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Musée gréco-romain  : Les fonds avant les idées

Samar Zarée, Lundi, 14 juillet 2014

La restauration du Musée gréco-romain d’Alexandrie est loin de faire l’unanimité. Son ancien directeur estime notamment qu’un budget 10 fois inférieur aurait largement suffi.

Musée gréco-romain

Suite à un mémorandum d’entente signé entre l’Egypte et le gouvernement italien, le ministre des Antiquités, Mohamad Ibrahim, a donné le feu vert aux travaux de restauration du Musée gréco-romain à Alexandrie.

« Les fonds et l’expertise italienne appuieront le Musée gréco-romain de la ville d’Alexandrie, qui possède la plus grande collection d’art gréco-romain du monde. Le gouvernement italien fournira les fonds nécessaires pour la restauration avec un coût total qui s’élève à 8 millions de dollars et 2 millions d’euros, pour un musée qui devrait générer, une fois restauré, environ 1000 emplois», a déclaré Mohamad Ibrahim.

Bien que le projet semble prometteur, il a suscité des débats houleux entre les archéologues. Certains refusent catégoriquement ce projet estimant qu’il altère les propriétés archéologiques de ce musée. « Je suis contre ce nouveau projet de restauration présenté aujourd’hui devant le Conseil Suprême des Antiquités (CSA) et qui va affecter le caractère et le style unique de ce musée qui abrite des pièces grecques rares ayant un aspect égyptien », lance Ahmad Abdel-Fattah, ex-directeur du musée.

« A cause de cette nouvelle restauration, on sera obligé d’annuler les travaux de restauration qui avaient commencé en 2005 et qui avaient coûté 120 millions de L.E. C’est un gaspillage d’argent public. En plus, la superficie consacrée aux cafétérias du musée sera plus grande que celle consacrée à la bibliothèque! C’est dommage, car cette bibliothèque ressemble à celle du Musée du Vatican du point de vue du genre de livres et d’ouvrages de références rares qu’elle possède », se lamente Abdel-Fattah qui rejette catégoriquement le projet de nouvelle restauration.

« Dans tout musée, il existe une organisation pour l’exposition des pièces, soit par séquence historique, soit par style, soit par thème. Avec la nouvelle restauration, nous serons devant un style vague d’exposition avec un thème indéfini. Pour toutes ces raisons, j’ai refusé de participer à ce projet. Ce musée n’a besoin que de 60 ou 70 millions de L.E. au plus pour achever les travaux restants », ajoute-t-il.

Les responsables du CSA ne nient pas les accusations de Abdel-Fattah, mais affirment que le plan final de restauration n’est pas encore définitif. Les Italiens ont présenté deux propositions pour cette restauration : la première permet d’inclure le bâtiment du gouvernorat d’Alexandrie, dont la superficie est de 700 m2. Il est mitoyen au musée et a été totalement détruit pendant les jours de la révolution du 25 janvier. Une campagne a été lancée il y a quelque temps par des archéologues et des intellectuels afin d’annexer cette surface au Musée gréco-romain. L’autre proposition ne renfermait pas ce bâtiment. « Le CSA est en train d’étudier les deux propositions. Même le style d’exposition n’a pas été encore choisi puisqu’une commission est chargée de choisir la meilleure proposition », explique Soheir Amin, une responsable de la section des musées.

« A noter que ce projet n’a pas pour but de rénover simplement le musée ou de développer le bâtiment, mais nous avons l’intention d’en faire un musée international. On a besoin d’une grande somme pour pouvoir construire deux étages et ajouter des salles d’exposition afin de conserver les découvertes éventuelles à Alexandrie. Sans négliger la création d’autres services comme un musée pour enfants, des cafétérias, en plus d’un système d’éclairage et de sécurité. Tout cela a besoin d’un grand budget », conclut la responsable.

Au coeur de la ville antique

Le Musée gréco-romain d’Alexandrie situé rue Al-Mathaf (la rue du Musée) se trouve à quelques pas du centre-ville. Pas loin des sites archéologiques, il se trouve à côté de l’amphithéâtre romain de Kom Al-Dekka, de la colonne Pompée, du Serapeum et des catacombes de Kom Al-Choqafa. Le musée a été officiellement inauguré le 17 octobre 1892 par le khédive Abbas Helmi II.

Le bâtiment du musée comprend une façade néoclassique reposant sur six colonnes. Il renferme plus de 40000 pièces de valeur qui datent principalement du IIIe siècle av. J.-C. au IIIe siècle ap. J.-C. couvrant ainsi la période ptolémaïque et romaine, notamment des momies, des sarcophages, des tapisseries... offrant un panorama aussi fidèle que varié de la civilisation gréco-romaine.

Ce musée, qui renferme aussi des pièces provenant du Fayoum, de Behnassa et autres, est également réputé pour sa collection des Tanagra. Le mot Tanagra vient du nom d’un village de la Grèce antique, célèbre par sa nécropole ouverte pour la première fois en 1874 et qui abritait une quantité considérable de figurines. Ces gracieuses figurines, faites en terre cuite par des artisans alexandrins et ayant conservé jusqu’à présent leur couleur, donnent des indices précieux sur le mode de vie des Alexandrines de l’époque, sur leur manière de s’habiller et de se coiffer.

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