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Archéologie : Une main ferme sur les missions étrangères

Nasma Réda, Lundi, 05 janvier 2015

Les autorités égyptiennes cherchent à surveiller de plus près les travaux des missions archéologiques étrangères, qui sont plus de 200 dans le pays, afin de freiner les violations de la loi.

Archéologie : Une main ferme sur les missions étrangères

La publication d’une découverte archéologique majeure au Fayoum, à une centaine de km du Caire, dans le quotidien égyptien Daily Mail a suscité la colère d’un grand nombre de professionnels du milieu, et a par la suite rouvert le dossier des missions étrangères opérant en Egypte.

L’affaire commence quand le professeur Kerry Muhlestein, chef de la mission américaine de la Brigham Young University (BYU) opérant sur le site Fag Al-Gamous, place l’équipe de chercheurs américains dans une situation difficile. Lors d’une conférence de presse à Toronto (Canada), il annonce la découverte de 1 700 momies et estime découvrir bientôt près de 1 million de momies sur le même site. Une déclaration susceptible de provoquer la suspension définitive des travaux de cette mission présente sur le site depuis près de 30 ans. « Cette publication donne clairement de fausses informations. Muhlestein a commis une grave erreur professionnelle en abordant le sujet des fouilles et découvertes sans informer le ministère des Antiquités au préalable. Cela implique pour le ministère la nécessité d’entamer immédiatement une enquête pour décider du sort de cette mission. Il est très probable qu’elle soit définitivement suspendue », a annoncé Youssef Khalifa, chef du département des antiquités égyptiennes au ministère des Antiquités.

La loi dit, en effet, que le chef d’une mission n’a pas le droit de publier une découverte à l’étranger sans en informer au préalable ce ministère. « La loi doit être strictement appliquée et une mission ne doit pas publier les résultats de ses fouilles et recherches sans en informer d’abord les responsables égyptiens », souligne Magdi Al-Ghandour, ex-chef du département des missions étrangères. Idée partagée par Abdel-Halim Noureddine, chef de l’Union des archéologues égyptiens, qui affirme qu’il existe des missions passant outre les règlements et que leurs travaux devraient être immédiatement suspendus.

Archéologie : Une main ferme sur les missions étrangères

La mission américaine en question n’est pas la seule à transgresser la loi. En 2002, les travaux d’une mission néerlandaise à Saqqara ont été suspendus suite à une annonce dans les médias étrangers d’une découverte, alors qu’elle n’avait pas d’autorisation de fouiller. Une autre affaire similaire a eu lieu cette saison, concernant les travaux de fouilles de deux missions françaises à Saqqara : celle du Bubastéion dirigée par Alain Zivie sur le site de Saqqara depuis plus de 30 ans, ainsi que celle de l’IFAO dirigée par Vassil Dobrev qui y travaille depuis 2001. Ces deux missions opèrent depuis de longues années sur ces sites, mais elles ne respectent pas complètement la loi, puisqu’elles n’ont pas fait de publications de leurs travaux depuis plusieurs années. « Cette suspension n’est pas notre première réaction. Il y a deux ans, on a informé les chefs de ces missions de la nécessité de publier leurs travaux, mais ils n’ont pas respecté les règles. On a alors été obligé de suspendre leurs fouilles. La publication scientifique et l’enregistrement de toute découverte sont obligatoires », martèle Hani Aboul-Azayem, chef du département des missions étrangères au ministère des Antiquités.

Bien que les fouilles de ces missions soient suspendues, ses membres sont toujours sur le site pour des travaux de réaménagement, de photographie et de sauvegarde des informations. « J’ai averti Vassil Dobrev qu’il doit arrêter tout type de fouilles jusqu’à ce qu’il enregistre ses travaux et les publie en tant que recherche scientifique. Dobrev nous a assuré que la publication est en cours à l’imprimerie de l’Institut Français d’Archéologie Orientale (IFAO). Ce n’est qu’ensuite que la mission pourra reprendre ses travaux », explique Alaa Al-Chahat, directeur du site de Saqqara.

Ces publications des missions étrangères doivent être faites tous les quatre ans au maximum. « Une fois les fouilles terminées sur un site, vient le rôle de son directeur de documenter et de photographier le lieu centimètre par centimètre », souligne Al-Ghandour. « Il faut contrôler et bien surveiller ces missions ; en cas de violation de la loi, je suis pour la décision de suspendre tous les travaux de ces archéologues étrangers », déclare Noureddine.

Si la responsabilité pèse principalement sur les épaules des missions étrangères, cela n’écarte pas pour autant la faute du côté égyptien. En effet, chaque mission est accompagnée par un inspecteur égyptien qui la suit de près et c’est à lui de remettre un rapport au ministère, mentionnant toutes les infractions commises. « La faiblesse et le manque d’expérience de certains membres du ministère des Antiquités nous placent dans une situation délicate », reconnaît Noureddine, ajoutant que le manque de publication n’est pas le seul problème, puisque des cas de falsification et de vol de pièces sont rencontrés. Ainsi en 2003, l’archéologie française a traversé une tempête quand l’architecte Stéphane Rousseau, membre de l’équipe du Centre des études alexandrines dirigé par Jean-Yves Empereur, a été arrêté par la police au moment de prendre l’avion. Dans ses bagages auraient été retrouvés des objets et pièces de monnaie anciennes. Accusé de vol, il a été expulsé d’Egypte. La sanction n’a toutefois été qu’individuelle. Alors, « la main ferme de l’Egypte doit s’étendre sur tous les sites, même ceux où des Egyptiens opèrent. Pour cela, les inspecteurs doivent être qualifiés et avoir les yeux grand ouverts », conclut Al-Ghandour .

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