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Victoire palestinienne à l’Unesco

Nasma Réda, Mardi, 22 juillet 2014

L’Unesco a intégré le village palestinien de Battir à la liste du Patrimoine mondial. L’organisation onusienne dénonce les agissements d'Israël qui mettent en danger les sites historiques palestiniens.

Lors d’une réunion le mois dernier au Qatar, l’Unesco a voté pour l’inscription de Battir sur la liste du Patrimoine mondial. La vallée de ce village est connue pour ses terrasses et son système d’irrigation vieux de 2 000 ans. Mais comme des centaines d’autres villages et sites historiques palestiniens, Battir était menacé par le mur de séparation israélien. « Ce mur a permis à Israël de s’accaparer 3 000 sites historiques palestiniens », se lamente Mohamad Al-Kahlawi, secrétaire général de l’Union des archéologues arabes.

Plusieurs pays, avec à leur tête l’Algérie, le Liban et le Qatar, avaient dénoncé les dangers qui menacent ce site unique. « Les constructions dans la région menacent le système d’irrigation et menacent également les citoyens qui y vivent », a souligné le délégué palestinien à l’Unesco.

Battir a une valeur historique exceptionnelle. Selon le ministre palestinien du Tourisme et des Antiquités, Roula Maaya, ce village est un « symbole de l’attachement des Palestiniens à leur terre ».

Non seulement le village de Battir a été inscrit sur la liste du Patrimoine mondial, mais l’Unesco a également décidé d’inscrire le site sur la liste du patrimoine en péril, considérant que le paysage est « menacé par les transformations socioculturelles et géopolitiques ». En effet, la construction du mur de séparation pourrait isoler les fermiers des champs qu’ils ont cultivés pendant des siècles.

De son côté, Israël a considéré que la décision de l’Unesco est politisée. La Turquie, le Kazakhstan, le Pérou, le Qatar et l’Inde ont pourtant tous défendu cette double inscription. Le représentant palestinien à l’Unesco a, lui, salué cette décision « courageuse » contre l’enfermement, l’exclusion et la domination.

Des voix s’élèvent appelant à défendre le patrimoine palestinien. « Le patrimoine palestinien est en danger. Des organisations comme l’ALECSO (Organisation arabe pour l’éducation, la culture et les sciences) et l’ISESCO (Organisation islamique pour l’éducation, les sciences et la culture) doivent travailler sur le terrain pour sauver le patrimoine arabe », explique le secrétaire général de l’Union des archéologues arabes.

Israël toqué par l’Unesco

En fait, des 21 membres du comité du Patrimoine mondial, seuls 3 ont voté contre l’inscription de Battir sur la liste du patrimoine mondial en péril.

La vallée de Battir, qui est connue pour ses terrasses agricoles, et qui est située tout près de la ligne de démarcation dessinée en 1949 entre Israël et la Cisjordanie, « mérite d’être protégée, et immédiatement », a déclaré la responsable de la délégation algérienne, soutenue par la Malaisie et le Sénégal.

Le site de Battir n’est pas la première victoire pour la Palestine à l’Unesco. Les Palestiniens avaient réussi, en 2012, à inscrire la basilique de la Nativité de Bethléem, en Cisjordanie, au Patrimoine mondial. Pour le ministère palestinien des Affaires étrangères, c’était la première fois que la Palestine exerçait son droit souverain en tant que nation. Loin de la Palestine, le site palestinien n’était pas le seul à causer des débats à l’intérieur de cette réunion. Le dossier émis par l’Arabie saoudite pour introduire la vieille ville de Djeddah sur la liste du Patrimoine mondial a aussi soulevé certains débats. Ce dossier, refusé depuis trois ans, a finalement été approuvé (voir encadré). Le site d’Erbil en Iraq a lui aussi été classé.

Le bilan de cette session tenue au Qatar reste pourtant concentré autour du site de Battir. Si à l’Onu les Israéliens ont toujours assez de poids pour éviter d’être montrés du doigt dans leur politique d’exclusion et de colonisation, dans les instances culturelles, la dénonciation commence à se faire de plus en plus vive.

Djeddah enfin classé

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La vieille ville de Djeddah, en Arabie saoudite, située dans la région historique du Hedjaz avec ses monuments et ses mosquées, a été inscrite sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco.

« Djeddah a été, à partir du VIIe siècle, l’un des ports les plus importants sur les routes commerciales de l’océan Indien. C’est ici qu’arrivaient les marchandises à destination de La Mecque », a souligné l’agence de l’Onu dans un communiqué. En fait, ce n’est pas la première fois que l’Arabie saoudite tente d’introduire la vieille ville de Djeddah sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco. En 2011, le dossier « vieille ville de Djeddah » avait été refusé par la commission de l’Unesco.

« Les Arabes ne savent ni comment présenter leurs dossiers, ni comment défendre leurs sites », regrette Mohamad Al-Kahlawi, secrétaire général de l’Union des archéologues arabes. Il accuse les organisations arabes et islamiques de mauvaise organisation. « C’est à eux que revient la responsabilité de défendre les sites antiques et de les protéger, surtout ceux en danger ». Il ajoute que lors d’une visite à Djeddah, il y a près de trois ans, « j’ai remarqué que certains citoyens détruisaient leurs bâtiments antiques, afin de bâtir de nouveaux immeubles plus modernes. Et les autorités ne faisaient rien ».

Aujourd’hui, les documents de Djeddah, cette ville qui représente une grande partie de l’histoire de l’islam, ont été pris en considération.

En effet, la prospérité de cette ville a commencé depuis la VIIe dynastie (soit en 647), lorsque cette ville— située sur la côte orientale de la mer Rouge— était considérée comme le principal port situé sur la route du commerce des marchandises de et vers La Mecque. Ce port était considéré— et demeure jusqu’à nos jours— la route des pèlerins venant des quatre coins du monde en Arabie saoudite.

Le port a ainsi une double importance considérable. Il a permis le développement d’une ville multiculturelle avec différentes architectures et différents styles. Les Fatimides, les Ayyoubides, les Mamelouks et les Ottomans ont tous créé ce grand centre économique et ce musée ouvert de beauté islamique à travers les siècles.

Aujourd’hui, la ville porte les traces du passé avec de nombreux monuments préservés, tels que les nombreuses mosquées, dont la mosquée Shafei qui date du XIIIe siècle.

L’inscription de la vieille ville de Djeddah au Patrimoine mondial de l’humanité devra être suivie par celle d’autres sites dans les pays musulmans.

La Citadelle d’Erbil inscrite au Patrimoine mondial

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Au nord de l’Iraq, et au coeur de la capitale du Kurdistan, vieille de plus de 7000 ans, se trouve la Citadelle d’Erbil.

Cette citadelle fortifiée a été inscrite, cette année, sur la liste du Patrimoine mondial de l’humanité.

A cause des conflits dans cette région, et vu que la citadelle est située dans la région autonome du Kurdistan en Iraq, l’inscription du site n’était pas facile. « Face aux attaques et aux bombes, cette forteresse ne peut pas résister longtemps», estime Mohamad Al-Kahlawi. Les façades des maisons du XIXe siècle continuent de donner l’effet visible impressionnant d’une citadelle surplombant la ville d’Erbil. Construite particulièrement pour des raisons défensives, cette citadelle était considérée comme la ligne de défense de la province d’Erbil.

En 2006, un mur de la citadelle a été détruit. « Cela était un appel aux responsables pour prêter plus d’attention à ce site et commencer les travaux de restauration», ajoute Kahlawi. Mais cela a nécessité l’évacuation de quelques citoyens qui y habitent.

« Bien que cette inscription soit une victoire pour les Iraqiens, elle ne pourra pas faire oublier le pillage et la destruction de certaines forteresses lors de la guerre du Golfe», conclut Kahlawi.

Les 26 nouveaux sites du Patrimoine mondial

Les sites naturels

Stevns Klint (Danemark),

Le Parc national du Grand Himalaya (Inde),

Le Sanctuaire de faune et de flore sauvages de la chaîne du mont Hamiguitan (Philippines),

Le Delta de l’Okavango, au Botswana.

Les sites culturels

Westwerk carolingien et civitas de Corvey (Allemagne),

Ville historique de Djeddah, la porte de La Mecque (Arabie saoudite),

Qhapaq Nan, réseau de routes andin (Argentine, Bolivie, Chili, Colombie, Equateur, Pérou),

Le Grand Canal (Chine),

Routes de la soie: section initiale des routes de la soie, le réseau de routes du corridor de Chang’an-Tian-shan (Chine/Kazakhstan/Kirghizstan),

Etablissements de chefferies précolombiennes avec des sphères mégalithiques du Diquis (Costa Rica),

Tertres monumentaux de Poverty Point (Etats-Unis),

L’ensemble historique et archéologique de Bolgar (Fédération de Russie),

La Grotte ornée du Pont d’Arc, dite grotte Chauvet-Pont d’Arc, Ardèche (France),

Rani-ki-Vav (le puits à degrés de la Reine) à Patan, Gujarat (Inde),

Shahr-i Sokhta (Iran),

La Citadelle d’Erbil (Iraq),

Les grottes de Maresha et de Bet-Guvrin en basse Judée, un microcosme du pays des grottes (Israël),

Le paysage viticole du Piémont: Langhe-Roero et Monferrato (Italie),

La Filature de soie de Tomioka et sites associés (Japon),

Les Anciennes cités pyu (Myanmar),

L’Usine Van Nelle (Pays-Bas),

Namhansanseong (République de Corée),

Bursa et Cumalikizik: la naissance de l’Empire ottoman (Turquie),

Pergame et son paysage culturel à multiples strates (Turquie).

Filature de soie de Tomioka et sites associés (Japon).

Un site mixte a été ajouté : le Complexe paysager de Trang An (Viêt Nam).

Le patrimoine en péril

Battir (Palestine),

La ville de Potosi (Etat plurinational de Bolivie),

La Réserve de gibier de Selous (République unie de Tanzanie).

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