentes institutions locales et gouvernementales sous la tutelle du Fonds de Logement Social (FLS). La BM laisse cependant au gouvernement la tâche d’augmenter l’offre en logements, saluant son effort pour inciter le secteur privé à construire davantage pour les catégo­ries les plus pauvres.

L’Egypte fait partie des pays allouant le moins d’investissements au logement (1 % du PIB, contre une moyenne dans la région de 4,5 % et une moyenne de 6,5 % dans les pays à revenus moyens, comparables à l’Egypte). « Le FLS dispose actuelle­ment de 12 milliards de L.E. prove­nant de la vente de 60 000 logements déjà bâtis, alloués à la classe moyenne par le biais d’un financement immobi­lier », souligne Yahia Chawkat. Reste à savoir si ce programme sera plus efficace que les précédents.

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